Les pertes essuyées par la Tunisie à cause des bouleversements politiques et sécuritaires dont souffrent aussi bien la Tunisie que la Libye depuis 2011 s’élèveraient à 10 milliards de dinars. Aujourd’hui et plus que jamais, alors que la situation sécuritaire s’améliore, la Libye fait l’objet de toutes les convoitises, notamment celle des puissances économiques mondiales à l’agressivité commerciale féroce.

La Tunisie, qui a beaucoup perdu en importance en tant qu’interlocuteur de choix dans le règlement du conflit libyen à cause d’une diplomatie boiteuse, peine à se tailler une place de choix dans la sphère économique libyenne.

Président, gouvernement et opérateurs économiques qui se sont tous déplacés en Libye ces derniers mois s’y sont-ils rendus trop tard ?

Réponse avec Jamel Ksibi, président de la Fédération du BTP à l’UTICA.

WMC : Vous venez de faire une déclaration comme quoi il n’est pas tard pour que les Tunisiens soient économiquement présents en Libye. Par quels moyens d’après vous ?

Jamel Ksibi : Avec la Libye, ce n’est jamais tard parce que nous avons un historique en matière de relations économiques. La Libye et la Tunisie sont liées par une longue tradition d’échanges économiques, mais il y a aussi des liens familiaux solides entre les populations des deux pays.

Ce sont ces liens-là qui nous permettront de retrouver très rapidement notre place sur le marché libyen. C’est aussi parce que nous avons la capacité, de par notre expérience, expertise et maîtrise du terrain, d’identifier les priorités.

S’agissant des mégaprojets, il faut opter pour une association avec les multinationales, cela avait débuté avant la révolution, et ça continuera.

Aujourd’hui, la Libye commence à retrouver la notion de planification, de préparation de projets ; le pays a également planifié nombre de programmes de maintenance et est pleinement dans la phase de rénovation des infrastructures, et ceci est notre domaine nous autres Tunisiens. Ce sont les municipalités qui dirigent ces programmes, pour les Libyens donc, autant traiter avec des vis-à-vis avec lesquels ils peuvent communiquer et en lesquels ils ont confiance. Et nos voisins nous font confiance parce qu’ils nous connaissent, ce n’est pas le cas s’agissant d’autres partenaires économiques. Je suis intimement convaincu qu’en tant que Tunisiens, nous sommes privilégiés.

Quelles sont les retombées de la rencontre des opérateurs libyens avec les membres de la centrale patronale qui avaient accompagné le chef de gouvernement lors de sa récente visite à Tripoli ?

Première chose, renouveler le contact avec les officiels et les opérateurs ; s’assurer également de la situation sécuritaire. Nous avons été à Tripoli, une ville assez sécurisée. Les seuls risques qui peuvent exister se rapportent aux déplacements d’une ville à une autre, mais rien de dramatique.

Il y a aussi la rencontre entre opérateurs tunisiens et libyens à Djerba. Quelles en ont été les retombées ?

La rencontre de Djerba a eu lieu suite à l’initiative d’une association qui a compris qu’il fallait rassembler les maires des villes limitrophes. Le background politique de cette action ne me regarde pas, personnellement j’ai apprécié. Il y a eu de bons contacts entre opérateurs touchant aux axes rénovation, électrification, collecte de déchets. Il y a eu de bons échanges, c’est très important et nous en avons besoin.

Qu’en est-il du rôle des banques dans l’accompagnement des opérateurs nationaux en Libye ?

Nous attendons beaucoup des banques et surtout de la BTL. Nous espérons qu’elles nous accompagneront en Libye et qu’elles nous soutiendront. Nous aurons besoin de cautions bancaires et de financements. Il faut trouver les moyens de procéder aux levées de fonds nécessaires que ce soit en Libye ou en Tunisie.

On oublie que maintenant il y a une dynamique de commerce très importante, on n’en parle pas mais elle existe.

A entendre les déclarations du ministre tunisien des Finances, le gouverneur de la BCT et le CDG, le terrain sera rapidement balisé point de vue réglementations ?

M. Ali Kooli, ministre des Finances, nous a dit clairement que le ministère planche sérieusement sur le dossier, œuvrera à lever les blocages d’ordre procédural entre les deux pays, et mettra les moyens nécessaires pour que le financement des entreprises tunisiennes et des exportateurs nationaux soit assuré par un mécanisme dédié que l’Etat tunisien mettra en place rapidement.

J’ose espérer que ce ne seront pas que des mots mais que notre gouvernement passera rapidement à l’action. La Libye est notre étendue économique naturelle, et les échanges entre nos deux pays sont aussi importants pour nos voisins que pour nous.

A.B.A