L’Agence nationale de la maîtrise de l’énergie (ANME) a baissé la subvention destinée aux équipements photovoltaïques (PV) à puissance installée dépassant 1,5 KW de 1 200 dinars/kw à seulement 500 dinars/kw, pour rationaliser les ressources du Fonds de transition énergétique (FTE). Cette baisse n’est pas du goût des installateurs et des fournisseurs de systèmes solaires.
Bien que le président de lCa hambre syndicale des intégrateurs en photovoltaïque ” CSPV “, Ali Kanzari, qui est également responsable d’une entreprise opérant dans les énergies renouvelables (ER), soit convaincu que la filière “pourrait se porter mieux et évoluer sans subvention” et que d’autres alternatives existent pour promouvoir les ER en Tunisie, plusieurs moyens et petits entrepreneurs et fournisseurs d’équipements PV estiment que la baisse de la subvention “ne fera que freiner l’activité de leurs sociétés déjà impactées par la pandémie de Covid-19 “.
Le spectre de la faillite plane sur les professionnels du PV
De son côté, le président de Groupement professionnel des énergies renouvelables à la CONECT, Ahmed Abid, a déclaré à l’Agence TAP que la plupart des installateurs PV ont travaillé depuis le début de l’année, et ont installé des systèmes PV au profit des ménages, en payant eux-mêmes les subventions, en attendant qu’ils soient remboursés par le FTE.
” Mais voici que l’ANME vient de publier les contrats programmes, il y a quelques jours, avec des quotas de subventions, pour toute l’année, qui sont minimes par rapport aux montants déjà dépensés par les installateurs. A titre d’exemple, j’ai un ami installateur qui a mobilisé, durant le premier semestre, une enveloppe de 150 mille dinars, juste pour la subvention, alors que l’ANME ne lui a réservé qu’un montant de 15 mille dinars “.
D’après lui, cet installateur réfléchit sérieusement, à vendre son matériel et à annoncer son faillite. ” Auparavant, même si les professionnels installent un nombre de systèmes plus important que celui couvert par les contrats-programmes, ils procèdent à la conclusion d’un avenant avec l’ANME pour régler l’affaire et ils reçoivent le reste de montant ; ce qui n’est pas le cas aujourd’hui”.
En fait, “l’Agence exige, aujourd’hui, qu’aucun avenant 2020 ne puisse être accepté sans le PV de régularisation, lequel impose aux installateurs de s’engager de ne pas dépasser les quotas autorisés, alors que les contrats programmes n’ont été publiés qu’à fin juin 2021, date à laquelle les installateurs ont déja, dépensé des milliers voire des millions de dinars, pour satisfaire un marché en pleine expansion”.
Et de pointer la hausse de la demande, surtout parmi les particuliers, en raison du renchérissement des prix de l’électricité. “Nous avons installé, durant l’année 2020, des systèmes dans le secteur résidentiel, d’une capacité globale avoisinant les 20 MW (ce qui représente une production annuelle de 40 mille Mw/h) “.
Evoquant la diminution de la subvention, Abid l’a qualifiée d’” illégale “, du point de vue juridique, vu que l’administration a procédé à l’amendement d’un décret gouvernemental (n°983 du 26 juillet 2017 fixant les règles d’organisation, de fonctionnement et les modalités d’intervention du FTE), par une simple note.
D’après Abid, “il suffit de renforcer le budget du FTE par une enveloppe de 65 millions de dinars, pour permettre à ces petites entreprises de continuer à travailler sereinement dans un climat de confiance avec l’administration, et de favoriser un meilleur essor du programme Prosol Elec”.
Et de rappeler que “nous accusons un déficit budgétaire croissant, aujourd’hui estimé à plus de 4 000 millions de dinars dû principalement, à nos dépenses énergétiques, notre mix énergétique est composé de 93% de gaz, alors que les énergies renouvelables n’en représentent que 4%”… Pourtant “nous disposons de tous les atouts pour faire de notre pays une plateforme de production de l’énergie renouvelable, notamment solaire et photovoltaïque”.
Partageant le même avis, le gérant d’une société de solaire PV, leader sur le marché local, a considéré que la décision de baisser la subvention va entraîner une chute de la demande et des pertes immenses pour les professionnels, dont un grand nombre sont déjà menacés de faillite.
“Nos clients, dont 70% sont des fonctionnaires de la classe moyenne seront certainement, découragés de recourir à l’énergie solaire, car ils seront contraints de payer à l’installateur la différence (le montant supprimé de la subvention), à l’avance. Ce qui n’est pas évident, avec un pouvoir d’achat qui ne cesse de se détériorer”, a t-il déclaré, en requérant l’anonymat. Il craint en effet, un blocage de ses projets, par l’administration.
Des mesures en contradiction avec les objectifs d’ER
Tous les acteurs de la filière des énergies renouvelables s’accordent à dire que les ressources du FTE ne cessent de baisser. La subvention destinée aux équipements photovoltaïques (PV) couvrait avant la révolution (2011), 40% du coût de l’installation, et ce, dans le cadre d’une stratégie réelle visant à impulser le recours à ces énergies propres.
“Aujourd’hui, on a l’impression que les mesures prises par l’administration vont à l’encontre des objectifs assignés en matière d’énergie renouvelable”, a affirmé ce même responsable.
Un fournisseur de matériels et équipements photovoltaïques a fait état d’une stagnation des activités des installateurs, évoquant un autre problème celui des compteurs, indispensables pour la mise en marche des projets solaires.
Il dénonce même “un marché noir” pour la vente des compteurs. “Selon ses dires, l’activité d’installation de panneaux pv est aujourd’hui de moins en moins rentable, surtout avec la hausse des prix des équipements nécessaires à l’international (+20%) durant ces derniers mois, ce qui a engendré une baisse de la marge bénéficiaire de l’installateur de plus de 60%”.
Contacté par l’Agence TAP, Nafaâ Baccari, directeur des énergies renouvelables au sein de l’ANME, a déclaré que ” la révision de la subvention a été faite, à la demande de la chambre des installateurs de panneaux PV, étant donné que cette subvention, n’a pas été révisée depuis l’année 2017, alors que le coût d’installation du photovoltaïque a régressé de 50%, voire 60% dans le monde “.
Contrairement aux déclarations de certains installateurs, cette baisse permettra, d’après lui, de “subventionner un nombre plus élevé de ménages et faire profiter le maximum de familles de l’énergie propre. Notre objectif est de voir les panneaux PV partout sur les toits des maisons tunisiennes et d’offrir l’opportunité à tous d’autoproduire leur électricité, ce qui allègera la facture énergétique pour les ménages et par conséquent réduira l’enveloppe de subvention supportée par l’Etat, et aussi renforcera notre indépendance énergétique, à l’échelle nationale “.