L’explosion qui a eu lieu le 13 mars 2021, dans une usine d’asphalte à Gabès et ayant fait 6 morts, a ravivé la demande sociale pour un environnement sain dans cette grande cité du sud du pays et, éventuellement, pour sa reconversion en une “ville amie de la nature“.
Abou Sarra
Des manifestations ont été organisées à Gabès et à Tunis par des citoyens, écologistes et militants de la société civile pour dénoncer l’extrême pollution de cette ville qui détient, selon l’ONG Green Peace, la sinistre distinction d’être “la ville la plus polluée du bassin méditerranéen“.
Les manifestants contre les pollutions et crimes environnementaux qui se multiplient à Gabès réclament le transfert des industries chimiques hors de la zone urbaine. D’autres vont plus loin et plaident pour leur fermeture totale et proposent des alternatives.
La ville de Gabès confrontée à deux donnes
Gérée depuis son lancement au début du 20ème siècle sous l’angle exclusif de la rentabilité économique, l’industrie de transformation du phosphate dans la ville de Gabès est confrontée, aujourd’hui, à deux nouvelles donnes : la soutenabilité environnementale et la soutenabilité sociale.
Pour y remédier, le gouvernement a formulé des propositions pour atténuer la pollution, mais elles ont été rejetées par la société civile. Parmi ces propositions, figurent celle de rallonger, en mer, les canalisations d’évacuation du phosphogypse, et celle d’enterrer cette matière extrêmement polluante dans un site localisée à 25 km de la ville.
L’idéal pour les Gabésiens serait de transférer les sites de production en dehors des zones urbaines. Mais un tel projet serait très coûteux pour l’Etat.
“Monsieur phosphate”, Kaïs Dali, ancien PDG de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG) et du Groupe chimique tunisien (GCT), estime qu’avec «l’émergence, depuis le 14 janvier 2011, d’une forte demande sociale pour une meilleure qualité de vie, pour un environnement sain et pour une gestion inclusive des ressources naturelles du pays, il va falloir accepter soit la fermeture, soit le transfert en dehors des zones urbaines de tous les équipements polluants (usines, ports…).
D’après Kaïs Daly, qui s’exprimait lors d’un séminaire sur l’avenir du phosphate en Tunisie, ce scénario va avoir un coût. « Il est estimé à 3 milliards de dollars », selon lui.
Cependant, avant lui, c’est feu Ridha TOUITI, Ex PDG de la CPG et du GCT, qui fut “le premier à proposer et à lancer le projet de transfert des unités industrielles du GCT en dehors de la ville de Gabès”, nous informe une source proche du dossier. Dont acte!
La spécificité de l’écosystème de l’oasis littorale de Gabès
En dépit de son coût élevé, certains idéalistes le considèrent comme inéluctable et proposent des alternatives.
La première concerne une valorisation touristique de l’oasis littorale de Gabès. Jouissant d’un écosystème particulier, cette oasis traditionnelle littorale, aux sols sablonneux et aux nappes d’eaux profondes, pourrait être le salut pour les Gabésiens. De gros investisseurs auraient manifesté de l’intérêt pour cette oasis.
Lors d’un bref séjour à Gabès, à l’occasion du Festival du film de Gabès (avril 2018), le magnat égyptien, Naguib Sawiris (sixième fortune d’Afrique selon le classement du magazine Forbes), serait tombé amoureux du site. Il y aurait vu, d’après des déclarations aux médias, une belle opportunité pour y édifier une station touristique et culturelle de notoriété internationale calquée sur celle que lui et des membres de sa famille avaient édifiée à El Gouna à Charm Echeikh en Egypte.
“Gabès jouit d’une nature exceptionnelle grâce à la mer et à l’oasis”, avait-il confié le richissime copte. Il entrevoit déjà dans Gabès un nouveau paradis similaire à El Gouna, une oasis artificielle sur mer.
Swaris avait eu à l’époque un entretien sur le sujet avec Béji Caïd Essebsi.
Malheureusement, en raison de l’instabilité politique qui prévalait en Tunisie, aucun suivi n’a été accordé à ce projet qui peut être relancé à la faveur de la diplomatie économique.
Mettre à contribution le reste de l’écosystème oasien
La deuxième alternative aux industries chimiques, c’est de reconvertir Gabès en une ville plus propre et plus attractive. Il s’agit d’une sorte de « Gabès Smart Oasis » comme aiment à le dénommer les Gabésiens, un projet de valorisation de 42 hectares soutenu par la municipalité de Gabès, le gouvernorat et la société civile.
Concrètement, dans ce projet, l’accent sera mis sur la valorisation de la spécificité des dix oasis que compte la ville. L’idée a reçu l’approbation des Gabésiens et du conseil municipal de la ville qui appuie ce projet. « En fait, nous voulons intégrer l’oasis dans le tissu urbain de la ville de Gabès avec ce noyau qu’on va pouvoir créer», a relevé Habib Dhaouadi, maire de Gabès.