Des intervenants au cours d’une conférence de presse tenue, jeudi 27 mai 2021 à Tunis, sur le bilan des activités des chambres spécialisées en justice transitionnelle ont mis en garde contre les initiatives législatives visant à établir des réconciliations politiques, lesquelles pourraient, selon eux, saper le processus de justice transitionnelle en Tunisie.
En particulier, ils ont soulevé des questions relatives au manque de concordance entre les délais politiques et ceux judiciaires, compte tenu de plusieurs facteurs dont notamment la non exécution des mandats d’amener contre les personnes accusées de violation des droits humains et de crimes économiques à l’égard des victimes de la dictature, ce qui entraîne souvent des reports d’audiences.
La présidente d’honneur de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Raoudha Karafi, a souligné la nécessité de statuer sur les affaires de la justice transitionnelle pour lutter contre l’impunité et barrer la route à ceux qui veulent faire avorter ce processus par l’établissement de réconciliations sans reddition des comptes.
La non exécution des mandats d’amener par les agents de la police judiciaire entrave le travail des chambres judiciaires spécialisées dans les affaires de justice transitionnelle, a-t-elle souligné.
D’ailleurs, les victimes de violation ont décidé de déposer des plaintes auprès du parquet contre les responsables de la police judiciaire pour non respect des procédures en ce qui concerne l’envoi des convocations et l’exécution des mandats d’amener, révèle-t-elle.
Karafi salue le recours des juges des chambres spécialisées à l’article 142 du Code de procédure pénale qui prévoit la mise sous séquestre des biens de tout inculpé qui se soustrait par la fuite aux poursuites dont il est l’objet.
Pour sa part, le représentant de l’organisation “Avocats sans frontières”, Khayem Chamli, a fait savoir qu’au moins 1 400 accusés sont poursuivis par les chambres judiciaires spécialisées de la justice transitionnelle pour violations des droits humains. Et que les chambres pénales ont émis plus que 130 mandats d’amener à leur encontre sans qu’ils ne soient exécutés par le ministère de l’intérieur.
A cet effet, les participants à cette rencontre avec les médias ont appelé le ministre de l’Intérieur d’ordonner l’ouverture d’une enquête disciplinaire à l’encontre des agents de la police judiciaire responsables de l’inexécution des mandats de justice.
Ils ont également appelé l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à jouer son rôle de contrôle, à travers la Commission des martyrs et blessés de la révolution et de la mise en œuvre de l’amnistie générale et de la justice transitionnelle, et à auditionner le ministre de l’Intérieur sur ce sujet.