Pendant que Kaïs Saïed, fâché que son élu ait eu la velléité de choisir les membres de son gouvernement sans droit de regard de sa part, oppose un refus au remaniement, et que Ghannouchi, en opportuniste structurel, récupère la mise offrant un appui conditionné au CDG, la Tunisie risque de partir en vrille.
Mais qu’importe, l’économie, la migration des compétences, l’affaiblissement des institutions et la faillite des entreprises, l’essentiel est que celui élu président de la République et le président d’une secte continuent la guerre des prérogatives, des attributions et des déclarations.
Avons-nous besoin encore une fois de dire, de clamer, de crier que la Tunisie va mal ? Aujourd’hui, le pays est doublement handicapé. Il ne pourra même pas réaliser les prévisions budgétaires initiales établies sur la base des 4% de croissance pour 2021. Croissance qui, selon le dernier rapport publié par la Banque africaine de développement (BAD) sur les perspectives de l’économie africaine, ne dépassera pas les 2%. Aussi, on a tablé sur un cours de baril de pétrole de 45 dollars, il a dépassé les 65 $. C’est dire !
Conséquence : un nouveau trou budgétaire qui ne pourra être comblé que par les emprunts, alors qu’à ce jour, le pays n’arrive pas à mobiliser les 13 milliards de dinars d’emprunts extérieurs prévus dans la loi des finances parce que le FMI exige l’accord des partenaires sociaux et la stabilité politique du pays.
La Tunisie, très mal cotée sur le marché financier international avec un “bulletin n°3“ lourd de la notation de Moody’s ne pourra emprunter qu’auprès des vautours et de fonds hautement spéculatifs à des taux d’intérêt de 9 à 10% et sur une maturité très courte.
Pendant ce temps, le président de la République continue dans sa logique électoraliste en parlant de “dialogue national“ avec la participation des jeunes. Il aurait mieux fait de plancher sur le moyen d’assurer un avenir à ces jeunes.
Hichem Mechichi dirige aujourd’hui un gouvernement inachevé avec des ministres dirigeant deux départements à la fois et qui n’arrivent pas à gérer les affaires de l’État comme il se doit. Une situation qui ne rassure nullement les partenaires régionaux ou internationaux de la Tunisie. A ce propos, nous attendons toujours la visite du CDG en Libye, laquelle visite aurait été reportée. On n’en parle plus dans l’entourage du CDG. D’aucuns prétendent que ce sont les Libyens eux-mêmes qui livrent tous les marchés aux Égyptiens, aux Turcs et aux Européens, qui auraient tempéré car pas sûrs de voir Hichem Mechichi maintenu à son poste.
Kaïs Saïed sourd à la souffrance de la Tunisie, Mechichi impuissant et Ghannouchi vorace et indifférent
La Tunisie est aujourd’hui l’otage d’un président qui tolérerait la chute de l’État à condition qu’on ne touche pas à une virgule d’une Constitution catastrophe. Elle est l’otage d’un CDG sans légitimité électorale, mal conseillé, qui n’a pas de plan de relance ou de sauvetage et qui, en 7 mois, n’a pris aucune mesure sur le plan économique.
Le pays est l’otage du président de l’ARP dont la seule obsession est de se maintenir au poste et de continuer sa prise du pouvoir.
Où va la Tunisie ?
Il est fort probable que les salaires continueraient à être servis au risque d’une inflation galopante, mais comment acheter les médicaments, les céréales, les hydrocarbures et les biens de consommation courante ? Tous les Tunisiens qui ne se sentent pas concernés par ce qui se passe chez eux se lèveront un jour privés d’électricité parce que l’État n’a pas de quoi acheter de gaz ou de pétrole.
Le Liban vient d’en vivre l’expérience. Il y aurait aujourd’hui même un manque au niveau d’un grand nombre de médicaments sur le marché national, et au train où vont les choses, ça n’est que le début.
Que peut faire le gouvernement, fragilisé de toutes parts ? Mechichi peut toujours accélérer la publication des décrets d’application, dont ceux relatifs à l’économie sociale et solidaire ou à l’autoentrepreneur. On attend toujours le projet de loi de finances complémentaire et la dernière mise à jour de l’exécution du budget date du mois de novembre. Sachant qu’en août et juillet, la Tunisie doit honorer des échéances dont les montants s’élèvent à 500 millions de dollars.
Les recettes fiscales, elles, régressent de plus en plus au vu de la crise économique et des difficultés vécues par le secteur privé.
Kaïs Saïed envisage-t-il une seconde que son entêtement risque de mener le pays vers l’explosion ? Pourquoi refuse-t-il de se mettre à la table des négociations et de débattre d’une sortie de crise pouvant épargner au pays la descente aux enfers ?
Ceux qui applaudissent la posture du président de la République parce que contre Ghannouchi oublient qu’un véritable chef d’État doit, en menant ses guerres idéologiques – ce qui est le cas -, veiller à la stabilité du pays et au bien-être du peuple.
Kaïs Saïed a choisi deux CDG dont il s’est démarqué ensuite parce que déçu ou n’arrivant pas à gouverner à travers eux. Il a aujourd’hui une grande responsabilité dans ce qui arrive au pays, car de Ghannouchi, une grande partie de Tunisiens n’attendaient rien. Ghannouchi n’a rien de Tunisien sauf peut-être son acte de naissance. Il a servi des intérêts étrangers mais pas son pays d’origine, rien donc n’est étonnant de sa part.
Mais vous monsieur le président, pourquoi ? Pensez-vous que votre amour propre, votre intégrité légendaire à cause de laquelle le gouvernement reste inachevé ou votre égo sont plus importants que la Tunisie ? Vous vous substituez à la justice, vous décidez de qui est coupable et qui ne l’est pas ? Vous vous prenez pour Dieu monsieur ?
Mais peut-être devrions-nous prier pour que le salut de la Tunisie vienne du ciel (sic) !
Amel Belhadj Ali