Des ingénieurs pluridisciplinaires de haut niveau arrivent chaque année sur le marché du travail en Tunisie. Ils sont notamment convoités par les entreprises. Mais, jusqu’à ce jour, peu d’étudiants dans les 22 écoles d’ingénierie que compte le pays sont intéressés par l’espace et l’ingénierie spatiale, en dépit des opportunités offertes dans ce domaine futuriste.
Cette tendance devrait être renversée et les futurs diplômés de ces écoles gagneraient, à explorer ce créneau de l’ingénierie spatiale, dont l’usage est resté longtemps réservé aux grandes puissances internationales, c’est ce qui ressort d’un Forum sur la thématique ” l’ingénierie spatiale “, organisé, récemment, par “ENIT Junior Entreprise”, une association formée et gérée par les étudiants de l’Ecole Nationale des Ingénieurs de Tunis.
Car, bien qu’il soit peu exploré en Tunisie en termes d’entreprenariat, ce domaine offre plusieurs opportunités d’emploi et de création d’entreprises, selon Kamel Besbes, professeur à la Faculté de Sciences de Monastir, chef de laboratoire et représentant de la Tunisie dans le domaine spatial, dans le cadre de “Horizon2020”, un projet co-financé par l’Union Européenne, qui promeut une intelligence collective pour une Tunisie innovante.
“D’après des études, 1 dollar (environ 2,700 dinars) investi dans le domaine spatial, génère 6 dollars (l’équivalent de 16 dinars). “Moins un domaine est accessible, plus il est rentable”, a lancé l’universitaire devant une pléiade de futurs ingénieurs.
Il existe au moins 4 créneaux liés à l’ingénierie spatiale qui pourraient séduire les jeunes ingénieurs tunisiens et servir à la création de start-up.
Il s’agit de “l’économie de l’espace “, des “recherches, enseignement et études pour l’accessibilité à l’espace”, de “l’espace au service de la société” et de “la diplomatie de l’espace”. Des projets pourraient aussi, être réalisés dans le domaine des services socioéconomiques liés à l’espace, dont l’observation des barrages par satellites.
En ce qui concerne la diplomatie spatiale, Besbes a fait remarquer que les projets spatiaux demandent des collaborations et des coopérations internationales. “Pour faire des prouesses scientifiques, même les adversaires trouvent des arrangements pour servir leurs intérêts communs et rendre les produits de l’espace accessibles à tous”, a-t-il dit. Et de rappeler l’exemple de la Station spatiale internationale (ISS), qui unit de nombreux pays pour un même objectif: explorer l’espace.
Ingénieurs aux profils divers
L’ingénierie spatiale est un domaine de pointe qui tend à faire progresser nombre d’autres secteurs, selon les intervenants à la rencontre d’ENIT Junior Entreprise.
Selon Kais Bouhlila, membre de l’association et futur diplômé ingénieur de l’ENIT, la finalité des débats de l’association, est d’encourager les futurs ingénieurs à explorer ce domaine, en les mettant en contact avec des experts et des ingénieurs tunisiens qui ont déjà réussi leurs carrières à l’étranger.
En effet, faire fonctionner du matériel spatial requiert la maîtrise de nombreuses disciplines: électronique, mécanique, aérodynamisme, optique, système embarqué. Donc, un large éventail de possibilités s’offre aux jeunes ingénieurs tunisiens.
L’expérience de Telnet, qui a développé un Cubesat 3U, un type de nano-satellite d’à peine 30 centimètres de haut, 10 centimètres de large et pesant un peu plus de 3 kilos, a été présentée de cette rencontre, comme une success-story qui prouve qu’il est possible de réaliser des projets d’ingénierie spatiale en Tunisie.
En effet, ce premier satellite tunisien, dont le coût oscille entre 750 mille et 1 million de dollars (soit entre 2006 mille et 2679 mille dinars), sera lancé le 20 mars 2021, à l’occasion de la prochaine fête de l’indépendance, a déclaré mardi, à l’Agence TAP, l’homme d’affaires et PDG de Telnet Mohamed Frikha.
Ahmed El Fadhel, ingénieur aérospatial tunisien et entrepreneur dans le domaine de l’espace, a indiqué que ” le lancement du premier satellite tunisien par une entreprise privée tunisienne s’inscrit parfaitement, dans l’évolution du secteur spatial à l’échelle globale “.
L’Observation de la terre peut aider à fournir des données aux gouvernements pour intervenir en cas de catastrophes (inondations, incendies…).
Les gouvernements devraient faciliter le travail du secteur spatial privé, a fait remarquer cet ingénieur, résident en Belgique et fondateur de l’association Tunisian Space Association ” TUNSA “, rappelant qu’à l’échelle mondiale, plus de 25 milliards de dollars ont été investis, durant les 10 dernières années, dans 535 entreprises à l’échelle globale.
Pour l’unique année 2019, 25 milliards de dollars ont été investis dans des entreprises du secteur spatial.
Il a recommandé aux jeunes étudiants tunisiens des écoles d’ingénierie d’envisager de se spécialiser dans les domaines de l’ingénierie mécanique et thermique.
“Vous pouvez travailler sur l’architecture, conception thermique et mécanique des structures des engins spatiaux : satellites, lanceurs (fusées), vaisseau spatial, ballons stratosphériques “, a-t-il dit.
Ces futurs ingénieurs peuvent aussi, se spécialiser dans des filières très demandées dans l’industrie spatiale (l’électronique, les systèmes embarqués, l’énergie et l’informatique).
Ils peuvent ainsi, travailler sur le système de puissance électrique, sur l’ordinateur de bord du satellite, sur le système de détermination et de contrôle d’attitude.
Dans le domaine des télécommunications, les futurs ingénieurs tunisiens peuvent travailler sur les systèmes de communication en radiofréquence et même en optique des satellites, l’analyse de la mission spatiale et la gestion du projet d’une manière générale, ainsi que dans la spécialité de data science et du software.
Des retombées économiques considérables!
En effet, le taux de croissance de l’industrie de construction et de fonctionnement des satellites n’a pas dépassé 3% en 2018, à l’échelle internationale. Mais, les retombées économiques générées par ces satellites dans d’autres industries sont immenses et en croissance exponentielle.
A cet égard, l’impact économique total de l’industrie spatiale est estimé à 5000 milliards de dollars en 2018, d’après Bryce space and technology, une entreprise d’analyse prédictive et de visualisation des données pour identifier de nouvelles opportunités.
Parmi les applications civiles bénéficiant du spatial on trouve l’internet, la télévision, la finance, l’agriculture, le transport, la navigation.
Le GPS seul a généré en 2019, des retombées économiques de plus de 1400 milliards par an, d’après une étude récente de l’institut national des standards et des technologies.
Toujours dans le monde, les activités des gouvernements dans le secteur spatial continuent à évoluer avec environ 100 pays dotés de programmes spatiaux et 80 % de l’économie spatiale détenue par des acteurs privés.