L’événement en matière d’investissement a eu lieu mardi 20 avril 2021 à Tunis. Le Fonds tunisien de l’investissement (FTI), énième structure bureaucratique, créée depuis l’indépendance, pour soutenir l’investissement et décider du montant des primes et incitations financières à accorder aux entreprises, a fait l’objet d’une réunion présidée par Ali Kooli, le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement.
Abou SARRA
Objectif : examiner l’avancement des préparatifs pour le démarrage de l’activité de ce Fonds qui, disons-le tout de suite, fait, en principe, double emploi avec d’autres structures d’appui à l’investissement et d’accompagnement des entreprises. Il s’agit entre autres de l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (APII), de l’Agence de promotion des investissements extérieurs (FIPA), de l’Agence de promotion des investissements agricoles (APIA).
Le réseau initiateur du FTI
Créé dans le cadre de la nouvelle loi sur l’investissement (30 septembre 2016) et depuis, composante déterminante du Conseil supérieur de l’investissement (CSI) que préside le chef du gouvernement, le FTI ne serait pour certains observateurs qu’un recyclage de la fameuse « loi d’urgence économique » de Fadhel Abdelkefi, ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale (27 août – 12 septembre 2017) et actuel président du parti Afek Tounès (libéral)….
Conséquence : dénommé “Fonds des fonds“, qui regroupe les fonds d’amorçage, les fonds régionaux et les fonds sectoriels, serait ainsi l’œuvre d’un réseau ultralibéral.
D’ailleurs, c’est sous la forte pression de ce réseau que Mohamed Selim Azzabi, ministre du Développement et de la Coopération internationale, dans le gouvernement d’Elyès Fakhfakh, avait consacré son ultime activité -bien son ultime activité-, le 30 septembre 2020, c’est-à-dire 2 jours seulement avant l’investiture du gouvernement Mechichi, à la présidence du gouvernement.
Pour les observateurs, c’est « un précieux legs-service », voire un beau cadeau qu’a offert Selim Azzabi au ministre Ali Kooli d’autant plus que le décret d’application fixant la composition et les modalités d’organisation du FTI a été promulgué, il y a trois ans, plus exactement le 9 mars 2017, au temps où Fadhel Abdelkéfi était encore ministre et n’a pas pu être mis en œuvre.
Le FTI au service des lobbys ?
Pour mémoire, cette loi sur l’urgence économique, dont l’objectif déclaré était de faciliter et d’accélérer les procédures des marchés et la réalisation des gros investissements, a rencontré une farouche opposition au sein du Parlement et n’a pas pu être adoptée à cette période.
Les députés opposants, particulièrement ceux du Front populaire (gauche), reprochaient à cette loi une tendance à servir en priorité les intérêts de lobbys en place. Ces mêmes lobbys qui ont profité, d’après eux, de toutes les incitations instituées par l’Etat depuis les années 70.
Même la loi de l’investissement qui régit le FTI, elle a été fortement critiquée pour quatre principales déficiences.
La première consiste en la non-couverture par cette loi, et, partant par le FTI, d’importants secteurs représentant 35% du PIB, au rang desquels on peut citer les énergies renouvelables, les sciences de la vie, le tourisme de santé, la culture…
La deuxième porte sur la faible coordination avec le secteur privé, ce qui discrédite la dimension nationale de cette législation.
Quant à la troisième, elle a trait à la couverture géographique dans la mesure où le FTI, par l’effet du chevauchement des rôles et du difficile partage des responsabilités, va concurrencer, impérativement, une multitude de structures régionales d’appui à l’investissement relevant de nombreux départements ministériels.
Le quatrième réside dans le fait que cette loi, apparemment élaborée à la hâte, n’a pas prévu la couverture de certaines fonctions capitales, parmi lesquelles figurent le suivi des grands projets, le traitement des recours, les conséquences de la dispersion des mécanismes de financement et leur faible rendement (Sicar régionales…).
Compte tenu de ces insuffisances majeures, on peut s’interroger sur la crédibilité du communiqué publié à l’issue de la réunion précitée, exclusivement sur la page Facebook du portail du ministère et non reproduit par la presse officielle (TAP, journal La presse…).
On y lit notamment : « la réunion a examiné les moyens d’adapter les interventions du FTI conformément aux priorités nationales en matière d’investissements et de développement ».
Mais de quelles priorités nationales parle le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement dans ce communiqué, lorsqu’on sait que, comme c’est signalé précédemment, des secteurs (35% du PIB) en sont exclus ?
A bon entendeur.