Réputé dans la mémoire des Tunisiens pour être le père de la presse libre en Tunisie et pour être l’un des premiers droit-hommistes du pays, Hassib Ben Ammar, également collaborateur du président Habib Bourguiba, est l’un des rares ministres du fondateur de la République tunisienne à n’avoir pas écrit, de son vivant, ses mémoires.
Pourtant, son parcours engrange beaucoup d’exploits. Il est connu pour avoir été parmi les premiers à avoir osé dire non à Bourguiba, à s’opposer à la dictature du parti unique (1971), à avoir fondé le Conseil national des libertés et contribué à la création, en 1977, de la première ligue des droits de l’Homme en Tunisie.
Rachid Khechana, ancien journaliste du journal Errai et ancien rédacteur en chef des revues indépendante et d’opposition, respectivement Al Maghrib au temps de Bourguiba, et El-Mawkif au temps de Ben Ali, vient de lui rendre hommage en publiant en sa mémoire un ouvrage en langue arabe de 264 pages intitulé : «Hassib Ben Ammar et le rêve du projet réformiste».
Hassib Ben Ammar, père de la presse libre
Réparti en quinze chapitres et en témoignages de militants et de hauts cadres de l’administration tunisienne, l’ouvrage de Rachid Khechana -qui fut également PDG de l’Agence Tunis Afrique presse (TAP, 2018-2019)- reprend les écrits et positions du « père de la presse libre en Tunisie » vis-à-vis des problématiques que connaissait le pays et son environnement régional (Libye, Ligue rabe…).
Ces écrits traitent de nombreuses thématiques dont la plupart sont encore d’actualité.
Il s’agit entre autres des dangers structurels qui guettent la presse libre, des conditions à réunir pour édifier une société centriste, de l’inutilité des urnes en l’absence de prise de conscience de la population, du pari sur la jeunesse, de visions développementales, de la lutte contre la corruption, de la nécessaire réforme de l’Etat, de la création de l’Etat de droit et des institutions, de la menace permanente des insurrections non contrôlées, etc.
Des préoccupations sont d’une grande actualité
Au rayon des témoignages, l’ouvrage comporte des articles de grande facture de l’ancienne présidente de l’Union nationale des femmes de Tunisie (UNFT), Radhia Haddad, et de la militante Néziha Rejiba, particulièrement son article «Nachaz » (voix discordante), article qui sera à l’origine de la décision de Ben Ali de fermer, en 1988, le journal Errai et de dévoiler la véritable nature dictatoriale du successeur de Bourguiba.
Point d’orgue de ces témoignages, celui de l’ingénieur agricole Malek Ben Salah. Ce dernier raconte comment le défunt Hassib Ben Ammar, alors ministre de la Défense de Bourguiba, l’avait invité, en 1970, en compagnie d’autres ingénieurs à «accomplir, pour le compte de son département, une mission dans la région de Tataouine pour évaluer les possibilités de développement en irrigué».
Malek Salah estime que les propositions faites à cette époque sont toujours d’actualité. Tout en ayant en mémoire les récents événements d’El Kamour, il recommande de dépoussiérer les projets identifiés et de coacher les jeunes de la région pour les en faire bénéficier.
Cela pour dire que Hassib Ben Ammar avait une vision globale et cohérente du rôle que devaient jouer les institutions de l’Etat dans le développement de toutes les régions du pays.
Au final, on peut dire que l’ouvrage a levé le voile, au grand bonheur des chercheurs et des étudiants, sur une partie de notre histoire et du profil d’un des hauts cadre (de l’un des hommes d’Etat) du pays de l’époque de la trempe de Hassib Ben Ammar.