Propulsé, d’abord, sans aucun mérite, par le chef de l’Etat au poste de chef du gouvernement, abandonné, ensuite, pour perfidie et déloyauté, et “récupéré”, enfin, par Ennahdha pour servir ses intérêts au pouvoir, le controversé fonctionnaire Hichem Mechichi a fait preuve d’un cynisme brutal en limogeant, le jour de la fête de l’AID El Idha, le ministre de la Santé, Faouzi Mehdi.
Il faut reconnaître que le ministre limogé, indépendamment des énormes bourdes commises jusque-là dans la gestion de la pandémie de Covid-19, l’a bien cherché en autorisant, le jour de l’Aïd, et sans aucune préparation, des “journées portes ouvertes” pour la vaccination des Tunisiens de plus de 18 ans.
La goutte qui a fait déborder le vase
Le résultat on l’a vu à la télévision: des bousculades et des scènes chaotiques et leur corollaire, bagarres, fermeture des centres de vaccination, et suspension, au final, de ces journées ouvertes. C’était, en quelque sorte, la goutte qui a fait déborder le vase.
En dépit de cette lourde gaffe du ministre, logiquement au regard du faible rendement des hautes institutions de l’Etat (les deux têtes de l’exécutif, Parlement, pouvoir local), ce ministre ne doit pas assumer seul la responsabilité de cette mauvaise gouvernance de la crise.
Et pour cause. Mechichi, qui déclarait, lors d’une réunion tenue au ministère de la Santé, juste quelques heures après le limogeage de Faouzi Mehdi, qu’«il avait trop tardé à démettre ce ministre de ses fonctions», assume la plus grande responsabilité dans la gestion calamiteuse de la crise de la pandémie qui a fait, officiellement, plus de 17 000 morts (mais des sources indépendantes font état de plus de 20 000 morts).
Faouzi Mehdi ne doit pas assumer tout seul la responsabilité
Mechichi, qui semble avoir laissé délibérément son ministre de la Santé s’enfoncer dans les bourdes pour lui faire endosser la responsabilité des dégâts, aurait dû en principe le limoger au mois janvier dernier, comme il l’avait fait avec les autres ministres nommés par l’institution de la présidence de la République. Tout indique qu’il l’a gardé pour le mouiller et lui faire porter le chapeau des dégâts accomplis.
Est-il besoin de rappeler que depuis sa nomination en pleine de crise de la Covid-19 (septembre 2020), le CDG n’a jamais accordé l’intérêt requis à la gouvernance de cette crise. En témoigne cette vidéo diffusée sur les réseaux sociaux qui montre Mechichi et ses ministres en villégiature sereine, dans un luxueux hôtel à Hammamet, alors qu’au même moment des Tunisiens succombaient comme des mouches suite à leur contamination par la Covid-19. C’est ce que les médias ont appelé “l’Asdrubal Gate”.
Le jeu macabre des responsables en place
Abstraction faite de ces dérapages inacceptables et répréhensibles, en principe tout donne l’impression, au regard du bilan catastrophique de la crise, que le CGD et son coussin politique (le trio Ennahdha – Qalb Tounès – Coalition Al Karama), d’un côté, le désormais ancien ministre de la Santé (Faouzi Mehdi) et ses parrains dans l’entourage du président de la République, de l’autre, rivalisaient en zèle pour laisser mourir le maximum de Tunisiens contaminés par le virus.
C’est ce qui a amené certains observateurs à qualifier les décès générés par la Covid-19 «de véritables meurtres et assassinats» perpétrés par l’effet de l’incompétence, de l’irresponsabilité et de la mauvaise gouvernance. Pour masquer leurs forfaits, les deux parties évoquaient souvent qu’elles tablaient sur l’immunité collective.
Quant à Mechichi et Faouzi Mehdi, les deux fusibles qui ont exécuté “le sale boulot”, leur mission est pratiquement finie. Connaissant parfaitement la cupidité du fonctionnaire tunisien et ses petits horizons, Mechichi, homme sans reliefs, sans projet politique et sans aucune référence valable, va tout faire pour se maintenir jusqu’au 3 septembre prochain, date à laquelle il clôturera son mandat en tant que CDG. Une durée qui lui permet, en principe, de bénéficier de quelques avantages dont une retraite dorée, conformément à la scélérate loi du 17 mars 1983 fixant le régime de retraite des membres du gouvernement.
Pour sa part, Faouzi Mehdi, qui relève d’un lobby présidentiel qui détient, conformément à la Constitution, les rennes de la diplomatie tunisienne, il pourrait être nommé ambassadeur ou représentant de la Tunisie dans une agence spécialisée de l’ONU.
Dans tous les cas de figure, les deux responsables seraient bien rémunérés pour les forfaits accomplis.
Au rayon des perdants dans cette affaire de limogeage du ministre de la Santé, il y a deux parties. En premier lieu les citoyens tunisiens qui vont encore souffrir de la pénurie des vaccins et de la précarité générale de la vie qu’elle entraîne. Vient ensuite la centrale syndicale (UGTT) qui voit d’un mauvais œil la décision de charger son ministre au sein du gouvernement Mechichi, en l’occurrence Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales, d’assumer l’intérim du ministère de la Santé.
Pour montrer son opposition à cette nomination, l’UGTT, par le canal de son organe, le journal Echaab, du 16 juillet 2021, avait anticipé et publié une information selon laquelle Mohamed Trabelsi aurait refusé cette nomination.
Pour l’UGTT, son ministre, qui gère déjà un ministère difficile, risque de laisser des plumes comme ses prédécesseurs à la tête du département de la Santé. Son échec pourrait rejaillir négativement sur sa crédibilité au sein de l’opinion publique. Donc, comme le dit merveilleusement bien ce proverbe tunisien, «il n’y pas un chat qui chasse pour Dieu», ou «pour son éleveur» pour faire plaisir à un puriste de la langue.
Abou SARRA