La Tunisie a décidé de durcir les conditions d’entrée sur son territoire pour les voyageurs, en leur imposant un confinement payant et coûteux à leur charge dans un hôte d’une durée de 7 jours.
Ce séjour est doublé d’un test PCR négatif à leur charge. Autrement dit, pour chaque voyage tout arrivant doit s’acquitter, en plus de son billet d’avion, des dépenses qui varieront entre 1 000 et 3 000 dinars tunisiens selon la catégorie d’hôtel choisie.
En revanche, les voyageurs en provenance de la Libye sont exemptés de ce protocole, une manière peut-être de nous dire que ce pays est un modèle dans le traitement de la Covid-19 et que la Libye ne connaît aucun nouveau variant, ni même la pandémie.
Quitus pour les contrebandiers…
Cela montre que les commerçants avec la Libye, pour ne pas utiliser le terme “contrebandiers“, ont pu défendre leurs intérêts et continuent à commercer avec ce pays tout en échappant à la contrainte du confinement.
Sont aussi concernés par cette exception de confinement obligatoire les résidents des pays du Golfe qui, il faut l’avouer, ont mené des compagnes de vaccination massives, et qui ont pu faire jouer leurs relations pour se faire exempter de ce confinement obligatoire, d’ailleurs fortement défendus par un députe très actif – qui avoue publiquement discuter directement de ce sujet avec le ministre de la Santé en personne.
Enfin, cette mesure ne concerne pas ceux ayant un passeport diplomatique, comme les membres du gouvernement et les députes, qui sont protégés naturellement contre la Covid-19, et donc ne peuvent pas mesurer l’impact d’un confinement obligatoire.
Pas de voyageurs pour tourisme
Mais si on regarde de très près la nature des voyageurs et leurs motivations, on notera tout d’abord l’absence de voyageurs pour tourisme ou agrément. Ceux qui viennent en Tunisie ce sont les voyageurs qui rejoignent leurs familles, ou ceux qui résident à l’étranger.
Il y a aussi les voyageurs subsahariens, lesquels, ne pouvant plus accéder en Europe, plus particulièrement la France, ni au Maroc, se rabattent sur la Tunisie, et ce pour les études et surtout pour les soins médicaux.
Occasion ratée pour le tourisme de santé
D’ailleurs, il est bon de savoir que la Tunisie a accueilli, en 2020, plus de 500 000 patients subsahariens, qui sont venus pour la qualité des soins de notre pays.
Et avec la fermeture des frontières du Maroc, leur choix se fait sur notre pays, ce qui constitue une aubaine pour l’économie de la Tunisie. Sachant que chaque patient dépense par voyage entre 4 000 et 10 000 euros.
En plus le secteur de la santé, réalisé 12% du PIB de la Tunisie en 2020 et que le chiffre d’affaires du secteur privé de santé dépasse les revenus du pétrole et des phosphates réunis pour l’année 2020.
Seulement 30% de taux de remplissage des avions de Tunisair
Donc, cette mesure de confinement obligatoire va réduire le flux des voyageurs vers la Tunisie. Pour vous faire une idée, il suffit de demander le taux de remplissage des vols Tunisair vers la Tunisie, on passe rapidement de 90 % à 30 %, ce qui contribue à accentuer l’état de délabrement de notre compagnie nationale.
Mais là aussi le Comité scientifique ainsi que le chef de gouvernement s’en fichent royalement.
Hommes d’affaires, consultants et ingénieurs, des lourdes pertes pour les entreprises
Enfin, la dernière catégorie qui est fortement affectée par cette mesure de confinement obligatoire, ce sont les hommes d’affaires, les prestataires de services, les consultants, les ingénieurs qui sont obligés de réduire ou même de suspendre leurs déplacements en Afrique subsaharienne dans le cadre de réalisation de contrat de service ou de prestations/maintenance, affectant en plus la situation financière de leurs entreprises respectives.
Or cette catégorie de voyageurs est la plus disciplinée, et constitue une toute petite population et dont l’action et l’impact sont très forts en termes de valeur ajoutée à l’économie. Autrement dit, les entreprises qui continuent à recruter, qui créent de la valeur et qui sont, aujourd’hui, l’unique espoir de la Tunisie, ne sont pas suffisamment organisées, et ne sont pas assez protégées par l’UTICA. Donc leur voix n’est pas entendue.
Imaginez un peu les conséquences du confinement obligatoire pour ces centaines de cadres qui n’ont seulement doivent s’absenter 1 semaine entière de leurs entreprises pour chaque voyage, mais doivent débourser plus de 3 000 DT comme frais de confinement pour chaque déplacement et pour chaque personne.
On note que par cette stratégie, les hôteliers ont pu servir leurs intérêts, grâce à leurs fédérations, en résolvant doublement les voyages organisés et le confinement obligatoire.
Dans la gestion de cette crise sanitaire, nos responsables politiques ne regardent jamais l’aspect économique, ni l’incidence de leurs décisions sur les entreprises, et donc su l’économie.
Maarouf