Les marchés publics ont des répercussions importantes sur l’économie nationale, et servent souvent à renforcer le tissu entrepreneurial des PME, à le pérenniser et à encourager l’innovation et la créativité. En Tunisie, pour l’année 2017, les marchés publics ont représenté environ 15% du PIB, un taux supérieur à la moyenne de l’OCDE.
Les marchés publics pourraient œuvrer efficacement à la sauvegarde du tissu entrepreneurial national et à l’amélioration de la croissance économique du pays, d’autant plus que pour qu’ils soient d’un meilleur apport pour le pays, nul besoin de promulguer des lois, il suffit d’émettre des arrêtés.
A ce propos, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a récemment soumis à la présidence du gouvernement une proposition pour améliorer la gouvernance des marchés publics et revoir leur cadre réglementaire.
Pour l’UTICA, les carences d’ordre procédural ont pendant longtemps représenté un obstacle au développement de l’économie et à la pérennité des institutions nationales. La raison est due au cadre approximatif ou compliqué des textes légaux et réglementaires régissant les marchés publics. Pour y pallier, la centrale patronale a procédé à l’évaluation de l’arrêté numéro 1039 promulgué le 13 mars 2014 portant “organisation des marchés publics“.
Ses experts ont élaboré un projet d’arrêté visant à réviser l’arrêté réglementant actuellement les marchés publics, et ce après étude des réglementations similaires dans d’autres pays et en tenant compte des orientations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que de celles de la Banque mondiale.
Adopter une approche globale dans le traitement de la demande publique
L’initiative vise à convaincre les décideurs d’adopter une approche globale s’agissant du traitement de la demande publique en rapport avec les problématiques liées à la politique nationale des marchés publics et au cadre législatif et réglementaire les régissant.
Dans un premier temps et comme condition de développement économique, il s’agirait d’accélérer le rythme de réalisation des projets d’envergure en soutenant les opérateurs nationaux et en les encourageant par l’introduction de clauses préférentielles. Il s’agit aussi de prendre en compte les risques de change et de dévaluation du dinar dans l’octroi des marchés publics et d’adopter le principe de leur attribution sur la base de l’équilibre entre coût et qualité.
L’UTICA appelle aussi le gouvernement à associer les bureaux d’études spécialisés et experts externes dans toutes les opérations de préparation des appels d’offres, d’évaluation des offres et leur mise en œuvre. Le but étant de d’optimiser les efforts tout au long de la démarche, avant l’appel d’offres jusqu’à sa concrétisation.
Le patronat appelle l’Etat à consacrer une rubrique de son budget aux financements des études relatives aux marchés publics afin de préserver l’indépendance de la décision nationale et de ne pas se voir acculé à choisir les soumissionnaires sélectionnés par les bailleurs de fonds lors de l’affectation des marchés.
Le patronat appelle aussi à revoir le principe d’accord d’un projet « Clé en main » en se référant aux critères énoncés par la Fédération internationale des ingénieurs-conseils et d’adopter de nouvelles méthodologies dans la première sélection des soumissionnaires tout en encourageant l’approche de négociation compétitive telle que pratiquée lorsqu’il s’agit des partenariats publics/privés.
La nécessaire transparence !
La transparence est indispensable à l’ouverture des marchés et dans les marchés publics, elle ne se restreint pas à la publication de l’ordre juridique existant mais couvre des règles de mise en application couvrant toute la procédure, de l’appel d’offres jusqu’à l’adjudication du contrat.
Pour l’UTICA, soutenir la transparence des marchés publics se traduit, entre autres, par l’amélioration de l’accès à l’information et de sa diffusion, et par la mise en place d’un mécanisme obligatoire de passation de marchés en ligne en étalant la pratique sur les projets financés par l’international.
Il s’agit aussi d’obliger l’acquéreur public à réagir rapidement aux réclamations des soumissionnaires, d’accélérer les délais de publication des résultats d’attribution des marchés et d’informer les non retenus des raisons d’annulation ou de rejet de leurs offres.
Le patronat appelle également à ce que des professionnels spécialisés participent à toutes les commissions concernées par les marchés publics.
La transparence dans les contrats de la commande publique ambitionnée par l’UTICA doit toutefois être utilisée avec mesure et ne pas être abusive pour qu’elle ne porte pas atteinte au principe de la concurrence.
Sur le guide de l’“Acheteur public en Tunisie“, nous pouvons lire ce qui suit : « Il est utile de rappeler que les objectifs recherchés par l’établissement de critères de choix et leur utilisation en vue de rechercher les offres susceptibles de satisfaire au mieux la commande publique sont :
– d’aboutir à la meilleure satisfaction possible des besoins exprimés, ce qui suppose une bonne formulation de ces besoins ;
– préserver au mieux les deniers publics en recherchant le meilleur rapport qualité/prix ;
– assurer toute l’impartialité nécessaire et le respect du principe de l’égalité d’accès à la commande publique.
Pour l’UTICA, il s’agit de consolider la transparence et l’efficacité de la gestion des finances publiques, de consacrer la gouvernance, de lutter contre la corruption et le conflit d’intérêt et d’accorder l’importance économique qu’il faut à la commande publique car vecteur de développement économique.
Qu’il s’agisse des pouvoirs publics ou du secteur privé, les objectifs se rejoignent. Qu’est-ce qui empêche dans ce cas que les marchés publics -qui représentent une part importante du PIB de notre pays- deviennent réellement le vecteur de croissance qu’ils doivent être ?
Amel Belhadj Ali