L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), bureau Tunisie, a annoncé le lancement de la campagne “Ila mata ?” (Jusqu’à quand ?), pour placer la problématique de l’impunité et l’impérieux besoin de justice au cœur des préoccupations de la jeune démocratie tunisienne.
Dans une déclaration, publiée jeudi, à l’occasion du 10e anniversaire de la révolution tunisienne, l’OMCT a indiqué avoir lancé cette campagne en synergie avec les initiatives citoyennes et associatives visant l’ouverture d’un débat national sur la lutte contre la torture et la promotion des droits humains, et ce, dans le but de sensibiliser les Tunisiens à la question de l’impunité.
Elle rappelle que la campagne a débuté, jeudi, avec la publication d’un vidéo-clip “Jusqu’à quand ?”, de la réalisation de trois fresques murales et de l’appel au financement de projets d’associations tunisiennes dédiés à la lutte contre la violence institutionnelle.
L’Organisation a relevé que la Tunisie, comparée aux autres pays de la région dans lesquels les aspirations révolutionnaires ont été violemment réprimées, est parvenue à amorcer sa transition démocratique, à travers l’organisation d’élections libres, la libre expression de voix dissidentes et l’initiation d’un processus de justice transitionnelle témoin d’une volonté de rompre avec les pratiques tortionnaires et iniques passées.
L’OMCT souligne toutefois que, malgré toutes ces avancées, la violence institutionnelle persiste à la faveur d’une impunité qui pèse comme une chape de plomb sur le nouvel état de droit encore fragile.
“La Tunisie voit aujourd’hui se succéder des projets de lois et des déclarations politiques traduisant une montée en puissance de la tendance réactionnaire désireuse de rétablir un Etat sécuritaire opérant au détriment du respect des libertés fondamentales et de la justice pour les victimes de violations graves des droits fondamentaux”.
Le processus de justice transitionnelle est sans cesse entravé, quand il n’est pas tout simplement remis en cause. Les initiatives se multiplient à l’Assemblée des représentants du peuple en faveur d’une pseudo réconciliation totale qui se ferait au prix de l’abandon de l’ensemble du processus.
“Une telle mesure constituerait une pure trahison de l’esprit de la révolution, laissant sérieusement craindre un retour aux pratiques de l’ancien régime”.
L’OMCT souligne que la justice est elle aussi confrontée à son lot d’obstacles, entre lenteurs procédurales, manque de moyens ou de volonté des magistrats, obstructions posées par l’appareil sécuritaires, représailles contre les victimes, arsenal juridique inadéquat… “Le résultat en est qu’à ce jour, les procédures, certes, se multiplient, mais aucune vraie condamnation pour torture n’a été prononcée”, déplore-t-elle.
L’Organisation tient, cependant, à relever qu’en ce jour de commémoration, il est primordial de rappeler que l’Etat de droit est le seul rempart contre l’autoritarisme. Le peuple tunisien l’a appris à ses dépens pendant les décennies qui ont précédé la révolution et a fait de nombreux sacrifices pour voir cet état de droit advenir. Il en a planté les graines, il y a dix ans, et mérite aujourd’hui de voir la démocratie tunisienne fleurir.