L’inceste, ses effets et ses répercussions sur la vie des enfants victimes, étaient au centre d’une journée de réflexion, organisée vendredi au siège de l’agence Tunis Afrique Presse (TAP) à l’initiative du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) en collaboration avec le ministère de la Femme.
” Il s’agit d’un sujet tabou mais important qui nécessite un vrai débat “, a déclaré la ministre de la Femme, de la Famille et des Séniors, Imen Zahoueni Houimel, ajoutant qu’il touche aussi bien les filles que les garçons et nous met devant une réalité amère. ” La ligne verte est le principal moyen de signalement “, a-t-elle indiqué, soulignant que des victimes d’inceste appellent pour en parler mais rares sont celles qui acceptent de porter plainte.
Ce refus émane de leur peur d’être jugées par la société et par leurs familles qui essaient, généralement, d’étouffer ce genre de pratique, a-t-elle dit.
Face à au nombre important de cas recensés, le ministère de la femme encourage les recherches scientifiques sur ces pratiques qui impacte directement l’unité de la famille.
Le ministère a aussi noué un accord de partenariat avec le ministère de l’éducation, notamment face à l’augmentation de la violence de la part des cadres et corps enseignant sur les élèves.
Cet accord prévoit l’organisation de campagnes de sensibilisation et une éducation sexuelle auprès des élèves. Le ministère a aussi signé un accord de partenariat avec l’association ” wallah we can “, pour l’aménagement du premier centre d’accueil des enfants victime de violence.
Il s’agit, selon la ministre, du premier centre au niveau arabe de prise en charge psychologique des enfants victimes de violences, notamment l’inceste. La ministre a aussi affirmé avoir obtenu l’accord de principe de la part des autorités concernées pour l’indemnisation des victimes de violence.
Rym Fayyala, cheffe du bureau de l’UNFPA en Tunisie, a pour sa part affirmé que l’organisation organise des sessions de formation au profit du personnel médical pour pouvoir identifier ce genre de pratique et lutter conte la violence sexuelle faite aux enfants.
” Nous avons un programme de recherche sur ce sujet, compte tenu de l’importance de développer l’autonomie physique mentale et sexuelle des enfants “, a-t-elle indiqué.
Fayyala a souligné l’absence de données exactes à ce sujet. ” Le peu de chiffres qui existent ne reflètent pas réellement la situation “, a-t-elle regretté dans une déclaration à l’agence TAP affirmant que le bureau lancera bientôt une étude qualitative sur les violences faites aux femmes et enfants dans plusieurs régions de la Tunisie.
Fayyala a estimé que les pratiques d’inceste auraient augmenté notamment lors du confinement sanitaire décrété pour lutter contre la propagation du coronavirus.
Anissa Bouasker, psychiatre a affirmé que les conséquences de l’inceste sont souvent chaotiques pouvant conduire à des tentatives de suicide, à l’addiction, à la violence.
Avec le développement technologique, les violences prennent d’autres formes qui conduisent à des traumatismes complexes auprès des enfants dont notamment la perception négative de l’environnement
Dans les cas d’inceste, les symptômes sont moins bruyants. Ils se manifestent plutôt sous forme de dissociation, de façon d’être et de mécanismes de défense, a-t-elle expliqué, ajoutant que, généralement les victimes ne comprennent pas et craquent après plusieurs années (dépression profonde, suicide…)
Dans une déclaration à l’agence TAP, Dr Bouasker a souligné que certains symptômes peuvent être identifiables auprès des enfants. Certains développent des pratiques de reproduction des scènes de violences qu’ils ont subies. D’autres feraient des tentatives de suicides. ” C’est pourquoi il faut former les médecins et les pédiatres pour identifier les victimes d’inceste “, a-t-elle soutenu.
” Les siestes du grand-père, récit d’inceste “, un livre qui a lancé le débat…
Le livre publié par la maison d’édition Cérès, à son auteur Monia Ben Jemia, étale l’expérience d’une jeune femme victime d’inceste. ” Il s’agit de l’histoire vraie d’une femme victime d’inceste “, a affirmé l’auteure dans une déclaration à l’agence TAP soulignant que le roman raconte l’histoire qui peut être celle de n’importe quelle autre femme.
En effet, l’idée du livre est venue suite à l’identification de plusieurs cas d’inceste dans plusieurs régions à travers une ligne verte consacrée par l’association tunisienne des femmes démocrates, dont l’auteure était membre. ” Il faut que ce genre de pratique s’arrête “, a-t-elle dit.
Selon, Monia Kari, directrice générale de l’observatoire national pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes, ce roman est un récit fort et bouleversant.
Selon elle, “Il faut beaucoup de courage pour parler d’un crime des plus insoutenables, des plus répugnants et des plus sordide”, a-t-elle dit.