Pendant que le président de la République s’adresse au peuple et à ses électeurs dans un langage indescriptible et par des mots ambigus que personne ne comprend mais qui impressionnent ceux qui ignorent les subtilités de la langue arabe tout en indignant ceux qui en connaissent la beauté et l’éloquence, le pays part en vrille.
Alors qu’un gouvernement, qui navigue à vue jouant au sapeur-pompier, signe des accords d’augmentation de salaires alors que les caisses de l’Etat sont vides et les entreprises publiques sont en faillite, l’économie nationale se bat pour sa survie.
L’économie nationale n’est pas au beau fixe malgré quelques signaux positifs, dont le recul de l’inflation et l’augmentation des avoirs en devises. Les informations publiées par la Revue de Recherches de Tunisie-Valeurs viennent affirmer de nouveau la récession d’une ampleur sans précédent vécue par le pays en 2020.
Le drame de la Tunisie reste le déficit budgétaire, aggravé certes par la pandémie et plus encore par le repli de 11% des ressources propres de l’Etat en raison de la contraction des recettes fiscales, la hausse des dépenses publiques et la perte des ressources à cause du blocage des sites de production comme le phosphate et les hydrocarbures.
Une situation économique catastrophique conjuguée à l’absence de perspectives et à l’inexistence d’un leadership stratège et visionnaire au plus haut de la pyramide de l’Etat ont engendré une crise sociale sans précédent et un appauvrissement des populations dans les grandes villes et les régions.
Aziza Darghouth, expert international en sociologie du développement et présidente de l’Observatoire tunisien de la citoyenneté participative, effarée par l’état des régions et le délabrement des infrastructures dans notre pays, dénonce :
«Descendez dans les régions, sortez de vos salons et vos salles de meeting et allez vivre là où il n’y a pas d’eau alors que les barrages sont tout autour. Allez là où il n’y a pas de semences de blé et où les semences traditionnelles sont interdites. Allez chez les éleveurs de bétail qui ne peuvent pas nourrir leurs bêtes et où les choix des espèces sont non adaptés à l’élevage. Allez dans ces régions où les ruptures des cursus scolaires sont légion et où les enfants sont jetés dans la nature sans formation ; où il n’y a pas d’instituteurs au mois de décembre ; où il n’y a pas d’eau chaude, pas d’ambulance, pas de dispensaire, tout juste un médecin tous les 15 jours. Ceci alors que les repas étaient généralisés dans toutes les zones rurales et alors que les territoires sont pleins de ressources».
A l’absence des ingrédients pour un minimum vital pour les populations qui ont vécu un bouleversement plus imposé que souhaité, il y a dix ans, un bouleversement auquel ils n’étaient pas préparés, aucune réponse digne de ce nom de la part des partis politiques au pouvoir ou encore de la part du gouvernement, faible et inefficient, et d’un président de la République, démagogue.
Un gouvernement compréhensif à tel point qu’il n’arrive pas à gérer tous les mouvements sociaux qui enfoncent le pays dans une grande instabilité. Un gouvernement qui estime que les beaux discours peuvent remplacer les actes et les mesures fortes et drastiques et que les paroles bienveillantes peuvent calmer les ardeurs revendicatrices qui peuvent aller jusqu’à détruire le patrimoine de l’Etat.
Quant au président de la République, il est devenu l’expert des discours tapageurs où il profère systématiquement des menaces à l’encontre de comploteurs que lui seul connaît mais contre lesquels il ne sévit pas usant de ses prérogatives en tant que garant de l’unité et de la sécurité nationales ! Ceci tout en s’attaquant systématiquement aux créateurs de richesses, apparemment, considérés autant par lui que par son entourage comme des capitalistes sauvages, comme si, les discours « révolutionnistes » pouvaient donner à manger au peuple !
Il fut un temps la Tunisie, à tort ou raison, était surnommée “le dragon de l’Afrique“. Aujourd’hui, elle est devenue à la traîne à tous les niveaux.
A quand une nouvelle Tunisie !
Amel Belhadj Ali