Le film “Atlantique” de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop, est au menu de la semaine culturelle francophone organisée autour du thème “Quelle Humanité pour Demain” du 26 mars au 02 avril à Tunis.
Organisé en partenariat entre l’ambassade de France et celle du Sénégal en Tunisie, cet événement se tient dans le cadre du mois de la Francophonie et en prévision de la 18ème édition du Sommet de la Francophonie prévu en novembre 2021 à Djerba.
“Atlantique” a été projeté à l’auditorium de l’Institut Français de Tunisie (IFT) en présence du Professeur et critique de cinéma, Maguèye Kassé, spécialiste du cinéma africain qui a présenté sa lecture de ce chef d’œuvre du cinéma africain.
Ce premier long-métrage de Mati Diop est lauréat du Grand prix au festival de Cannes 2019. Lors de sa nomination, Diop a souvent été présentée comme première réalisatrice, métisse nominée et ensuite primée au festival de Cannes.
“Atlantique” avait fait un périple méditerranéen aux Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) 2019 en présence du producteur et des principaux acteurs.
Aux JCC, le film avait remporté le Tanit d’Argent et le Prix de la meilleure musique.
Le jury ne pouvait être indifférent quant à la singularité de ce film du Sénégal, pays lauréat du premier Tanit d’Or en 1966 pour “La Noire de… ” d’Ousmane Sembène.
Sur les côtes africaines de l’Atlantique submerge Dakar ville cosmopolite avec ses tours en plein chantier et ses quartiers défavorisés, qui est faite de contradictions entre ceux qui s’approprient de tout et ceux qui n’ont rien.
Ada, la jeune fille amoureuse de Sulaiman, célèbre ses fiançailles avec Omar qui est un jeune homme bien installé dans sa vie. L’Atlantique d’Ada, Soliman, Omar et tous les autres est bien l’océan des résidents des quartiers populaires de Dakar.
La situation peu confortable pour Sulaiman le contraint à quitter avec les jeunes du quartier à bord d’une pirogue qui finira par couler au fonds de l’océan. Une mer monstrueuse filmée dans des scènes témoignant de la terreur des océans.
La ville offre un beau paysage sur l’Atlantique, une beauté qui demeure pour autant insuffisante pour cette jeunesse lassée du système. Un ordre économique avare et avide.
Des jeunes dépourvus de leurs droits qui trouvent refuge dans l’Atlantique où ils partent se noyer avant de rejoindre l’eldorado européen sur la Côte espagnole.
Le film prend son titre du premier court-métrage de Mati Diop réalisé en 2008 à Dakar intitulé “Atlantiques”. A l’inverse de son premier film où elle donnait la parole à quelqu’un qui a fait la traversée de l’océan vers l’autre rive, ce long-métrage donne la voix à une femme et ceux qui restent, d’un point de vue toujours féminin.
La réalisatrice, elle même, l’a tant de fois évoquée devant les médias. La question de l’immigration a toujours été traitée différemment dans le cinéma sur des gens qui prennent le large en Méditerranée mais presque jamais via l’océan depuis les côtes du Sénégal.
De l’avis de Kassé, “Mati Diop qui est biculturelle, française et sénégalaise, a pris le pari de rentrer dans cette tradition et de la montrer à ses compatriotes et à ses contemporains.” Et d’ajouter “Il y’a cette projection dans l’irréel dans le monde des âmes qui errent parce que son amoureux et ses compagnons, leurs bateaux, ont fait naufrage. Ils reviennent hanter la jeune fille pour lui rappeler cet amour impossible”.
Selon lui “Atlantique est un film important pour ceux qui sont intéressés par des questions comme les traditions, le mariage forcé et le pouvoir de l’argent”. Pour lui, ce qui est remarquable dans ce film, ce sont les lieux de tournages dans les quartiers populaires, ce qui donne l’impression que les acteurs, la plupart des amateurs, interprètent leur propres rôles dans la vie de tous les jours.
Il évoque “cette dimension assez importante du monde des vivants et celui des âmes qui errent et cette soif de vengeance et de justice qui doit leur être rendue à travers des procédés techniques dont Mati Diop a le secret et qu’elle a bien montrées dans son film, une véritable œuvre universelle qui parle à tout le monde ce qui lui a valu d’être primée dans divers festivals”a précisé le spécialiste du cinéma africain.
“Ce film est un vrai chef d’oeuvre d’une réalisatrice qui a parfaitement créé une symbiose réussie entre deux cultures, la française et la sénégalaise dont elle est issue, à travers un lien qui est le cinéma.” Et cette faculté qu’elle détient derrière la caméra “est favorisée par le milieu familial de la réalisatrice qui est la nièce du grand cinéaste disparu Djibril Diop Mambety, grande figure du cinéma africain. Elle est également la fille d’un musicien sénégalais assez célèbre Wasis Diop qui est l’auteur de musiques de films.”