Les performances économiques et financières médiocres des dix dernières années sont maintenant connues de tous : la croissance la plus faible de l’histoire de ce pays; la dette la plus élevée enregistrée par la Tunisie de toute son histoire, avec une dette extérieure de loin la plus grave pour la souveraineté d’un pays de 109 milliards de dinars au mois de septembre 2020, soit autant que l’ensemble du PIB du pays, dont 27,5 milliards de dinars de dette à court terme, un niveau dépassant le montant des réserves en devises (21,2 milliards de dinars); un taux de chômage qui rappelle celui qui prévalait avant l’indépendance du pays; un niveau de revenu par tête qui a baissé de 40% en dollars en l’espace de dix ans.
La perte de nos équilibres financiers tant extérieurs qu’intérieurs, la croissance molle, la dégringolade du revenu par tête d’habitant m’interpellent et m’amènent à me poser cette question simple : Comment en si peu de temps, un pays classé en 2008 deuxième meilleur pays sur 140 juridictions dans la gestion de ses finances publiques, un pays classé en 2010 parmi les 40 juridictions du monde disposant d’une saine situation financière extérieure et qui a même été sollicité par le FMI pour participer à un tour de table destiné à la mobilisation de financements en faveur d’un programme d’ajustement au profit d’un pays membre de cette institution, comment un pays ayant connu ces performances mondialement reconnues se permet-il de perdre complètement et en si peu de temps la maîtrise de ses équilibres économiques et sociaux ?
Une véritable «prouesse» que l’histoire retiendra et qui fera certainement cas d’école sur les bancs de nos universités et ailleurs dans le monde : le cas d’un pays qui a fait fi d’une expérience de vingt ans de gestion efficace de ses finances publiques et de ses équilibres extérieurs; le cas d’un pays qui a choisi de façon délibérée la rupture avec son passé et son capital expérience et qui en paie aujourd’hui le prix; le cas d’un pays qui souffre des maladies les plus répandues chez les politiques, l’amnésie et le populisme.
Ceux qui se livrent aujourd’hui à ces batailles politiques et juridiques doivent savoir qu’il ne reste aujourd’hui de salut pour ce pays que dans une politique d’austérité et que la décennie qui s’annonce fera subir à nous tous, nos enfants en particulier, les conséquences des «folies» de la décennie qui vient de s’achever.
Nous avons, sans succès je dois l’avouer, attiré l’attention sur ces risques dès les années 2012/2013. Nos statuts sont là pour le prouver.
Nous sommes revenus sur ces problématiques d’équilibres financiers dans les publications du CIPED en 2016 et dans notre livre publié en 2018 sous le titre «Miroir et Horizon : rêver la Tunisie» qui a esquissé les approches requises pour infléchir ces tendances et remettre de l’ordre dans la situation financière et budgétaire et sociale du pays. Des mesures sont proposées sur le front court terme et des politiques et stratégies sont proposées pour le moyen terme.
J’en appelle à la sagesse des uns et des autres, à ce sens du patriotisme bien que sérieusement mis à mal ces dernières années et à cette capacité dont le Tunisien a toujours fait preuve pour se surpasser et faire ce sursaut salutaire comme ce fut le cas en 1986/1987 afin de sauver ce pays d’une véritable descente en enfer.
Taoufik Baccar