La Cour des comptes fait état de plusieurs dysfonctionnements au sein de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le bras financier de l’Etat.
Il s’agit, selon le dernier rapport de la Cour des comptes (2019) rendu public récemment, de conflits d’intérêts et de non respect des règles et ratios de gestion prudentielle, constatés dans une structure de gestion de fonds publics et privés, pour l’investissement dans des secteurs stratégiques.
La CDC est en effet chargée d’investir ou de participer à des investissements, directement ou indirectement et dans le cadre de partenariats publics ou privés, dans tous les secteurs économiques à caractère stratégique, dont les infrastructures, le développement régional, les nouvelles technologies, l’environnement et développement durable outre l’appui aux PME.
8 contrats d’investissements et des conflits d’intérêts
La Cour des comptes a fait état, dans son rapport, d’un “manque de bonne gestion dans les cas de conflit d’intérêts, ce qui a engendré la signature de 8 contrats, pour des opérations d’investissement d’un montant de 82 millions de dinars (MDT), avec des entreprises en relation avec l’un des membres de la commission de contrôle de la CDC”.
La CDC n’a pas mentionné si ce membre avait informé la commission de ses liens avec les sociétés, avant la prise de décisions les concernant. Ce même membre avait démissionné de l’instance, le 4 juillet 2016, précise le rapport de la Cour des Comptes.
En dépit de sa démission, la même personne a été présente lors des réunions de la commission, pour approuver les dossiers de financement concernant les sociétés avec lesquelles il avait des liens.
Les PV de ces réunions ne mentionnent pas si cette même personne avait voté ou non, les décisions d’approbation des financements. Selon la Cour des Comptes, la décision du ministre de l’Economie et des Finances, qui définit les parties relevant de la CDC et comment gérer les cas de conflits d’intérêts, ne précise pas la manière d’informer le Directeur Général de la CDC de ces cas et de prendre des décisions à leur égard.
A titre d’exemple, l’article 200 du Code des sociétés commerciales, stipule que les dirigeants de la société anonyme doivent veiller à éviter tout conflit entre leurs intérêts personnels et ceux de la société et à ce que les termes des opérations qu’ils concluent avec la société qu’ils dirigent soient équitables. Ils doivent déclarer par écrit tout intérêt direct ou indirect qu’ils ont dans les contrats ou opérations conclus avec la société ou demander de le mentionner dans les procès-verbaux du conseil d’administration.
Non respect des règles de gestion prudentielle
La Cour des Comptes a aussi fait état du non respect des règles et ratios de la gestion prudentielle. Elle évoque l’approbation par la CDC, de 8 opérations d’investissement d’une valeur de 56 MD, dans des proportions allant de 23% (Technopôle de Sidi Thabet) et 100% (Projet de la société tunisienne d’équipement hydraulique) alors que les engagement de la Caisse ne doivent pas dépasser les 20% de la valeur globale de l’investissement, avec la possibilité de relever cette participation à 40%. Les engagements de la CDC dans 5 investissements d’un montant de 74 MD, a dépassé ce taux de 40%, pour atteindre 49% et 100%.
Selon la CC, cette gestion est contradictoire avec les règles et ratios de la gestion prudentielle et la CDC a ainsi “enfreint le principe de participation en tant que petit investisseur ayant pour mission d’attirer les investisseurs privés”.
La CDC a aussi transgressé l’article 5 de l’arrêté du ministre de l’économie et des finances du 3 février 2015, fixant les règles et normes de gestion prudentielle applicables à la caisse des dépôts et des consignations.Cet article stipule que les risques encourus sur un même bénéficiaire ne doivent pas excéder 25% de la somme des fonds propres nets et des fonds permanents de la CDC.
Toutefois, le plafond du risque encouru sur un même bénéficiaire de la CDC a atteint en 2016, environ 243 MD, soit un montant très proche de ses fonds propres estimés à 256 MD. La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) n’a pu concrétiser que 2% des investissements d’intérêt public pour la période 2012/2016, contre des prévisions tablant sur 14% de taux de réalisation, révèle le 31ème rapport de la Cour des Comptes.