Depuis deux ans, le dinar est presque stable par rapport aux principales devises (légère appréciation par rapport au dollar et petite dépréciation par rapport à l’euro).
Mais est-il surévalué ? La réponse est non. D’abord, l’écart entre les cours officiel et parallèle en dinars de l’euro et du dollar n’est pas très significatif. Il reflète beaucoup plus une prime de non convertibilité du dinar.
Ensuite, le dinar est flottant mais de façon impure, c’est-à-dire que la Banque centrale peut intervenir pour le soutenir en cas de besoin, mais cette intervention ne pouvait être que très limitée étant donné les très modestes avoirs en devises de la Banque centrale. Cette dernière ne l’a pas fait puisque les réserves en devises se situent à un niveau record historiquement (plus de 20 milliards de dinars).
Quel est donc le secret de la stabilité du dinar par rapport à l’euro et au dollar ?
Le dinar est stable parce que les autres devises sont faibles pour différentes raisons : économies en récession avant même la crise sanitaire, déficits budgétaires à des niveaux inédits, endettements record, injections par les Banques centrales de volumes très importants de liquidités pour soutenir et relancer ces économies … Tous ces facteurs sont de nature à baisser la valeur de ces monnaies.
Cependant, puisque toutes ces économies se trouvent dans la même situation (logées à la même enseigne), le rapport entre les cours de ces monnaies n’a pas changé. Normalement, le dinar devrait faiblir, mais il est resté stable parce que les autres monnaies devaient faiblir aussi.
Mais, le jour où les économies américaine et européenne reprendront et leurs Banques centrales arrêteront d’injecter de nouvelles liquidités, voire elles se mettront à éponger ces liquidités injectées auparavant (à mon avis elles ne le feront pas) et que si par malheur notre économie ne reprend pas et que nos finances publiques ne se rééquilibrent pas, alors le déclin du dinar s’amorcera.
Dans ce cas, faudra-t-il dévaluer le dinar ?
Non. Parce que le dinar n’est pas surévalué, et si c’est demandé de le faire pour booster l’économie, c’est non également. Dans l’état actuel des choses, une dévaluation n’aurait pas d’effet significatif sur les exportations : économie des principaux partenaires en récession, prolongement de la crise sanitaire et rythme de vaccination insuffisant, secteur touristique toujours à l’arrêt, couverture partielle de nos importations par nos exportations (60 à 70%), facturation des principaux produits d’exportation en dollar selon l’offre et la demande exprimées à l’échelle internationale (pétrole, phosphate et dérivées), absence d’excédent de production important par rapport à la consommation locale (produits agricoles)…
Une telle dévaluation n’attirerait pas non plus l’investissement direct étranger. Tous les ingrédients présents sont de nature à ce que ce dernier fuie le pays : instabilité politique et des législations, absence d’autorité, administration bloquante et corrompue, comportement irresponsable des syndicats…
Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’une telle dévaluation impliquerait une augmentation de l’inflation (inflation importée), de l’encours en dinars de la dette extérieure, du service en dinar de la dette et du déficit budgétaire des prochaines années. Les tensions sociales ne manqueront pas non plus.
Donc, profitons de la faiblesse des autres monnaies pour ne pas toucher au dinar et évitons une dévaluation inopportune dont les inconvénients dépasseront largement les avantages. En 1986, la dévaluation nous fut imposée parce que le dinar était réellement surévalué. Les conséquences étaient douloureuses et heureusement que cette année de dévaluation fut suivie d’une longue période de stabilité politique dont les retombées positives ont rapidement compensé les inconvénients de la dévaluation.