Le corps de la police de l’environnement a vu le jour il y a quatre ans en Tunisie et fête ces jours-ci les “Journées (nationale et internationale) de l’environnement”. Mais ce corps ne parvient pas à accomplir d’importantes réalisations.
Si la police de l’environnement, qui devrait dissuader les pollueurs en Tunisie et faire face à la dégradation de l’environnement, n’a pas réussi à mener à bien sa mission dans la capitale et ses banlieues, c’est en raison notamment de la faiblesse des moyens mis à sa disposition par rapport au nombre d’infractions, explique le chef du bureau de police environnementale à Tunis, Tarek Bakir.
Cité dans une interview accordée à l’agence TAP, Bakir évoque les multiples tâches confiées à la police environnementale, dont le slogan est “Sensibilisation, Protection, Durabilité”.
Il a précisé que le nombre d’agents de la police environnemental exerçant dans la capitale ne dépasse pas 64, appelés à couvrir 15 arrondissements municipaux (Tunis et sa banlieue), en comptant seulement sur quatre véhicules de services et ce tout au long de la journée et pendant la nuit.
D’après lui, le manque de moyens ne se limite pas aux véhicules mis à la disposition de ce corps, mais concerne également des instruments destinés à s’assurer du bon fonctionnement des camions frigorifiques, et des pots d’échappement des voitures, outre le manque des programmes de recyclage pour performer la formation des agents d’autant que certaines interventions nécessitent des compétences particulières, telles que la vérification de la pollution de l’air, ou le fonctionnement de certaines machines.
“Toutefois, ces difficultés n’ont pas empêché les agents de la brigade de mener au moins deux campagnes de contrôle par semaine, ciblant des zones différentes et des types d’infraction particuliers, outre les interventions routinières “, a ajouté Bakir notant que le corps apporte des recettes à l’Etat.
A cet égard, malgré les multiples tentatives menées auprès de la municipalité de Tunis, l’Agence TAP n’a pas pu avoir des précisions ou données exactes sur ces recettes.
La police environnementale est gérée par le maire
La police environnementale relève directement du maire, conformément à la loi organisant le travail de ce corps, notamment l’article 266 du Code des collectivités locales. Cet article stipule que le maire ” est chargé des procédures municipales, du fonctionnement de la police environnementale, et de l’exécution des décisions du conseil municipal “.
Les agents de police environnementale, dont le nombre global a atteint environ 800 agents, selon le responsable, sont autorisés à inspecter les locaux commerciaux, durant les heures de travail, et aussi lors de transport de marchandises, vers et depuis ces locaux.
Parmi les produits qui font l’objet d’inspection figurent les viandes et tous les produits sensibles même l’eau minérale transportée sans aucune protection est concernée par cette inspection. A cet égard, le responsable de la police environnementale estime, que le contrôle du transport de l’eau, produit très demandé par les Tunisiens notamment pendant l’été, doit commencer à sa sortie des unités de mise en bouteille.
“Durant les deux mois d’avril et de mai, 20 infractions ont été enregistrées dans les 15 communautés de la capitale “, a affirmé Bakir, ajoutant que 54 avertissements ont été, aussi, adressés à des contrevenants.
Les agents de la police peuvent émettre des décisions de fermeture de locaux commerciaux, de saisie de marchandises, et aussi faire appel à l’aide de la force publique, en cas de résistance à leurs interventions et leurs décisions.
” Dans un cas pareil, le contrevenant peut courir une peine d’emprisonnement pendant 6 mois et ou payer une amende d’un montant de 500 dinars “, a-t-il dit.
La police environnementale est autorisée, en outre, à lutter contre l’étalage anarchique, ou l’exploitation excessive du trottoir. Les missions confiées à la police environnementale sont nombreuses, et elles sont axées actuellement, surtout sur la surveillance de l’exposition de produits alimentaires, du respect de l’hygiène et la santé publique, la lutte contre le dépôt des déchets de construction et de jardins privés. Il s’agit également, de veiller à l’embellissement de la ville, des vitrines des commerces et à l’esthétique des principales artères de la ville à l’instar de l’avenue de Habib Bourguiba.
D’après Bakir, il est impératif que le citoyen soit impliqué dans cet effort. Il a invité, dans ce cadre, les Tunisiens à participer à réduire les dépassements environnementaux, en les signalant aux autorités concernées, notamment à la police de l’environnement.
L’application d’alerte et le numéro vert “191”toujours absents
Il a rappelé que le projet de lancement de la police de l’environnement prévoyait, au début, la mise à la disposition des Tunisiens d’une application gratuite sur smartphone qui permet de signaler les abus ainsi que la mise à leur disposition d’un numéro vert ” 191 “, mais ces mécanismes n’ont pas, jusque là, vu le jour.
Ce projet inachevé témoigne pour Ines Labyadh, de la Direction de justice environnementale, au Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), que le corps de la police de l’environnement ” n’a pas été pris au sérieux par la direction de la tutelle, et aussi par les entreprises polluantes et même par les citoyens “.
Partant, elle a appelé à clarifier davantage sa mission par rapport aux autres corps notamment la police municipale et à accorder l’attention nécessaire à ce corps et à lui confier plus de pouvoirs et des moyens, afin qu’il puisse s’imposer en tant que autorité sécuritaire.
De son côté, l’experte en environnement, Afef Hammami Marrakchi, pense que “les ambiguïtés relatives à la police de l’environnement ne sont pas que juridiques. Ce corps est critiqué d’abord à cause de l’ambiguïté relative à sa mission, ainsi que pour le flou qui entoure sa relation avec le ministère chargé des Affaires locales”.
Il est à rappeler que le ministre des Affaires Locales avait annoncé le 13 juin 2017, le lancement de la police de l’environnement en Tunisie, dans 74 communes municipales pilotes, dans une première phase, et dans la perspective de le généraliser pour couvrir toutes les municipalités du pays.
En 2018, le législateur a chargé, dans le cadre du Code des collectivités locales la police de l’environnement d’inspecter les dépassements aux niveaux des règles d’hygiène d’une part et de l’environnement d’autre part.
Un rapport publié par le bureau de l’organisation allemande Heinrich Boellen en Tunisie, sur ” La police environnementale: réalité, perspectives et défis “, recommande de programmer une formation adéquate aux agents de ce corps et de mettre en place un service au sein du tribunal qui reçoit les rapports et les procès-verbaux soumis par la police de l’environnement, afin de préparer un rapport d’activité périodique pour ce corps. Il a conseillé, aussi, de concevoir un protocole d’intervention comme moyen de travail et de coopération.
En comparaison avec des expériences similaires, le même rapport a cité l’expérience marocaine, où la police a fait également, l’objet de plusieurs critiques en rapport avec le manque de clarté du cadre juridique, la faiblesse des moyens, le manque de formation et l’absence d’évaluation de cette expérience.