Dans le chapitre consacré à la “mobilisation des ressources intérieures et financements de la réalisation des objectifs de développement durables“ (ODD) du rapport 2020 de Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), il est indiqué que « l’affaiblissement de la mobilisation des ressources intérieures enfreint rend les pays africains moins à même de financer la réalisation des objectifs de développement durable ».
Pour atteindre les ODD, il est essentiel de mobiliser davantage de ressources intérieures, mais cela ne suffit pas, estiment les experts du commerce dans le rapport 2020 de la Cnuced. Selon ledit rapport, « il est également important d’affecter les dépenses plus efficacement afin de déterminer ce qu’il en est de ces deux paramètres, à savoir les estimations des fuites des capitaux et des dépenses avec les estimations actuelles des besoins en financement liés à la réalisation des ODD ».
Toutefois, même si les estimations faites à travers cette analyse ne font pas apparaître une relation de causalité entre les fuites des capitaux et les dépenses, ces fuites peuvent être infléchies par des caractéristiques nationales qui influent à la fois sur les résultats macroéconomiques et sur la qualité des institutions.
En effet, dans les pays où les Flux financiers illicites (FFI) sont importants, le montant des dépenses de santé par habitant représente 75% de celui observé dans les pays où les FFI sont relativement peu importants et le montant des dépenses d’éducation, 42%. La pression qui s’exerce sur les dépenses destinées à la réalisation des ODD «est aussi fonction de la composition générale des dépenses publiques», souligne le rapport.
Selon les données statistiques du Fonds monétaire international (Fmi) sur les finances publiques, il arrive que les Etats fragiles, en particulier, «consacrent plus d’argent aux postes de la défense et des services généraux des administrations publiques, qui incluent le service de la dette». En 2015, illustre le rapport, «les dépenses moyennes des pays africains au titre des ODD étaient de 354 dollars par habitant, contre environ 3 000 dollars au niveau mondial».
Alors un lien direct peut-il être établi entre la faiblesse des montants des dépenses de santé et d’éducation et les résultats médiocres obtenus dans ces secteurs?
Les FFI impactent négativement le taux de mortalité
L’analyse qui suit tend à déterminer ce qu’il pourrait advenir si les FFI étaient réinvestis dans le développement social. Elle a été réalisée à partir des données disponibles sur le taux de mortalité des moins de 5 ans et sur la part des dépenses courantes de santé dans les dépenses publiques totales et dans l’hypothèse d’une élasticité des résultats sanitaires par rapport à la hausse des dépenses publiques estimée à -0,19 et -0,09, suivant l’étude de Makuta et O’Hare (Makuta and O’Hare, 2015).
Pour ramener la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus et atteindre ainsi la cible 3.2, «il importe de tenir compte d’autres indicateurs de santé, comme la malnutrition, sur laquelle les données disponibles offrent la meilleure couverture», déduisent les experts.
Pour s’en convaincre, révèle le rapport, en 2018, «le taux de mortalité des moins de 5 ans dans les pays où les fuites des capitaux étaient relativement importantes était de 59 décès pour 1 000 naissances vivantes, contre 66 en 2015».
Par contre, «les pays avec de faibles fuites des capitaux (en pourcentage du Produit intérieur brut) présentaient un taux légèrement inférieur, de 55 décès pour 1 000 naissances vivantes, contre 61 en 2015».
Si l’on retient un scénario ambitieux, dans lequel la priorité est donnée au secteur de la santé et la diminution des fuites des capitaux donne lieu à une augmentation équivalente des dépenses de santé en part du Pib, «les pays avec de fortes fuites des capitaux pourraient ramener le taux de mortalité des moins de 5 ans à 20 décès pour 1 000 naissances vivantes et atteindre la cible 3.2».
Toujours selon l’étude, «si l’on retient un scénario plus réaliste, dans lequel la part des dépenses de santé reste constante et représente 6 % des dépenses publiques totales, la maîtrise des fuites des capitaux n’apportera sans doute qu’une légère amélioration et, compte tenu de la faible élasticité des résultats sanitaires par rapport à l’augmentation des dépenses, n’aura qu’un effet marginal sur la baisse du taux de mortalité (Grigoli, 2015; Moulemvo, 2016; Manuel et al., 2018 ; Kharas and McArthur, 2019).
Consacrer l’essentiel des capitaux récupérés sur la santé
Le rapport fait savoir que les pays africains ne pourront se rapprocher de la cible 3.2 qu’à la condition que tous les capitaux récupérés servent aux dépenses de santé. Au Congo, par exemple, «si les capitaux récupérés étaient investis dans l’économie locale, les dépenses sociales augmenteraient sensiblement, mais cela n’aurait qu’un effet marginal sur le taux d’achèvement de l’enseignement primaire et sur le taux de mortalité infantile», illustre le rapport. Une étude comparative par pays montre que les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique australe sont en bonne voie d’atteindre la cible 3.2, contrairement aux pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest.
Source : sudonline.sn