Les réunions de la délégation tunisienne avec les responsables du FMI à Washington (du 3 au 8 mai 2021) ont été constructives et nous espérons conclure un accord avec le Fonds, d’ici trois mois. C’est ce qu’a déclaré le ministre tunisien de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Ali Kooli, dans une interview à l’agence TAP.

La délégation a également eu des entretiens avec les autorités américaines, avec des représentants de la Banque mondiale (BM), ainsi qu’avec l’agence gouvernementale américaine ” Millennium Challenge Corporation” (MCC).

Près de 7 réunions ont été tenues avec les responsables du FMI, en présentiel, lesquelles rencontres étaient limitées à 10 personnes, conformément au protocole sanitaire anti-Covid-19, ce qui fait que certaines personnes ont dû suivre les réunions par vidéoconférence. D’ailleurs, depuis un an, c’est la première fois que les responsables du FMI ont accueilli des délégations en présentiel, et la Tunisie a été le premier pays à en bénéficier de cela, se félicite le ministre de l’Economie.

Suite aux dernières négociations que vous avez eues avec les responsables du FMI , y a-t-il des prémices sur la conclusion d’un nouvel accord avec la Tunisie ? Si oui, quel est le montant de cet accord de financement, sa périodicité et sa destination ?

Ali Kooli : Les réunions que nous avons tenues à Washington avec les responsables du FMI ont été constructives. Après des discussions intensives, les responsables du FMI, que ce soient les administrateurs des pays les plus influents – qui sont les décideurs finaux -, ou bien la vice-présidente du FMI, ou le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, ont trouvé que notre plan était réaliste et réalisable et ils ont apprécié le fait que ce plana été partagé en Tunisie, avant sa présentation à Washington.

Nous avons entamé depuis Washington les discussions techniques, nous les poursuivons à partir de la Tunisie, dès aujourd’hui, en virtuel. Nous espérons que les délais seront plus courts que d’habitude, car généralement les discussions techniques durent six mois, mais nous avons l’ambition de conclure un accord avec le FMI d’ici trois mois.

Notre plan est prêt mais il est encore perfectible et nous allons discuter des avancées avec nos partenaires du FMI, ainsi qu’avec l’ensemble de nos partenaires en Tunisie, à savoir les partis politiques qui nous soutiennent, la société civile ainsi que les trois organisations qui ont signé des accords avec le gouvernement, en l’occurrence l’UTAP, l’UGTT et l’UTICA, avec lesquelles nous continuerons à coordonner pour leur donner le détail de ces négociations.

la délégation tunisienne qui est venue à Washington a été extrêmement convaincante

D’après les premiers échos, nous devrions pouvoir conclure d’une manière très intéressante nos discussions. Le meilleur témoignage du succès des négociations, c’est la déclaration de la vice-présidente américaine, Kamala Harris, la semaine dernière, lors de son entretien avec le président de la République, Kaïs Saïed. Elle a déclaré que la délégation tunisienne qui est venue à Washington a été extrêmement convaincante, et que suite à cela, les Etats-Unis d’Amérique (USA) seront aux côtés de la Tunisie pour les aides directes et pour leurs négociations avec le FMI.

Aujourd’hui, nous entamons les discussions techniques, à partir de là, nous déterminerons le montant de l’accord.

D’ailleurs, quel que soit le montant de l’accord, il ne sera pas décaissé tout de suite, car dans les discussions avec le FMI, l’accord sera fixé sur un laps du temps variable de deux, trois ou quatre ans, selon la nature de l’accord, et sa libération sera également par tranche, selon les réalisations.

En 2013, près de 70% du montant de l’accord conclu avec le FMI avaient été décaissés, alors qu’en 2017, c’était aux alentours de 55% du montant de l’accord qui avaient été libérés, faute d’une mise en œuvre réelle de l’ensemble des réformes structurelles prévues dans le cadre du plan de développement 2016-2020.

Dans cet accord, nous espérons la réalisation de la totalité du plan, quel que soit le montant qui va faire l’objet d’un accord. Nous cherchons une validation du programme de réforme de la Tunisie, et une marque de confiance envers un gouvernement sérieux, engagé et qui respecte ses promesses, d’autant plus que cette image va nous donner beaucoup de crédibilité avec les autres bailleurs du fonds, et nous aider à améliorer la note souveraine du pays.

Notre objectif est de montrer que la Tunisie est sur la bonne voie, et les revues périodiques pourront témoigner de cela. Une grande part des financements qui sont en négociation avec le FMI, la BM ou avec nos partenaires américains et européens, sera allouée au soutien du budget de l’Etat.

Ainsi, dans la loi des finances 2021, nous avons un montant de dettes à lever de 18 milliards de dinars

Ainsi, dans la loi des finances 2021, nous avons un montant de dettes à lever de 18 milliards de dinars, dont une grande partie servira au remboursement de la dette précédente, qui est de l’ordre de 15,5 milliards de dinars.

Le financement dont nous avons besoin sera destiné directement au budget de l’Etat pour rembourser des dettes précédentes. Certes nous aurons auprès de certains bailleurs de fonds des prêts orientés vers des projets d’équipement, mais ce que nous souhaitons aussi, c’est d’avoir des financements qui vont dans l’aide budgétaire, pour faire face au 52 milliards de dinars de dépense prévues dans le cadre du budget 2021.

La Tunisie a officiellement demandé le renouvellement de la garantie américaine pour qu’elle puisse sortir sur le marché international. Quelle a été la réponse à cette demande ? Et quel est le montant de l’emprunt obligataire que vous comptez lancer ?

L’échéance du remboursement des emprunts que nous avons obtenus durant les années 2013, 2014 et 2015, sur les marchés internationaux, et dont une grande partie a bénéficié d’une garantie américaine, aura lieu aux mois de juillet et août 2021, soit une somme à rembourser de 500 millions de dollars au titre de chaque mois.

Durant notre visite Washington, nous avons rassuré nos partenaires américains et nous leur avons exprimé la volonté de la Tunisie de payer ses dettes, et nous nous sommes engagés à cela.

Nous allons emprunter, d’ici la fin d’année… entre 3 et 4 milliards de dollars.

En contrepartie, nous leur avons demandé de nous témoigner le même soutien, pour sortir sur le marché international et lancer des emprunts. Nous allons emprunter, d’ici la fin d’année, selon nos capacités de mobilisation des ressources en Tunisie, entre 3 et 4 milliards de dollars. Nous avons l’ambition de mobiliser une partie de ce montant avec une garantie américaine.

Les autorités américaines ont témoigné tout leur soutien à la Tunisie dans son plan de réforme et leur volonté de travailler de manière active à lui assurer une nouvelle garantie. Nous espérons que l’ensemble de ces discussions aboutira à un nouvelle garantie d’ici l’été, et que nous pourrons avoir aussi l’accord de notre Parlement, y compris pour la garantie américaine, pour pouvoir sortir sur le marché international et lancer des emprunts, dont une partie se fera avec la garantie américaine et une autre sans garantie.

Avez-vous achevé les discussions avec l’agence ” MCC ” (Millennium Challenge Corporation) sur l’accord portant sur un don de 500 millions de dollars ? Quel sera le timing de sa signature ainsi que l’emploi de ce don ?

Nous avons finalisé les discussions sur l’accord portant sur un don de 500 millions de dollars avec le MCC, qui datent depuis quatre ans. Nous avons discuté tous les points en suspens et nous sommes arrivés à un accord, durant cette visite à Washington.

C’est un énorme succès, puisque lors du démarrage des discussions il y a 4 ans, le montant était de l’ordre de 200 millions de dollars, alors que maintenant nous sommes parvenus à l’augmenter à 500 millions de dollars.

Si le conseil d’administration adopte les recommandations de l’équipe qui s’est chargée de discuter cet accord, la Tunisie devrait avoir un don de 500 millions de dollars, soit l’équivalent de 1,3 milliard de dinars, qui est un montant considérable, jamais obtenu dans l’histoire de la Tunisie.

J’espère qu’un accord sur ce don sera signé par le chef du gouvernement, au début du mois de juillet 2021.

Ce don sera destiné à la rénovation des circuits du transport, notamment le port de Radès, et à la remise en état de nos systèmes d’irrigation ainsi qu’à la gestion de l’eau. Ce programme va soutenir également les personnes les plus démunies, la femme rurale et les gens au chômage.