L’un des premiers dossiers sur lesquels planchera le gouvernement Mechichi est celui du Pacte pour la compétitivité de l’industrie automobile en Tunisie. Une industrie dont la croissance moyenne en valeur des exportations est de +10,7%, entre 2010 et 2016, et la contribution au PIB autour de 2,9% avec rien qu’en 2017, 178 millions d’euros d’investissement.
Ce secteur pourvoyeur de 80.000 emplois en 2016, dont 67.000 directs et 13.000 indirects, s’affirme de plus en plus comme une composante essentielle de l’économie nationale.
Le Pacte pour la compétitivité de l’industrie automobile en Tunisie vise à doter cette activité des moyens d’atteindre un niveau de compétitivité à même d’impacter positivement l’ensemble de l’économie tunisienne.
Défrichage avec Fethi Sahlaoui, DG des industries manufacturières au ministère de l’Industrie et des PME.
WMC: Quel serait l’apport du Pacte pour la compétitivité de l’industrie automobile en Tunisie sur le développement du secteur sur les 10 ans à venir ?
Fethi Sahlaoui: L’idée du Pacte est d’assurer le développement du secteur et sa stabilité. Il cadre les relations entre partenaires sociaux, Etat et secteur privé. Le Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale est à l’origine le projet du CAE présidé en 2017 par Afif Chelbi. Il s’agit de vingt pactes thématiques et sectoriels axés sur les secteurs productifs, et 14 pactes de filières associés comprenant les composants automobiles, les composants aéronautiques, les TIC, le textile, l’industrie pharmaceutique et ainsi de suite. Les chefs de file pour ce qui est de l’industrie automobile sont la Tunisian Automotive Association et l’UTICA.
Le Pacte pour la compétitivité de l’industrie automobile prévoit la réalisation d’environ 30 usines réparties entre secteur public et privé
Ses objectifs sont ambitieux, ce pacte prévoit la réalisation d’environ 30 usines réparties entre secteur public et privé et d’avoir des investissements d’une valeur équivalente à 22% du PIB du secteur contre 12% actuellement, de dépasser un panel d’exportation d’environ 13,5 milliards de dinars à l’horizon de 2025, contre près de 7,5 milliards de dinars aujourd’hui.
Une unité d’assemblage de véhicules électriques avec un investissement d’environ 300 millions d’euros
A travers ce pacte, nous ambitionnons également de faire de la Tunisie un site attractif pour l’assemblage dont une unité d’assemblage électrique avec un investissement d’environ 300 millions d’euros et dont l’apport technologique est considérable.
Le tissu industriel des composants automobile est important : 280 entreprises, marquées par la présence de grandes entreprises internationales de renommés. Ce qui nous manque, ce sont de nouveaux équipementiers automobiles de 1er rang tels Continental, Bosch ou Denso qui pourraient chacun investir 100 millions d’euros. Le Pacte prévoit également des centres de compétences.
Combien de postes d’emplois pourraient être créés si ce Pacte voit le jour après accord du gouvernement ?
35.000 emplois additionnels à créer entre 2019 et 2025 pour atteindre les 120.000 emplois en 2025 contre près de 85.000 en 2019. Le taux d’intégration nationale sera de 48% en 2025 avec une diversification de la chaîne des valeurs et un taux d’encadrement de 19% en 2025 contre 12% en 2019.
Et l’activité de l’assemblage en Tunisie ?
Trois (3) unités font l’assemblage avec un taux d’intégration de 25% à 30% environ. Le but est d’intéresser un grand assembleur dont les capacités peuvent aller jusqu’à 100 mille voitures par an et d’avoir une plateforme pour Afrique.
Actuellement, nous avons des petites usines avec une capacité d’assemblages de 1000 voitures à 1500 voitures par an c’est trop peu. Le Pacte vise à renforcer l’attractivité de la Tunisie. Il a été envoyé à la présidence du gouvernement pour être exposé au conseil des ministres prochainement.
Que proposez-vous de nouveau aux investisseurs potentiels d’ores et déjà réticents lorsqu’ils voient tous les blocages administratifs et les difficultés logistiques ?
C’est une situation générale à laquelle nous allons essayer de remédier ensemble, Etat, partenaires sociaux et secteur privé. Le Pacte comprend 30 engagements répartis sur 5 axes entre le secteur privé et le secteur public.
Vous savez qu’il y a beaucoup de problèmes, en termes d’infrastructures et de logistique. L’exemple le plus édifiant est celui du port de Radès qui ne répond pas au minimum des standards internationaux.
Pour avoir des constructeurs de renommée internationale, il faut améliorer les infrastructures, alléger les lois par le législatif ou par l’administration, il faut que la formation occupe une place de choix dans nos plans stratégiques et bien entendu, il faut promouvoir le site Tunisie en tant que hub pour composants automobiles.
Pour l’infrastructure, mis à part le port prévu d’Enfidha, on parle aussi des quais 8 et 9 à Radès, ainsi que de l’aménagement du port de Zarzis qui est magnifique, des ports de Bizerte et de Menzel Bourguiba.
Vous avez parlé des voitures électriques, il paraît qu’il y a beaucoup de résistance?
Nous avons discuté avec les professionnels et nous les avons impliqués dans le programme de transition vers les voitures électriques. Avec l’ANME, nous conduisons un projet pilote pour l’acquisition de 2.000 voitures électriques pour le marché local afin d’initier les conducteurs à ces nouveaux véhicules écologiques.
Une convention a été signée entre la SNDP et la STEG pour installer les bornes pour charges des voitures électriques.
Nous comptons bien structurer tous les efforts pour atteindre les objectifs fixés et assurer un saut qualitatif de notre industrie automobile.
Avez-vous prévu de nouveaux centres de formation pour atteindre vos objectifs et disposer de mains-d’œuvre qualifiées ? Y-a-t-il des lignes de financements pour ces centres ?
Il y a deux centres d’excellence pour la formation des effectifs destinés à l’industrie automobile. Nous comptons augmenter nos capacités de formation et de recyclage dès que le gouvernement adoptera le Pacte de compétitivité.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali