Les chefs de file des principaux courants économiques se sont exprimés. Le débat s’anime autour de la nature de la sortie de crise. Le Stream théorique en économie est euphorique. La nécessité, particulièrement en temps de crise, rend ingénieux. La crise, c’est quand même un casse-tête !
En cet Annus Virus, et non moins Horribilis, la question est : De quoi demain sera fait ? La surprise de l’irruption de la pandémie a appelé une prise en mains de l’activité économique dans tous les pays du monde. Les pays ont été soufflés, à des degrés divers, par la violence du choc. Et ce fut le grand plongeon généralisé de la croissance autour de -10% en tarif commun.
Dans l’urgence, les pouvoirs publics sont intervenus à la-va-vite et au petit bonheur la chance. Sitôt retombé le 1er pic de la maladie, est venu un moment de répit et d’interrogations. Et les économistes ont eu le temps de réfléchir à des parades et à des plans. Où est d’abord le bout du tunnel ? Et seulement après cela on pourra dire, what else ?
La surprise ? La crise à “Double Dip” !
La crise nous a joué un tour de cochon. La deuxième vague a bien eu lieu et elle a été plus virulente. Voilà une crise à répétition en “Double Dip”, à double fond. L’ennui est qu’on commence à craindre une troisième mi-temps avec les variants anglais, sud-africain, voir brésilien qui font beaucoup de patients de la même nationalité.
Tout cela nous ramène à évoquer la réalité du système. La vérité du capitalisme est qu’il est balloté par les cycles d’activité. Il rebondit entre deux états contraires. Ou il y en beaucoup trop, ou alors pas assez. Et que pour le remettre sur la trajectoire de la croissance, ce serait bien de prendre l’initiative de stimuler sa régulation. Mais il n’est inscrit nulle part qu’il doit sombrer dans des crises. Et par ailleurs, tous les modèles prévisionnels révèlent que ses sauts de palier proviennent du progrès technique et du libre jeu de la concurrence.
Il est vrai que la pensée économique s’investit de beaucoup d’intelligence dans le dépassement des crises. Nous prenons nos responsabilités en affirmant que les crises sont précipitées et ne se produisent pas naturellement. Nous avons vécu les péripéties de la crise financière de 2008 et nous avons pu mesurer le degré de manipulation des événements. Les crises ne sont la conséquence ni naturelle ni logique du dysfonctionnement du marché. Passons !
Des scénarios divers
Le monde, sonné à l’extrême par la crise, s’interroge à l’heure actuelle sur le scénario de sortie. On sait d’avance que ce ne sera ni spontané ni fortuit, mais volontariste. Avec des choix conscients. L’opinion voudrait qu’ils soient responsables. Ils porteront les penchants de leurs auteurs. Cela fait de la diversité, sans conformisme mais parfois de la convergence.
Les principales figures ont eu le temps de s’exprimer sur la question. Thomas Picketty a pris option pour conforter le modèle social. Il propose de faire contribuer davantage les riches.
Les Anglo-saxons penchent pour le renforcement du capitalisme financier adossé à l’innovation technologique. D’ailleurs, les capitalisations des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) sont à leur plus haut.
Les Verts aimeraient que cela se réalise dans le sens de la transition écologique. Récemment Philippe Aghion, auteur du plan économique de François Hollande en 2012, ravive une thèse quelque peu archaïque mais qui a la peau dure. Avec deux autres économistes*, il cosigne un livre intitulé “Le capitalisme en crise d’identité”.
Crise existentielle, crise d’identité
Faut-il abandonner le capitalisme du fait de la crise ? Philippe Aghion et ses co-équipiers poussent à ne pas abolir le capitalisme mais à mieux le réguler afin de se protéger de ses revers d’inégalités et d’injustices. Pour cela, les auteurs remontent à la théorie de Joseph Schumpeter, lequel faisait l’éloge de la “destruction créatrice” qui est cette pirouette par laquelle le capitalisme renaît de ses cendres. C’est par cet exercice acrobatique qu’il alterne la prospérité à la crise. N’est–ce pas que la crise sanitaire a aidé au basculement vers la digitalisation, le recours massif à l’intelligence artificielle, le télétravail et tant d’autres innovations ?, s’interrogent les auteurs.
Ces derniers se posent, selon nous, en inconditionnels du capitalisme et non en prospectivistes ouverts d’esprit.
Le mirage de la “Destruction créatrice”
Les auteurs, avec beaucoup d’enthousiasme, plaident pour une meilleure éthique capitaliste. Il se trouve que le capitalisme a eu suffisamment de temps pour montrer la récurrence de ses errances à répétition. S’obstiner à domestiquer sa “destruction créatrice”, c’est s’illusionner.
La preuve ? Les auteurs, avec beaucoup d’angélisme, soutiennent que jusque-là “les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, mais à présent le défi est de le transformer”. L’on noua a bercés pendant longtemps que les idées mènent le monde. Et que les intellectuels pourraient gouverner le changement. Mais c’est là un leurre. Les opérateurs économiques sont seuls à détenir cette exclusivité. Au lieu de se bercer de la bonne fin de la Destruction créatrice, ne vaut-il pas mieux basculer vers le mutualisme? C’est une alternative plus collective car elle a le mérite de garder l’essentiel du capitalisme, c’est-à-dire les échanges et donc le marché et d’associer la majorité à l’effort de commandement.
Le pouvoir ne sera que mieux réparti au lieu d’être concentré entre les mains d’une oligarchie. Il n’y a aucun mal à se faire du bien.
*Céline Antonin (Observatoire des conjonctures économiques) et Simon Bunel (Insee)