«Nous avons les ressources nécessaires pour investir surtout dans les infrastructures. La BM et le FMI le savent et nous ont interpellés à ce propos. Si nous voulons relancer l’économie et créer de la croissance, démarrons ces chantiers qui se trouvent partout sur le sol national, d’autant plus que les lignes de financement sont disponibles.
Quinze (15) milliards de dinars (15% du PIB) sont mis à disposition par uniquement 5 bailleurs de fonds (Banque mondiale, BAD, BEI, KFW et JIKA). Si on ajoute à la liste les autres bailleurs de fonds, on arrive à 22 milliards de dinars, y compris des milliards de dinars sous forme de dons et dont la plupart sont approuvés par l’ARP. Au moins 3 milliards de dinars peuvent être débloqués tout de suite, imaginez l’impact d’une telle décision sur la relance. Elle pourrait mettre fin à la morosité économique que nous vivons et remonter le moral à plus d’un ».
Jamel Ksibi, président de la Fédération du BTP à l’UTICA, a raison de s’indigner surtout lorsque nous savons que 90% des procédures peuvent être facilitées via des décrets ministériels et des circulaires, ce qui permettrait de débloquer nombre de projets.
Il suffit par exemple à la STEG de donner le coup d’envoi aux projets signés depuis bientôt une année ; des stations de transformation ou de réseaux gaziers qui donnent énormément de travail ; à l’ONAS d’accélérer la réalisation des projets en suspens ; à la SONEDE où la plupart des contrats sont à l’arrêt à cause de démarches administratives mal coordonnées ; à la SNCFT de lancer le RFR, etc.
Les ministères doivent déléguer la réalisation des études sur les marchés publics à des bureaux d’études nationaux
Le seul ministère qui fonctionne serait celui de l’Équipement. Le pire celui de l’Agriculture. Au ministère du Transport, on vient de démarrer le projet millénium, soit un don de l’USAID de 1,2 milliard de dinars.
Pour Jamel Ksibi, les temps sont venus pour les ministères de déléguer la réalisation des études relatives aux marchés publics à des bureaux d’études nationaux ou à des banques d’affaires. C’est le seul moyen de mettre fin à la résistance de l’Administration et à ses réticences.
Le ministère de l’Équipement le fait, ça marche et c’est même efficace pour lutter contre toute velléité de malversations ou de corruption. « Les bureaux d’études nationaux ont montré leur efficience et leur compétence. Nombreux sont ceux rentrés au pays avec l’avènement de la Covid-19. Ils opèrent à distance, pourquoi ne pas recourir à leurs services pour assurer le suivi des appels d’offres, depuis l’élaboration des cahiers des charges jusqu’à l’octroi du marché et leur suivi aussi ? Ceci est d’autant plus important que nous manquons de compétences juridiques dans certains départements ministériels. Pourquoi ne pas externaliser les problèmes fonciers. La Tunisie ne va pas réinventer la roue, il s’agit de pratiques courantes dans nombre de pays.
Dans un pays où le chômage s’élève à des seuils dramatiques (746 000 chômeurs), avec une décroissance en 2020 de 8% et un taux d’endettement de 90% – une dette qui n’est pas orientée vers l’investissement -, il n’est plus acceptable de voir des projets qui peuvent démarrer tout de suite bloqués à cause du manque d’intérêt des responsables ou à cause du manque de compétences de l’Administration publique.
Les projets sur l’eau, c’est vital pour un pays souffrant de stress hydrique
Les sociétés publiques surpeuplées manquent paradoxalement des compétences nécessaires à leur bon fonctionnement. Nombre de projets sont donc à l’arrêt et qui plus est doivent être réalisé dans les régions. « Les projets sur l’eau, c’est vital pour un pays souffrant de stress hydrique. Déléguer permettrait d’accélérer le processus de réalisation de projets aussi importants. Qu’il s’agisse d’expropriation, de négociation des prêts ou d’élaboration des cahiers de charges, les Tunisiens sont capables de bien gérer. Ils l’ont fait auparavant ».
Il est également triste que les projets PPP ne démarrent pas encore alors que la loi a été votée depuis plus d’une année. Pourquoi ne pas aider et encourager les jeunes à exploiter les carrières de marbre, de gypse, de sable ou de silice ? Parce que tout simplement pour avoir une concession, il faut l’intervention d’une vingtaine de ministères et le jeune peut attendre des années avant d’avoir l’autorisation d’exploitation.
Le gouvernement Mechichi pourrait mettre son empreinte et propulser la création des projets à un haut niveau en initiant une structure représentative des départements concernés et dotée d’un pouvoir décisionnel. Une task force pour désengrener le PPP ankylosé à cause de l’Administration publique serait d’une grande utilité.
« Il y a des dizaines de projets qui peuvent être lancés sur tout le territoire national. A Bizerte ou encore à Béja -élue pour abriter la « Davis »- soit la Harvard des études universitaires dans le domaine de l’agriculture, il s’agit d’un projet PPP fin prêt mais confronté aux obstacles administratifs. Il suffit pourtant d’appuyer sur un bouton pour le lancer. La question est qui appuiera sur le bouton ?»
on peut débloquer tout de suite 3 milliards de dinars et créer 60 000 emplois, à condition de favoriser les entreprises nationales
Maintenant si le gouvernement Mechichi veut sauver la mise, il doit impérativement trouver les moyens de briser l’étau administratif et adopter une démarche allant vers une concrétisation de projets dont les financements sont disponibles. Si on appuie sur le bouton, on peut débloquer tout de suite 3 milliards de dinars et créer 60 000 emplois, à condition aussi de favoriser, dans l’exécution, les entreprises nationales pour qu’elles cumulent le savoir-faire et les références.
La question est devrons-nous attendre que le toit nous tombe sur la tête pour réagir sainement et sauver les meubles ? Seul Mechichi et son équipe pourront y répondre.
Amel Belhadj Ali