Deux images venant de l’Hexagone et bouleversent. Deux facettes d’une même Tunisie, diamétralement opposées, antagonistes. L’une, rayonnante reflétée par Dar Tounes qui, dans un magnifique élan de générosité et de solidarité, offre durant ce mois de piété, la tendresse et l’humanité, la paix et le réconfort à travers un repas convivial de rupture du jeûne, chaud et équilibré, pour tout tunisien de passage, sur simple présentation d’une carte d’identité nationale ; puis l’autre image, hideuse et macabre …
Un terroriste tunisien, un énième, qui commet un acte d’une extrême barbarie. Il a égorgé, au cri d’Allah akbar, une mère de famille, agent de police de son état. Un tel fait, repassé en boucle sur les satellitaires étrangères avec des titres chocs en insistant sur la nationalité de l’assaillant, est devenu quasiment un non-événement chez nous, presque une banalité, un simple ajout à une liste déjà assez longue. Aucune réaction officielle, hormis un communiqué du PDL …
Cette action va bien au-delà du caractère évident, celui d’être abject et condamnable, pour interpeller à un autre niveau et poser des interrogations fortes. Pourquoi ces faits et bien d’autres ne nous émeuvent plus outre mesure ?
Sommes-nous devenus blasés ou avons-nous acquis un esprit pondéré pour justifier ce comportement modéré mais, ô combien inquiétant et pathologique ?
Les Tunisiens aujourd’hui, des fantômes errants
Détrompez-vous, ce n’est point de la zénitude ! La majorité du peuple croule sous les charges devenues insupportables, d’un quotidien scabreux et sont de plus en plus convaincus qu’ils ne sont pas inscrits dans les priorités et projets des politiques. Ils triment du matin au soir, emportés par les flots et les contraintes de la vie qui se fait plus âpre chaque jour.
On a, pour la plupart, subi toute la dernière décennie durant de grandes souffrances émotionnelles au point de devenir insensibles aux événements les plus tragiques et les plus extravagants, envahis par une torpeur, à croire que nous sommes devenus des fantômes errants !
Une succession interminable d’événements, qui ne font que nourrir, l’espace d’une journée ou deux, quelques potins et les choux gras des médias. La vie de chacun dans la cité continue, on laisse derrière les déboires de la veille pour accueillir les prochains, en proie à ses pensées, au doute, à la tristesse et à l’ennui …
Rien n’y fait, ni la troupe du cirque de l’Assemblée, ni l’occupation de l’aéroport par les élus du pétrole et des sels, ni l’annonce de la supposée fortune obscène du gourou de la secte, devenu un vrai crésus, ni même les élans dantesques, les discours emphatiques et les déclarations tonitruantes du Président, livrées dans un timbre métallique, des vocalises spontanées et une tessiture très élevée et très aiguë, ne nous font sortir de nos gonds.
On se demande, qu’est ce qui pourrait nous faire sortir de cette léthargie tuante ? Mais attention, messieurs les gouvernements, même à un chien qui n’aboie pas, il ne faut pas retirer un os sans précaution !
Je ne vais pas m’appesantir sur le sujet de l’attentat et juste me contenter de rappeler que du temps de la troïka, les daechiens notoires ont été reçus au salon d’honneur de l’aéroport de Carthage et ont été accueillis au palais présidentiel par le tristement célèbre président de l’époque. Un aéroport où, des élus islamistes font la loi et veulent embarquer de force leurs protégés, contre l’avis de la police des frontières et ironie du sort, cette même police, gardienne de ce régime et qui a réprimé des contestations, arrêté des jeunes manifestants, ne s’attendait pas à se voir bafouée et insultée par des députés de partis au pouvoir.
À l’imposture des islamistes, qui ont fait de la religion leur trousse de maquillage et qui s’affichent en défenseurs de l’ordre moral et des vertus, on oppose la vérité lumineuse, celle affirmant qu’on n’a nul besoin de religion pour être droit, pour distinguer le bien du mal, pour avoir une morale et pour développer un sens éthique. Il suffit simplement d’une faculté de discernement et de beaucoup d’humanité ; des valeurs essentielles qui ne se transmettent que par l’éducation et que normalement, si on en est dépourvu alors on est déviant et bon pour une psychothérapie. Il est alors évident que les solutions de nos problèmes ne peuvent naître que de la matrice l’éducation et de la culture.
Le désordre de nos islamistes, leur prise de panique, conjugués avec la conjoncture mondiale et les nouvelles alliances, sont des signes avant-coureurs de leur déroute imminente. À trop tirer sur la corde, leur voilure s’effiloche et ils vont se désintégrer et se perdre dans la nature. On ne peut pas se maintenir indéfiniment si on est contre la beauté, l’art, l’amour et tout simplement, contre la vie.
La Tunisie a été spoliée, tenue prisonnière et humiliée depuis leur avènement, et à la question de savoir quand elle nous reviendra, la réponse n’est point immédiate, tant le chemin à parcourir est encore long et le tribut à payer est trop lourd.
N’ayant pas l’âme de seigneur, il y a fort à parier qu’ils joueront la carte de la terre brûlée, et tel un chef militaire sans honneur, qui tout en sachant qu’il a perdu la guerre, livrera une dernière bataille vengeresse et sanguinaire.
La délivrance et la paix ne sont-ils pas toujours de l’autre côté d’un champ de mines ?