L’épargne nationale est la partie non consommée du PIB (Produit Intérieur Brut). Elle sert à financer les investissements. Et ce sont les investissements qui font la croissance et le développement, la création d’emplois et la création de richesses. Les pays qui réalisent une croissance économique rapide ont généralement des taux d’épargne nationale élevés, qui peuvent aller jusqu’à 35 % du PIB.
Certains pays choisissent de compléter leur épargne nationale en s’endettant à l’étranger pour financer des investissements et booster ainsi leur croissance économique.
Par contre, les pays qui s’endettent pour financer des dépenses courantes, telles les augmentations de salaires, les recrutement pléthoriques dans la fonction publique, ou les importations de biens de consommation courante finissent généralement par s’enfoncer dans des situations d’endettement excessif, et donc non soutenable.
Avant 2011, la Tunisie avait des taux d’épargne nationale qui oscillaient, selon les années, entre 22 et 25 % du PIB. Ces taux n’étaient pas particulièrement élevés, mais ils étaient corrects puisqu’ils permettaient de réaliser des taux de croissance économiques entre 5 et 6% en moyenne par an et de créer entre 60.000 et 80.000 emplois en moyenne par an.
En plus de l’épargne nationale, la Tunisie empruntait pour financer des investissements et booster sa croissance. Le taux d’endettement avait ainsi pu être maîtrisé dans des limites soutenables aux environs de 40 % du PIB.
Depuis 2011, les grands équilibres de la Tunisie avaient commencé à se dégrader avec des ratios qui se détérioraient d’année en année. Un de ces ratios concerne effectivement le taux d’épargne nationale. Ce taux, qui était donc entre 22 et 25 % du PIB avant 2011, s’est mis à baisser de manière rapide pour atteindre 6% du PIB en 2019 et 1,6 % en 2020.
Oui vous avez bien lu 1,6% du PIB, soit un taux très proche de zéro. La Tunisie n’épargne plus. La Tunisie est exsangue. La capacité d’épargner de l’État, des entreprises et des ménages est devenue soit négative, soit proche de
L’épargne nationale… il n’y en a plus. Qu’est-ce que cela signifie?
1- La Tunisie n’a plus de ressources propres pour financer ses investissements. Et elle ne peut quasiment plus emprunter à l’étranger à cause d’un niveau d’endettement insoutenable, car dépassant ses capacités de remboursement. La Tunisie ne peut donc plus investir, réaliser de la croissance économique, créer des emplois et des richesses nouvelles.
La Tunisie est donc prise au piège de ses choix politiques, économiques, financiers et sociaux depuis 2011.
Elle est aussi prise au piège des choix de politique monétaire de sa Banque centrale. Il s’agit là notamment des choix en matière de politiques de taux d’intérêt, de taux de change et de supervision bancaire.
2- Dans toute économie, il existe trois principaux moteurs de croissance: l’investissement, les exportations et la consommation. Le moteur de l’investissement est quasiment à l’arrêt. Celui des exportations tourne au ralenti. C’est le moteur de la consommation qui a tiré un peu l’économie depuis 2011, et ce aux dépens justement de l’épargne.
Maintenant que l’épargne nationale est épuisée, même le moteur de la consommation ne va plus être en mesure de tirer l’économie tunisienne.
3- Bien qu’elle soit prise au piège de son endettement excessif, la Tunisie doit malheureusement continuer à emprunter lourdement, ne serait-ce que pour financer son service de la dette (rembourser les dettes anciennes) et pour équilibrer un tant soit peu ses finances publiques.
4- Étant dans une situation économique et financière très difficile, la Tunisie dispose d’une capacité de négociation très réduite avec les bailleurs de fonds étrangers, et ce quelle que soit leur nature.
À titre d’exemple, imaginez les moyens dont va disposer la Tunisie face au FMI pour la négociation du projet de nouveau programme de 4 milliards de dollars US. Cette négociation devrait intervenir dans deux ou trois mois puisque nous sommes encore au stade de la présentation de la stratégie de sauvetage et de la mobilisation de soutien pour l’initiative de la Tunisie.