« Agri-Tech Tunisia » est un projet mis en place par la société tunisienne STECIA International pour faciliter l’internationalisation des start up spécialisées dans le domaine agricole.
Appuyé par Innov’i-EU4Innovation, initié par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France, le projet œuvre pour le renforcement des capacités innovatrices et technologiques des start-up tunisiennes et leur exportation en Afrique pour des partenariats win/win.
Le point de départ sera le Sénégal pour s’étendre dans un deuxième temps sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui offre une étendue géoéconomique importante pour les opérateurs nationaux.
Entretien avec Walid Gaddas, directeur général de STECIA International.
WMC: Parlez-nous du projet Agri-Tech Tunisia ?
Walid Gaddas : Agri-Tech Tunisia est un projet financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France. Son premier objectif est d’accompagner 5 startups tunisiennes de Agri-Tech à s’internationaliser vers l’Afrique de l’Ouest avec pour première destination le Sénégal.
Il œuvrera à conforter la notoriété de notre pays en tant que source de solutions Agri-Tech et promouvra le site Tunisie, une référence dans l’encouragement et le développement des start up grâce, entre autres, au Start Up Act.
Nous visons aussi l’établissement de relations de partenariats en amont entre les opérateurs tunisiens et sénégalais dans le domaine de la haute technologie agricole.
Comment comptez-vous y procéder ?
Nous opèrerons par étape. La première étape consistera à sélectionner les start up tunisiennes. Nous avons d’ores et déjà procédé à une petite évaluation sur terrain, et nous estimons à près d’une cinquantaine les entreprises éligibles. Toutes évoluent dans l’Agri-Tech, la Bio-Tech ou la Food-Tech. Cinq (5) seront sélectionnées, formées à l’exportation et accompagnées dans la conquête du marché sénégalais. Actuellement, presque toutes travaillent sur le marché local.
Nous tenons à ce que nos lauréats soient outillés pour gérer au mieux leurs discussions avec leurs partenaires
Pour s’internationaliser, il est indispensable de les munir de capacités et de compétences nécessaires, comme les négociations, les paiements internationaux ou encore les relations interculturelles. Nous tenons à ce que nos lauréats soient outillés pour gérer au mieux leurs discussions avec leurs partenaires. Il serait dommage que l’occasion se présente à eux pour gagner un marché et qu’ils la ratent parce que n’étant pas dotés de savoir-faire et d’expertise.
Après la sélection en Tunisie, nous nous déplacerons au Sénégal où nous choisirons 40 entreprises intéressées par l’offre tunisienne. Ce sont des acheteurs potentiels qui opèrent dans le secteur agricole et agroalimentaire et qui sont intéressés par les solutions l’Agri-Tech tunisiennes.
Nous organiserons un grand événement à Dakar au mois de mars 2022 pour mettre en relation Tunisiens et Sénégalais. L’idée est que ces rencontres débouchent sur des contrats et des engagements réels. D’où l’efficience de notre démarche.
Il ne s’agit pas des BtoB traditionnels où c’est le nombre de rencontres qui compte le plus alors que personne n’est sûr de décrocher un contrat. Nous préparons tout en amont pour que les opérateurs des deux pays finissent par concrétiser.
Nous nous attendons à ce qu’au moins chacune des start up tunisiennes signe un contrat avec un opérateur sénégalais. D’où l’importance de l’accompagnement juridique que nous dispensons aux nationaux.
Nous comptons par ailleurs nous adresser aux institutionnels représentés par les ambassades des deux pays pour rendre plus aisées les démarches envisagées. Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’ambassadeur du Sénégal pour lui présenter STECIA.
Pourquoi avez-vous choisi de démarrer par le Sénégal ?
Pour beaucoup de raisons, notamment pour des relations historiques qui lient nos deux pays depuis Habib Bourguiba et Léopold Sédar Senghor. A Dakar, il y a une avenue “Habib Bourguiba“ et un quartier “Habib Bourguiba“. Nous capitalisons sur l’image positive de la Tunisie au Sénégal. Les Tunisiens y sont appréciés et leur savoir-faire est reconnu.
Autre point important, il y a un vol direct Tunis/Dakar de 4 heures, donc pas d’escale et pas de perte de temps.
Le Sénégal est aussi le pays le plus stable de l’Afrique de l’Ouest qui affichait une croissance moyenne de 6% par an avant l’avènement de la pandémie Covid-19. Le secteur agricole y est en pleine croissance et modernisation.
Les structures commerciales agricoles dédiées à l’exportation se développent et les acteurs sur le terrain sollicitent les hautes technologies pour être plus performants. Enfin, la barrière de la langue n’existe pas puisque les Sénégalais aussi bien les Tunisiens sont des francophones.
Que pourraient offrir les start up tunisiennes spécialisées dans l’Agri-Tech aux opérateurs sénégalais ?
La palette des solutions existantes est assez large en Tunisie. Elle va de la smart-irrigation (irrigation intelligente) -avec des capteurs dans le sol qui calculent les besoins des plantes et gèrent leurs besoins en eau- aux drones, robots et autres instruments intelligents.
Nous procédons actuellement à une étude de marché au Sénégal pour identifier les solutions les plus demandées par les opérateurs sur place. Ça sera un facteur déterminant dans le choix des start up sur place. Si au Sénégal, la priorité est aux problèmes d’eau, nous donnerons la prépondérance aux start up spécialisées dans la gestion de l’eau ; s’il s’agit de questions relatives à la traçabilité, ce sera une autre solution avec une autre start-up. Nos choix se feront en fonction des besoins exprimés par les opérateurs.
Le projet a démarré le 1er avril 2021 et se terminera fin juin 2022. L’idée est de le généraliser aux 15 autres pays de l’Afrique de l’Ouest.
Nous pourrons cerner la demande d’ici la fin du mois de juillet, ce qui nous permettra d’identifier avec précision les start up qui nous intéressent.
Notre démarche est évolutive et pragmatique. Vu les défis auxquels est confronté le Sénégal et qui ressemblent un peu à ceux de la Tunisie dont la rareté de l’eau, changement climatique ou encore les problèmes réglementaires avec l’Europe et sur lesquels les start up tunisiennes ont développé des solutions, l’équation entre l’offre et la demande me paraît évidente.
Sur combien de temps s’étale le projet ?
Il a démarré le 1er avril 2021 et se terminera fin juin 2022. Ceci étant, l’idée est de le généraliser aux 15 autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons d’ores et déjà entamé des discussions avec des partenaires internationaux pour permettre la couverture des autres pays.
Comment les start-up tunisiennes et les opérateurs sénégalais ont accueilli le projet ?
De part et d’autre, ici à Tunis et au Sénégal également, l’accueil a été enthousiaste. Ce projet représente une nouvelle ouverture vers un développement sud-sud où toutes les parties sont gagnantes avec une meilleure intégration commerciale dans la région. Il permettra aux start up tunisiennes de vendre leurs solutions et leur assistance technique aux Sénégalais, ce qui créera des emplois et apportera des ressources en devises à la Tunisie.
Agri-Tech Tunisia pourrait aussi encourager la création d’un écosystème entre start up opérant dans le même secteur
Pour leur part, les opérateurs sénégalais pourraient profiter des solutions apportées par les start up Agri-Tech en vue d’améliorer leur compétitivité. Ils produiront plus et mieux… c’est l’optimisation des ressources pour une plus grande compétitivité. Grâce aux nouvelles solutions, ils produiront plus et pourront s’internationaliser en étant performants et concurrentiels. Développer l’agriculture via des solutions technologiques permettra au Sénégal d’assurer sa sécurité alimentaire.
La population sénégalaise de 16 millions aujourd’hui va doubler d’ici 2030, alors que les superficies agricoles n’augmenteront pas, d’où l’importance d’accroître les productions. C’est un enjeu important auquel les Agri-Tech peuvent répondre.
Agri-Tech Tunisia pourrait aussi encourager la création d’un écosystème entre start up opérant dans le même secteur et dont les solutions se complètent. Nous pourrions ainsi offrir des solutions intégrées à nos partenaires africains.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali