Entré en vigueur le 1er janvier 2021, l’accord de retrait du Royaume-Uni (RU) de l’Union européenne (UE), communément appelé “BREXIT“, était le dernier obstacle levé avant la signature par la Tunisie et l’UE de la convention sur l’Open sky, mécanisme de déréglementation aérienne internationale devant consacrer l’ouverture du ciel tunisien aux compagnies aériennes européennes.

Abou SARRA

Signé le 24 décembre 2020, le nouvel accord de partenariat devant lier dans l’avenir les deux parties (UE+RU) va permettre à la Tunisie et l’UE de transcender la problématique du blocage généré par le Brexit au sujet de la « définition de territoire », voire de la zone d’application et d’opérationnalité de la convention.

Les avantages de l’accord selon l’UE

Pour mémoire, la Tunisie et l’UE avaient paraphé, le 11 décembre 2017,  cet accord sur l’Open sky. Dans le communiqué publié à cette époque par l’UE, on y lit notamment : « cet accord entraînera une amélioration de l’accès au marché pour les compagnies aériennes, offrira aux passagers une meilleure connectivité, un choix plus large et des tarifs moins élevés, et devrait se traduire par 800 000 passagers supplémentaires sur une période de cinq ans ».

Et l’UE d’ajouter : « L’augmentation du nombre de vols signifie également la création d’emplois et de richesses pour l’ensemble des partenaires. On estime que l’accord pourrait générer 2,7% de croissance du PIB liée aux voyages et au tourisme, et accroître le trafic annuel de près de 13% », précise le document.

Auditionné le 8 mars 2021 par la Commission de la réforme administrative, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et du contrôle des deniers publics du Parlement, Habib Mekki, directeur général de l’aviation civile, a apporté des éclairages sur l’évolution de ce dossier.

Lire aussi: Transport aérien : Non, la Tunisie n’est pas prête pour l’Open sky

Il a révélé que la signature de cette convention est désormais incessante, et que le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger a été officiellement saisi par celui du Transport et de la Logistique pour accélérer les procédures de signature.

Concerné sur un pied d’égalité par l’Open sky, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat aurait fait la même démarche dans la mesure où un des objectifs de l’open sky est d’augmenter les flux touristiques vers la Tunisie.

Tunisair, victime et bénéficiaire de l’Accord

Pour certains observateurs, ce souci du département du Transport de hâter les procédures serait justifié par une éventuelle aide financière de plus d’un milliard de dinars que pourrait lui fournir l’UE pour mettre à niveau le transporteur national “Tunisair“ en contrepartie de son adhésion à la convention Open sky.

Bien qu’elle soit exemptée pour une période de 5 ans après la mise en application de cet accord, la compagnie aérienne nationale a des appréhensions à l’égard de l’Open sky. Du reste, tout comme les autres compagnies privées.

Lire aussi: Open Sky : Le ministère du Transport sonne l’urgence d’une restructuration de Tunisair

Selon d’anciens responsables du transporteur national, dont l’ancien PDG Elyès Mnakbi, « Tunisair ne peut pas accepter d’intégrer un monde concurrentiel avec des armes de loin inférieures à celles de compagnies concurrentes puissantes qui ont d’énormes possibilités. D’où l’enjeu d’une aide financière que pourrait lui fournir l’Union européenne pour mettre à niveau la compagnie nationale ».

Si le scénario d’une aide européenne se réalise, les responsables du groupe Tunisair comptent l’utiliser pour résoudre deux problèmes majeurs : la réduction de l’effectif pléthorique et le renouvellement de la flotte.

Actuellement, Tunisair compte une flotte de 7 à 10 avions contre une vingtaine avant 2010 et emploie plus de 7 000 personnes contre une norme gonflée de 3 000 travailleurs.

L’Open Sky pourrait booster le tourisme intérieur

Concernant le département du Tourisme, l’intérêt serait d’exploiter l’Open sky et ses exigences pour attirer certes un plus grand nombre de touristes étrangers, mais également pour professionnaliser et développer le tourisme intérieur, réduit jusque-là à des réductions de prix pratiqués par les hôtels en périodes de vaches maigres ou de crises.

Il s’agit pour le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Habib Ammar, de tirer le meilleur profit du mode de commercialisation imposé par Open sky, en l’occurrence la vente par internet pour développer le tourisme intérieur et apprendre aux Tunisiens à réserver à l’avance et à bénéficier, à l’instar des touristes étrangers, de prix compétitifs.

Alors qu’il s’exprimait dans le cadre d’une interview accordée à un magazine de la place, Habib Ammar a expliqué que « si les hôteliers tunisiens proposent de bons prix pour les TO étrangers, c’est parce que ce sont des nuitées achetées en gros, des mois à l’avance, qui sont revendues après au détail moyennant une marge. C’est pour cette raison que le touriste européen dispose de prix avantageux et compétitifs à la faveur des réservations. Par contre, le Tunisien qui arrive en last minute a peu de chances de trouver des prix réduits et compétitifs ».

Autrement dit, ajoute le ministre du Tourisme, « c’est le modèle de commercialisation qui fixe le prix et non la nationalité du client ».

Pour leur part, les professionnels sont partagés. Certains voient dans l’Open sky une opportunité pour développer leurs affaires dans la mesure où ils vont se défaire de l’hégémonie des TO. Mais d’autres y perçoivent une sérieuse menace pour la pérennité de leurs activités. Ils évoquent, à ce propos, les déboires de leurs collègues marocains qui ont adhéré à l’Open sky en 2005, c’est-à-dire il y a quinze ans.

Le point de vue des professionnels, leurs espoirs et craintes feront l’objet de notre prochain article.