La loi de finances 2021, adoptée le 10 décembre 2020, comporte 42 chapitres, soit moins de chapitres que les lois de finances précédentes, et dont 11 portent sur le budget de l’Etat, 1 chapitre sur l’application de la loi et 30 chapitres sur les mesures fiscales qui entreront en vigueur en janvier 2021. Sur les 30 chapitres, 9 ont été ajoutés à la dernière minute.

Abou SARRA

La loi de finances 2021 a prévu des mesures au profit des secteurs, des entreprises et des personnes physiques (particuliers). En voici l’essentiel.

Mesures en faveur des secteurs

Le secteur des télécommunications et ses opérateurs vont bénéficier d’une baisse de la pression fiscale à travers l’élargissement de l’application du taux de la TVA de 7% aux services de téléphonie et d’internet fixes à domicile et la non soumission à la taxe de communication des recettes provenant des ventes par les opérateurs des téléphones portables et fixes.

Il s’agit d’étendre la baisse du taux de TVA de 7% à tous les segments de la chaîne. Auparavant les prestations précitées étaient soumises à un taux de TVA de 17%.

Le tourisme vient en second lieu. La loi de finances 2021 prévoit des baisses significatives des taxes de consommation prélevées sur les véhicules terrestres et maritimes utilisées par le secteur.

A titre indicatif, cette taxe baissera pour les quads de 63% à 20%, et pour les yachts de 50% à 20%. L’argument avancé serait de soutenir le secteur sinistré du tourisme et des loisirs.

L’activité phosphatière, particulièrement la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), bénéficiera d’une réduction de la redevance minière à 1% du résultat d’exploitation de la société, avec effet rétroactif.

Selon l’ancien taux, la CPG, qui ne s’est pas acquittée de cette redevance depuis 2008, serait redevable au fisc de quelque 700 MDT ce qui est énorme comme manque à gagner.

L’industrie bancaire sera également bénéficiaire de la loi de finances 2021. Et pour cause. Pour combler les besoins financiers, en l’occurrence la mobilisation de 10 milliards de dinars pour boucler l’exercice 2020 et les 18 milliards de dinars pour l’année à venir, le gouvernement va probablement émettre de bons de trésor auxquels les banques, les compagnies d’assurances et les grands épargnants peuvent souscrire.

Il s’agit pour les banques d’une manne dans la mesure où elles sont refinancées avec intérêt par la Banque centrale sans courir aucun risque.

L’industrie du tabac sera également soutenue par la loi de finances. Elle prévoit une baisse de la taxe de consommation sur certaines catégories de tabac. Il s’agit entre autres de la baisse des taxes de consommation prélevées sur le Maasel, le Jirak et le tabac chauffé.

A titre indicatif, celle prélevée sur la Maasel baissera dans une proportion significative de 135% à 10%.

Par ailleurs, une taxe de consommation de 10% est proposée sur les recharges des cigarettes électroniques.

La loi de finances se propose de donner un coup de pouce au secteur sinistré de la promotion immobilière. Elle prévoit d’encourager les personnes physiques à acquérir un logement durant les années 2021-2022, en leur accordant une réduction mensuelle de 100 dinars sur l’impôt sur le revenu au titre des deux exercices.

A signaler au niveau du pouvoir local, la création d’un fonds de soutien à la décentralisation et à la solidarité entre les collectivités locales.

Objectif : renforcer les capacités et l’autonomie financière des collectivités locales. En d’autres termes, il aidera les collectivités locales à supporter leurs charges et à améliorer leurs équilibres financiers.

Toujours au rayon de la vie publique, la loi de finances 2021 prévoit la légalisation d’octroi de dons au profit de l’Etat des communes, des entreprises et établissements publics, et des associations qui aident les démunis et les sans soutien de famille. Auparavant, le bénéfice de cet avantage était limité aux départements ministériels.

Le secteur agricole bénéficiera de deux mesures. La première concerne l’extension de la suspension de la TVA et des droits de douane prélevés sur les matières premières utilisées pour fabriquer les moustiquaires et les filets de protection des régimes de dattes.  La deuxième porte sur la facilitation des mesures de remboursement des frais d’enregistrement au titre de l’acquisition de terres dédiées à la réalisation d’investissements agricoles.

Last but not least, le marché financier. La loi de finances 2021 supprime, à compter du 1er janvier 2021, la retenue à la source (RS) au taux de 35% sur les revenus des comptes à terme, des certificats de dépôts et de tout produit financier similaire. Il s’agit des revenus tirés des placements financiers.

Selon l’expert-comptable Walid Ben Salah, la modification des taux de la retenue à la source aura une retombée financière importante sur le budget de l’Etat à travers la réduction de ses recettes fiscales.

Dispositions en faveur des entreprises

Au rayon des entreprises, la nouvelle loi de finances prévoit une importante baisse de l’impôt sur les sociétés (IS). Ce dernier sera harmonisé et unifié au taux de 15% pour les entreprises assujetties auparavant aux taux de 13,5%, 20% et 25%.

La deuxième mesure concerne l’augmentation du seuil de 20 MDT à 200 MDT applicable aux sociétés soumises aux obligations de prix de transfert, prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées.

La troisième porte réduction des délais de réponse de l’administration aux oppositions des résultats des vérifications fiscales de 6 mois à 90 jours.

La quatrième a trait à la dispense du paiement du 3ème acompte provisionnel 2020 et des 3 acomptes provisionnels 2021 pour les entreprises lésées, les entreprises touristiques et les entreprises artisanales.

Il faut reconnaître ici que les PME ont beaucoup souffert de la crise de la Covid-19. Selon une étude réalisée par l’INS (Institut national de la statistique) en collaboration avec la Banque mondiale, 54% des entreprises évoquent une fermeture définitive ; 75% des entreprises exportatrices font état d’une diminution de la demande extérieure alors que leur taux d’imposition va passer pour elles à 18% ; 74% des entreprises touristiques, qui emploient 60 000 personnes évoquent la possibilité d’une fermeture définitive, 50% des entreprises avouent avoir des difficultés de financement et des difficultés à s’approvisionner en matière première…

Trois autres mesures sont également prévues. Il s’agit de l’extension de la période du bénéfice du régime forfaitaire de 4 ans à 6 ans, de l’exonération de la TVA des ventes en détail et en gros des médicaments et des produits pharmaceutiques, et de la suspension du paiement de l’impôt sur les sociétés 2020 à déclarer en 2021, et ce jusqu’au mois de mai 2022.

La loi de finances fait une mention spéciale pour la suppression définitive du taux préférentiel de 13,5% (introduit par la loi de finances de 2019). Ce taux devrait s’appliquer aux bénéfices réalisés à compter du 1er janvier 2021 et à déclarer à partir de l’année 2022.

Sont particulièrement concernés les sociétés exportatrices opérant dans les industries off shore, les centres d’appels, les services d’innovation en technologies, les sociétés de commerce international, le conditionnement et emballage, les services de conseil et bureau d’études réalisant une forte valeur ajoutée.

Mesures concernant les particuliers

La mesure la plus douloureuse et la plus difficile consiste à subordonner, à partir du 1er janvier 2021, le paiement de la vignette à la régularisation de la situation fiscale.

Pour encourager l’épargne à moyen et long terme, il sera procédé au relèvement du plafond de déduction à 100 000 dinars applicable à l’épargne à travers les comptes d’épargne, contrats d’assurance vie et contrats de capitalisation.

Une mesure est instituée pour encourager des personnes physiques à acquérir, durant 2021 et 2022, des logements. Il s’agit de faire bénéficier les postulants à un logement d’une réduction mensuelle de 200 DT sur l’impôt sur le revenu pour les exercices précités. Cet avantage est subordonné à la conclusion d’un contrat et du prêt logement afférent.

Les férus des jeux de hasard auront la désagréable surprise de payer, conformément à la loi de finances 2021 une taxe de 15% applicable aux jeux de pari et de hasard sur internet.

Dans la perspective d’encourager le decashing et le paiement électronique, la loi de finances prévoit une prise en charge par l’Etat des frais ou commissions applicables sur les paiements effectués pour son compte à travers les cartes bancaires, ou bien les téléphones portables.

Une mauvaise nouvelle pour les mordus de boissons alcoolisées. La taxe sur la consommation de la bière passera de 18 millimes par centilitre actuellement à 24 millimes par centilitre. La taxe sur le vin passera de 1,8 dinar par litre à 2,4 dinars par litre.

Par ailleurs, le prix du carburant fera l’objet en 2021 de plusieurs majorations, tout autant que la tarification d’électricité et de gaz naturel.

Au niveau des produits de consommation quotidienne, à signaler l’institution d’une taxe de 100 millimes par kilogramme du sucre en poudre.

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