La Poste tunisienne lancera sa banque postale, d’ici la fin de l’année 2021. C’est Sami Mekki, son PDG, qui a fait cette annonce, le 23 janvier 2021 sur les ondes de la radio Express FM.
A priori, fort de 1 200 bureaux postaux répartis sur tout le territoire du pays, de 4 millions détenteurs de comptes d’épargne représentant 25% de l’épargne du pays et de 2 millions de comptes courants, le projet a toutes les chances de réussir.
Abou SARRA
Avec cette nouvelle banque, inspirée d’expertises française, italienne et japonaise, la Poste tunisienne resterait le bras financier de l’Etat pour fournir des services de proximité aux communautés enclavées, c’est-à-dire dans les contrées où les banques classiques n’existent pas ou peu.
Concrètement, la future banque postale va jouer sur le levier de la proximité pour fournir un service que la Poste n’offre pas aujourd’hui, l’octroi de crédits. Elle va permettre à des pans entiers de la population -et même des entreprises- localisés à l’intérieur du pays d’accéder à des financements appropriés pour lancer leurs projets. Elle pourrait même être une sorte de “banque inclusive“.
Cette banque bénéficierait du soutien du gouvernement tunisien. En effet, interpellé en novembre 2020 sur cette question, Fadhel Kraiem, ministre des Technologies de la communication et de la Transformation numérique, avait donné quelques éclairages.
Dans une interview accordée au site Leaders, Kraiem avait assuré que le processus engagé en 2019, pour la création de cette banque postale, avance bien et qu’un groupe de travail a été formé avec la participation de la Banque centrale de Tunisie pour examiner les différents aspects du projet.
Le ministre des TIC avait même parlé du planning. « Il faut compter environ 6 mois pour finaliser la première séquence déterminante. Il s’agit en effet d’obtenir la validation de la Banque centrale, l’accord du ministère de l’Economie qui est en charge des Finances, et l’approbation du gouvernement lors d’un CMR dédié à ce sujet. Cela nous donnera un Go clair avec un schéma de lancement», a-t-il précisé.
Pas de rachat d’une banque de la place
Dans cette interview, Fadhel Kraiem a évoqué une nouvelle orientation qui consisterait en l’abandon du rachat d’une banque de la place pour concrétiser ce projet.
Pour mémoire, l’idée de rachat d’une banque remonte à 2018 lorsque Moez Chakchouk, alors Pdg de la Poste tunisienne (il occupe aujourd’hui le poste de ministre du Transport et de la Logistique dans le gouvernement Mechichi). Il avait indiqué que le projet de création d’une banque postale ne devait pas consister en la création d’une nouvelle banque qui viendrait s’ajouter aux 24 banques existantes. Le scénario le plus crédible serait de racheter une banque de la place qui a déjà une licence, de la convertir en banque postale et de mettre à profit, à cet effet, l’excellent déploiement de la Poste qui compte des guichets partout, avait-il souligné.
Le projet est soutenu par les bailleurs de fonds
Le projet est également soutenu par des bailleurs de fonds. Certains d’entre eux se sont constamment préoccupés des difficultés que rencontrent, à l’intérieur du pays, simples citoyens, PME-TRE, régions et secteurs, pour accéder à un financement bancaire.
C’est d’ailleurs en prévision de la création de cette banque que l’Union européenne aurait mis à la disposition de la Poste tunisienne, en 2016, un don de 1 million d’euros. Ce financement est dédié au cofinancement de plans d’action visant la promotion des différents métiers de la Poste et l’amélioration de leur management.
Pour sa part, lors d’un récent entretien avec un magazine de la place, Antoine Sallé de Chou, chef de bureau de la BERD en Tunisie, a appuyé le projet de création d’une nouvelle banque publique, avec une nuance cependant.
D’un côté, il a soutenu la création de cette énième banque publique parce qu’elle répond à un véritable besoin : celui de faire accéder d’importants pans de régions et de secteurs non bancables à des financements bancaires. De l’autre, il craint que cette banque ne vienne augmenter le nombre des banques où l’Etat serait, encore une fois, actionnaire. Ce qui va poser de nouveaux problèmes de gouvernance difficiles à résoudre.
Par-delà ces éléments d’éclairage, la véritable question est de savoir comment les banques de la place vont réagir à cette nouvelle banque. Ce même établissement financier qui, par l’effet de l’avantage de la proximité dont il pourrait jouir, va à coup sûr leur subtiliser une bonne partie de leur clientèle. En principe, c’est de bonne guerre. C’est la loi de la concurrence.