«Le meilleur moyen de prévoir le futur, c’est de le créer , disait Peter Drucker, professeur en management d’entreprises. Karim Jouini, fondateur d’Expensya, a commencé à 15 ans à créer le futur, en mettant en place des applications informatiques intelligentes et novatrices.
Aujourd’hui, grâce à son logiciel, de grands groupes internationaux sont libérés de la charge du calcul des notes de frais qui dévore du temps et de l’argent.
Karim Jouini fait partie de cette Tunisie qui crée et qui innove pour accompagner les mutations technologiques qui avancent à pas géants dans un monde en mouvement perpétuel. Entretien.
WMC : Et l’impact de cette application pour faciliter la vie des entreprises, vous avez fait une étude pour voir quels sont les gains par rapport à l’entreprise et aux salariés.
Karim Jouini : L’application fait gagner aux salariés 90% du temps dépensé dans la gestion des dépenses. Pour info, un consultant passe quatre heures par mois à gérer les dépenses qu’il fait au sein de l’entreprise, Expensya fait gagner à l’entreprise une meilleure gestion des droits de TVA et beaucoup d’argent à récupérer sur la TVA.
Le risque de fraude est minime, notre application récupère les factures photoshopées et notre technologie est intelligente et traite mieux que les comptables ce genre de pratiques. Elle peut faire le calcul des prix d’un pays à l’autre.
Y a-t-il eu des entreprises publiques qui ont fait appel à vos services ?
En Tunisie, non. Nous avons quelques clients comme Talents, Vermeg ou SPE Capital, mais nous sommes quasi-exclusivement tournés vers les groupes européens que nous équipons à l’international, dont le Crédit Agricole, Sephora, Natexis, Dominos Pizza et autres.
Le démarrage d’Expensya s’est fait où ?
A Tunis en 2014. Nous avons très vite ouvert une filiale en France, suivie d’autres en Espagne et en Allemagne en 2019. Nous avons choisi Tunis comme site principal pour la recherche et développement. Notre vœu et notre objectif personnel, c’est d’attirer les talents. Nous avons annoncé le recrutement de 100 personnes.
Sachez aussi que nous sommes en train de rapatrier de très hautes compétences vers notre pays. 11 compatriotes à ce jour et ils intègrent nos équipes commerciales.
Je veux participer activement au développement de l’écosystème. Un jeune qui pense à créer une startup doit s’inspirer d’entrepreneurs comme nous pour savoir qu’il peut réussir, que ça marche lorsqu’on y croit, lorsque c’est bien réfléchi et lorsque c’est utile.
Nous voulons pousser nos jeunes à avoir foi en leurs capacités à changer la réalité et à ne pas avoir de complexes ou à sous-estimer leur intelligence et leur créativité.
Les leaders politiques font des jeunes plus des victimes impuissantes qu’une force de changement. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai aucune ambition politique mais j’ai vraiment envie de dire “arrêtez avec votre médiocrité et laissez-nous travailler et créer. C’est faisable et c’est réalisable”. Il faut bouger et trouver des solutions ensemble pour que nos talents restent sur place, avancent et fassent avancer le pays. Les 11 compatriotes que nous avons rapatriés viennent du Canada, de France, de Suisse et d’Allemagne.
Nous employons 150 salariés, 100 à Tunis et 50 à l’international. Tous nos salariés sont des bac+5, ingénieurs, commerciaux, ou support clients.
Votre taux de croissance d’une année à l’autre ?
Au début, nous faisions 200% de taux de croissance d’une année à l’autre, avec l’avènement de la pandémie Covid-19, c’est 100% de croissance. La dernière levée de fonds de 20 millions de dollars est la quatrième et la deuxième professionnelle dans laquelle il y a des fonds d’investissement.
Auparavant, nous avions fait deux levées, soit avec des amis ou avec des Business Angels. Celle entre amis n’a jamais été rendue publique ; la deuxième s’élevait à un million d’euros ; la troisième c’est quatre millions d’euros ; la dernière, comme vous le savez, 20 millions de dollars avec un fonds américain.
Qu’allez-vous en faire ?
Nous allons investir dans la R&D, essentiellement dans de hautes compétences pour continuer à être les meilleurs sur la place et dans l’effort commercial pour nous étendre plus en Europe. Nous comptons conquérir toute l’Europe de l’Ouest.
La culture RSE est très présente à Expensya
Pour nous, elle est capitale. D’ores et déjà, nous accompagnons les anciens d’Expensya, j’investis personnellement à ce niveau. Dans le programme d’achat, nous repérons les petites startups et nous les challengeons. Nous leur imposons nos conditions pour les encourager à s’améliorer. Nous l’avons fait avec une dizaine de startups en Tunisie, sinon nous finançons à notre petite échelle des associations orientées hautes technologies à travers des concours en informatique que nous finançons.
Nous encourageons les associations qui apprennent l’informatique aux enfants et aux lycéens, comme ITA. Nos salariés sont très impliqués dans ces activités. Nous soutenons aussi, depuis Paris, les startups tunisiennes que nous aidons à percer et à se développer.
Dans le monde de demain, ce qui fera la différence entre les nations c’est la capacité de créer, d’innover et d’inventer. Notre devoir à nous est de faire en sorte que la Tunisie ne soit pas écartée de l’enjeu technologie du futur.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali