Rouslen Hammami, fraîchement diplômé de l’Ecole nationale des ingénieurs de Tunis (ENIT, juin 2021), vient de fabriquer et de présenter, pour la première fois en Tunisie, une voiture à air comprimé comme projet de fin d’étude (PFE).
Originaire du Cap Bon, ce jeune prodige de 24 ans qui a réussi un coup de maître a été particulièrement sensibilisé aux problèmes énergétique et environnemental du pays…
Barbe taillée, cheveux lisses et épais, l’air sérieux et intelligent, Rouslen ne cache pas ses ambitions d’aller encore plus loin pour développer sa petite voiture innovante. Quitte à aller poursuivre ses projets à l’étranger.
En effet, tandis que les stations de service du pays, lui refusent l’usage de leurs compresseurs d’air pour faire marcher sa voiture, y compris à Menzel Bouzelfa, sa ville natale, Rouslen vient d’avoir des offres de collaboration, dont une émane d’une société étrangère.
Le projet d’immigration de Rouslen est encouragé par ses parents, a l’instar de ce qui est fait par la plupart de leurs concitoyens, parents d’élèves brillants ou même moyens, notamment, depuis l’enlisement de la crise dans le pays et les échecs cumulés par les gouvernants après 2011.
En chemise blanche et jean bleu, le jeune diplômé en génie électrique, majeur de la section Bac technique à Nabeul session 2015, parle avec confiance et fierté de sa voiture à air comprimé, dont la mobilité facile et à faible coût n’en constitue pas le seul avantage.
Il a fabriqué ce petit véhicule à trois roues, dans l’objectif de réduire les émissions des gaz toxiques dans le domaine du transport, secteur le plus énergivore en Tunisie, avec la consommation de 36% du total de l’énergie finale .
” L’utilisation de la technologie d’air comprimé dans le domaine du transport est apparue depuis le 19ème siècle, mais en Tunisie c’est une première. L’utilisation de cette voiture, d’une vitesse de 40 km/h, serait utile dans les zones urbaines et les plus polluées ou encore dans les hôpitaux et les endroits dangereux “, explique Rouslen avec enthousiasme.
Rencontré à l’ENIT, fief de l’ingénierie tunisienne, dont la qualité de l’enseignement fait toujours la fierté de l’université tunisienne, comme à l’étranger, Rouslen, était accompagné de ses encadreurs Hèdi Kourda et Soufiène Kourda. Les deux hommes portent le même nom, mais aucun lien de parenté ne les lient.
L’idée de fabriquer une automobile a énergie propre vient de son professeur et encadreur, Hédi Kourda. ” Lorsque Rouslen m’a sollicité pour avoir une idée de projet, je lui ai proposé le stockage de l’énergie sous forme d’air comprimé “, affirme le professeur, qui est également directeur du laboratoire des systèmes électriques à l’ENIT.
Majeur de promotion technique avide de connaissance
” Rouslen a beaucoup aimé le projet, et a pu le réussir grâce à sa curiosité, son habilité et à toutes les connaissances acquises durant son parcours “. Pour cet encadreur, Rouslen a réalisé un exploit, et a réellement, excellé dans sa spécialité.
“La principale qualité de Rouslen, c’est qu’il cherche davantage à apprendre que d’avoir le diplôme. Face à un problème, Rouslen ne baisse pas les bras, il essaye toujours jusqu’à trouver la solution”, ajoute-t-il, tout fier de son étudiant.
Dans son projet, ” Rouslen a concrétisé les aspects de l’économie circulaire, en inventant son véhicule à partir de la récupération des sous-systèmes usagés “, note Soufiène Kourda.
Le jeune ingénieur a créé lui-même les composantes de ce véhicule, qui est une industrie à part, moyennant un budget dérisoire de seulement 2 000 dinars, souligne d’un ton satisfait, ce deuxième encadreur financier propriétaire d’une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables.
Il se dit content et fier de cette réussite et de ce jeune ingénieur polyvalent capable d’aller vers d’autres horizons. Les deux encadreurs et leur étudiant viennent de soumettre à trois et aux autorités une demande de Brevet d’inventeur pour ce projet.
Soutien familial et universitaire et engagement écologique
Actif également dans la vie associative, Rouslen a pu profiter des locaux du Comité du Croissant rouge tunisien de Menzel Bouzelfa, dont il est le secrétaire général, pour fabriquer sa voiture, consacrant quatre mois et demi à détacher des pièces collectées à partir des ferrailles, pour monter, avec l’aide de son père et son appui moral et financier, les mécanismes de cette voiture.
Quant à sa mère, elle est, d’après Rouslen ” la première personne qui a eu confiance en moi et m’a incité à se lancer dans ce projet, et de courir le risque “.
Concernant sa voiture, Rouslen explique avec simplicité son fonctionnement : ” pour obtenir l’air comprimé et faire marcher l’engin, nous avons besoin d’électricité, qui sert à faire fonctionner le compresseur, grâce auquel on alimente le réservoir du véhicule “.
En adepte de l’énergie propre, Rouslen affirme qu’il ” est préférable de produire l’électricité à partir des panneaux photovoltaïques que d’utiliser l’électricité produite par la STEG, cependant, cette dernière demeure généralement moins énergivore à hauteur de 50% par rapport aux véhicules à essence et à gasoil “.
Il souligne également la possibilité d’utiliser un compresseur pour gonfler les pneus des autos, des motos et des vélos, comme il a procédé pour mettre en marche sa voiture.
Le projet de Rouslen a suscité l’intérêt des entités privées en Tunisie qui ont manifesté leur disposition à y investir et le développer davantage.
Si aucune entreprise tunisienne n’a exprimé son intérêt pour cette voiture propre, le jeune inventeur ” a eu des contacts avec une société étrangère”.
Intelligent et ambitieux Rouslen, a tiré la même leçon que des dizaines de compétences l’avaient fait avant lui: ” à partir de cette expérience, j’ai réalisé qu’il est pénible de concrétiser ses idées en Tunisie “, regrette-t-il.