L’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) a organisé, jeudi 11 mars 2021, un webinaire sur la bi-bancarisation qui a vu la participation d’un nombre d’experts et de hauts responsables nationaux et internationaux du secteur bancaire et financier.
L’objectif de cette rencontre était fondamentalement de trouver les moyens d’une meilleure captation des transferts financiers des Tunisiens résidant à l’étranger (TRE) en développant un dispositif bancaire adéquat pour répondre aux attentes de cette population qui compte 1,8 million de personnes dans le monde et dont les transferts pèsent entre 5 et 6% du PIB en Tunisie.
5,8 milliards de dinars de transfert en 2020
Selon les chiffres communiqués par Mohamed Agrebi, président de l’APTBEF, les transferts des ressortissants tunisiens de l’étranger ont atteint 5,8 milliards de dinars (1,74 milliard d’euros) en 2020, en augmentation de 11% par rapport à 2019, en dépit de la crise sanitaire de la Covid-19.
« Les banques tunisiennes ont toujours pour ambition de faire affaire avec les TRE avec des produits divers, sauf que les actions demeurent limitées à la saison été », a admis Agrebi qui souligne sur un autre plan la faiblesse du taux de bancarisation des TRE.
De son côté, Marouane El Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a évoqué la nécessité d’assouplir la législation tunisienne, notamment en matière de réglementation des changes pour « passer de l’informel au formel financier ».
Il pense que la bi-bancarisation permettrait, par ailleurs, de baisser les coûts de transaction et « de fluidifier les transferts dans une démarche gagnant-gagnant avec les pays avec lesquels nous fonctionnons », de sorte à rendre les opérations plus transparentes, car « la Tunisie joue la transparence », a-t-il insisté.
Les avantages pour les pays d’immigration et les pays d’origine
Intervenant à ce webinaire de l’APTBEF, Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur général du FMI et gérant-fondateur du Cabinet Parnasse International, a mis en exergue les difficultés inhérentes à la légalité des services bancaires internationaux qui sont soumis aux règles de la LAB/FT (lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme).
« C’est un sujet qui est sur le haut de la pile des autorités internationales », a-t-il déclaré, soulignant l’importance de la traçabilité des fonds également pour des raisons macroéconomiques s’agissant de risques de pertes sèches pour les pays d’origine à cause de transferts pouvant être faits de manière illicite.
L’ancien directeur général du FMI a cependant insisté sur les avantages pour les deux côtés en général, autrement dit les pays d’immigration et les pays d’origine, d’encourager la bi-bancarisation en modifiant les lois et les textes en dépit des difficultés que cela représente.
Il a également appelé les banques à enrichir leur offre en ne se limitant pas seulement au rapatriement sec des fonds mais en passant à de nouveaux produits.
Strauss-Kahn évoque en outre un point juridique et politique, à savoir celui des conventions à mettre en place avec les organismes de régulation des deux côtés.
Les nouveaux migrants tunisiens
Achraf Ayadi, administrateur indépendant au sein d’une banque de la place, a tenu à rappeler pour sa part que la diaspora constituait une clientèle bancaire différente.
Analysant le profil des Tunisiens de l’étranger, Ayadi a déclaré que cette population avait changé depuis les années 2000 et était de plus en plus constituée de cadres et de cadres supérieurs et qu’elle avait été marquée par une arrivée ces 5 dernières années d’une nouvelle population de médecins et d’ingénieurs notamment, ayant migré avec femmes et enfants.
Il a également évoqué le cas de la baisse du nombre d’étudiants tunisiens à l’étranger qui rentraient au pays à l’issue de leur cursus universitaire.
Les banques tunisiennes peuvent proposer des services en Europe
Le webinaire de l’APTBEF a aussi enregistré la participation très significative d’Alain Gauvin, avocat au Barreau de Paris et associé au Cabinet Asafo & Co, qui a rappelé que la question de la commercialisation par les banques tunisiennes de services en Europe était soumise à des règles différentes d’un pays à un autre en l’absence d’harmonisation des services communautaires.
A part la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, Gauvin a déclaré que les autres pays de l’Union européenne « ignoraient ou interdisaient les services bancaires étant donné les lois régissant ces activités ».
Cependant et en prenant en compte le cas de la France, pays comptant la communauté tunisienne la plus importante, Gauvin a annoncé qu’en dépit d’une législation stricte, il était possible pour les banques tunisiennes de proposer des services, ceux-ci étant toutefois soumis à un accord de l’autorité de tutelle française, en l’occurrence l’ACPR, moyennant un certain nombre de conditions, à savoir notamment une offre de services exécutés à l’étranger et destinés exclusivement aux personnes physiques résident en France.