Le collectif de la société civile à Carthage déplore “les abus constatés sur le site de Carthage”, et a déposé une lettre auprès de la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, qui a répondu à ce cri de détresse, en dépêchant ses représentants pour inspecter l’état du site lors de sa visite officielle en Tunisie.
Plusieurs fois médiatisée auparavant, la question du site de Carthage, patrimoine mondial de l’humanité depuis 1979, a refait surface avec la visite de la responsable onusienne à l’occasion de la huitième session de la Conférence des Etats parties de la Convention 2001 sur le patrimoine culturel subaquatique tenue à Tunis (7-9 juin 2021).
“Mme Azoulay nous a envoyé son chef de cabinet accompagné du représentant de l’Unesco Maghreb qui ont noté les problèmes à Carthage. Ils ont promis un rendez-vous dans leur bureau à Paris”, selon Salwa Jaziri, activiste et membre du collectif de la Société civile à Carthage.
Représentée par des associations, des collectifs de citoyens et le syndicat des chercheurs de l’INP, la société civile à Carthage conteste la gestion générale du site qui ne coïncide pas avec les normes exigées par l’Unesco pour les sites classés. Elle réclame l’urgence de “protéger ce grand site ” au “risque d’être placé sur la liste des sites en péril “.
L’urgence d’adopter le PPMV de Carthage
La société civile à Carthage a attiré l’attention de la DG de l’Unesco sur l’adoption urgente, par l’état, du PPMV (Plan de Protection et de Mise en Valeur) de Carthage qui est prêt depuis longtemps et dont la réalisation constitue ” la pierre angulaire ” de leur travail associatif.
” Seul acte juridique opposable aux tiers, inscrit dans le Code du Patrimoine tunisien depuis 1994, la Loi impose à l’Etat tunisien le devoir de son exécution, car c’est le seul cadre institutionnel et juridique pour mener à bien la protection, la sauvegarde et la mise en valeur du site “, indique-t-on dans cette lettre en date du 7 juin 2021, dont une copie est parvenue à l’agence TAP.
Les signataires contestent ce qu’ils qualifient “la mauvaise volonté, le déni et l’indifférence de l’autorité qui cache difficilement les causes réelles du refus de son adoption qui permettrait, en effet, la sauvegarde de quelques centaines d’hectares de terrains soustraits ainsi à la spéculation foncière “.
Dans leur lettre intitulée “Un plaidoyer pour Carthage”, ils expriment leur regret ” des nombreux abus constatés sur le site de Carthage depuis 2011 “. Ces abus viennent ” s’ajouter aux dépassements commis sous l’ancien régime sur cette zone classée au patrimoine mondial de l’UNESCO “, lit-on encore.
Signé par Leïla Ladjimi Sebai, Présidente de l’association ” Les amis de Carthage “, le Syndicat des chercheurs de l’Institut National du Patrimoine et le Collectif de citoyens carthaginois, cette lettre indique que cette action intervient à un moment où ” les graves problèmes que rencontrent ce site” sont préoccupants. Un statu quo est favorisé par ” le peu d’intérêt que les pouvoirs publics accordent à cette cité.. “, lit-on encore.
Des abus et dépassements en série
Les signataires évoquent un cadre juridique qui n’est pas appliqué en affirmant que “les abus de l’ancien régime qui auraient dû être sanctionnés par la loi promulguée à cet effet, n’ont été que timidement réprimés”.
Les abus concernent entre autres la “construction de plusieurs demeures qui sont venues envahir le cirque romain” selon cette même source. La zone non constructible, elle-même classée par le décret présidentiel du 7 octobre 1985, est menacée.
Les dépassements constatés concernent également des travaux de construction illicite, ce qui a mis en péril le parc archéologique et naturel classé de Carthage. Le collectif évoque “une maison d’hôtes et lieu de loisirs et des travaux qui se font en cachette et avec l’accord tacite de certaines autorités”.
Chercheurs, historiens, archéologues, architectes et urbanistes, étudiants et citoyens de tous horizons sont parmi les adhérents et sympathisants de ce collectif qui mène depuis, des années, des actions pour préserver cet héritage mondial.
Les membres du collectif de la société civile à Carthage rappellent leurs actions précédentes pour attirer, mettre en garde et faire des propositions à l’attention des autorités publiques. Ils citent des actions auprès de la Municipalité de Carthage, de la présidence de la république, des ministères de tutelle, des institutions diverses. Toutes ces initiatives sont toutes restées ” lettre morte “, lit-on dans la lettre.
Les signataires affirment leur ” entière et totale fidélité aux engagements pris pour la préservation du site de Carthage et pour la sauvegarde de son intégrité “. Leur ” unique objectif est de défendre ce site trois millénaire en alertant les pouvoirs publics, à l’échelle locale, régionale, nationale et internationale.