Tunisie : A quand le Club de Paris ?

Entre un président donquichottesque qui se bat contre les moulins à vents, agit et réagit plus en prêcheur qu’en chef d’Etat, un chef de gouvernement qui, tel Icare, a brûlé ses ailes, et ne tardera pas à vendre son âme au diable, et le président d’une ARP plus fidèle à son parti que soucieux des intérêts du pays, la Tunisie se perd, et tel un bateau à la dérive, casse ses mâts l’un après l’autre.

Oui ! Comme l’a, à juste titre, signifié Fadhel Abdelkefi, président du parti Afek Tounes, c’est le Club de Paris qui attend la Tunisie ! Une Tunisie notée B3 avec des perspectives négatives et sortie du programme du FMI. Un pays dont les demandes d’aides et les sollicitations ne seront plus entendues par les bailleurs de fonds internationaux puisque « rejetée » par le plus grand bailleur du monde.

L’histoire jugera et condamnera le gouvernement Mechichi pour sa faiblesse et sa soumission à la pression sociale, au bon vouloir des partis, assurant sa ceinture législative et aux syndicats tous puissants tous corps de métiers confondus.

Après avoir envoyé une délégation gouvernementale négocier avec les gens d’El Kamour, le gouvernement Mechichi, soucieux d’obtenir l’appui de l’UGTT dans sa guerre avec la présidence, a vite fait d’entériner les 46 accords signés avec la centrale avec effet rétroactif remontant à 2018. Un accord qui coûtera à un Etat en faillite la bagatelle de 800 millions de dinars. Une somme qui pourrait doubler si, à son habitude, Mechichi obéit aux cris de guerre des contestataires appelant à l’égalité des traitements et avantages pécuniaires.

Un exemple plus qu’édifiant : l’agent de police qui était payé 400 dinars en 2010 est rémunéré aujourd’hui, dès prise de fonctions, 1 500 dinars. Et comme si cela ne suffisait pas, on prévoit encore de nouvelles augmentations. Les magistrats et les hauts commis de l’Etat sont rétribués plus que les ministres eux-mêmes, et la fièvre revendicatrice a gagné tous les ministères et tous les corps administratifs qui appellent à un alignement des émoluments.

Le syndicat de l’éducation nationale menace de ne pas reprendre les cours après les vacances sauf satisfaction de ses exigences salariales, et nous devrions peut-être nous attendre à des réclamations émanant du corps des enseignants du supérieur dont les salaires ont de tous temps été alignés à ceux des magistrats.

Dans le budget 2021 de 52 milliards de dinars, plus de 19 milliards de dinars sont consacrés aux salaires et 5 milliards de dinars seulement à l’investissement dans un pays menacé de stress hydrique et qui exige de grands moyens pour la mobilisation des eaux.

Pour boucler le budget, il faut que l’Etat s’endette à hauteur de 18,5 milliards de dinars, dont une partie infime sur le marché intérieur (extrêmement appauvri) et le plus gros du morceau sur le marché extérieur.

Il faut à la Tunisie plus de 3 milliards de dollars US pour boucler l’année 2021 hors dons et hors lignes d’appui. Une mission presqu’impossible, car sortie du programme du FMI, très mal notée et non pourvue d’un programme de réformes convaincant et qui n’est même pas doté d’un plan de développement quinquennal.

Donc, aucune visibilité, pas de stabilité politique et pas de réformes économiques en l’absence de députés conscients de l’importance de lois économiques.

Résultat des courses : la Tunisie pourrait perdre ses partenaires classiques comme les agences développement (JICA, AFD, HWK, BAD).

D’ici le mois de juin 2021, le pays n’aura peut-être plus d’autres choix que de vendre les bijoux de famille si chers aux syndicats, céder aux exigences des bailleurs de fonds, le FMI en premier, et accepter les réformes douloureuses ou déclarer haut et fort sa faillite.

Dans ce cas, syndicats et politiciens incompétents pourront crier au désastre autant qu’ils voudront, leurs voix ne seront ni entendues par leurs compatriotes ni par l’international parce que leur arrogance, leur ignorance de la chose économique et la traitrise d’une partie de la caste politique en auraient été la cause.

Pendant ce temps, Kaïs Saïed boude Mechichi, Mechichi demande l’appui et l’aide du Cheikh, le Cheikh demande des renforts aux Etats-Unis à coup des centaines de milliers de dinars pour acheter les lobbys, et les forces prétendument patriotiques s’entretuent.

La transition politique et économique de la Tunisie n’en est pas vraiment une, c’est un véritable déluge, d’antipatriotisme, d’ignorance et d’incompétence qui est tombé sur le pays.

Amel Belhadj Ali

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