Au regard de la situation chaotique qui a prévalu ces deux dernières années dans le pays, et par l’effet de la pandémie de la Covid-19 et par l’effet de l’incompétence du Parlement et du gouvernement…, il fallait faire quelque chose pour sauver le pays.

Abou SARRA

C’est fait. Le président de la République, Kaïs Saïed, en tant que premier garant de la sécurité et de la stabilité du pays, vient d’actionner le levier de l’article 80 de la Constitution de 2014.

Cet article stipule notamment qu’« en cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République peut prendre les mesures qu’impose l’état d’exception, après consultation du chef du gouvernement, du président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le président de la Cour constitutionnelle». Il annonce ces mesures dans un message au peuple.

Compte tenu de la situation délétère dans laquelle se trouve le pays, le chef de l’Etat aurait pu se passer de cet article au nom de ce que les constitutionnalistes appellent « la nécessité supra-constitutionnelle ».

Morale de l’histoire : Ce lundi 26 juillet 2021, les Tunisiens, conformément à la Constitution, ont un seul commandant à bord, en l’occurrence le président de la République Kaïs Saïed, élu au suffrage universel, tout autant du reste des députés.

Dans l’absolu, la décision du chef de l’Etat est une véritable délivrance qui a été saluée, dans la soirée du dimanche 25 juillet 2021, par des manifestations spontanées à travers tout le pays.

A la faveur des mesures prises, le chef de l’Etat concentre désormais tous les pouvoirs. Cette unicité du pouvoir vient mettre fin, momentanément, à la polyarchie du pouvoir depuis plus de dix ans.

Elaborée conformément aux intérêts d’Ennahdha et dérivés, la Constitution de2014 est, désormais, mise en quarantaine, en attendant une possible révision, tout autant que la loi électorale et celle des partis et associations.

Un chantier prométhéen attend Kaïs Saïed

En un mois, le chef de l’Etat peut réinventer le pays sur la base de nouvelles valeurs plus solides et mieux partagées. Le travail est certes prométhéen mais pas impossible à réaliser.

Car la Tunisie de 2021 n’est plus la Tunisie de 2011. Les Tunisiens, pris de court par les émeutes du 14 janvier 2011, ont beaucoup appris, depuis. De nos jours, les cadres patriotes du pays, ceux qui ont combattu par l’écrit et par la parole l’Islam politique, sont bien préparés pour entreprendre, en un temps record (une semaine ou deux), toutes les réformes souhaitées et réviser les règles de jeu en place.

L’ultime but étant de concilier les Tunisiens avec leur pays dont les ressources ont été bradées au profit de forces extérieures. Le moment est venu pour que tous les traîtres du pays qui se sont relayés à la tête du pays depuis dix ans rendent des comptes et soient jugés.

Pour paver le terrain à cette réflexion, le chef de l’Etat se doit, concomitamment, d’accélérer la vaccination de la population, ouvrir les dossiers de terrorisme et de corruption non résolus par cette justice complice des nahdhaouis, booster la réflexion sur la relance de l’économie, relancer la production dans le bassin minier, appliquer la loi sur tout le monde sans aucune distinction et mener un combat sans merci contre la corruption et la contrebande.

Normalement, la décision de geler les activités du Parlement et de lever l’immunité des députés devrait aboutir à l’inculpation d’une armada de politiques et d’hommes d’affaires corrompus.

En principe, c’est une première étape sur la voie de la dissolution pure et simple de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et la convocation d’élections législatives anticipées.

Et pour ne rien oublier, certains seraient tentés de qualifier cette nouvelle étape de nouvelle dictature. Mais au regard des dégâts accomplis, elle était inévitable. Espérons seulement que cette dictature servira en priorité le peuple, la dignité des tunisiens, la souveraineté et la sécurité du pays.

Cette concentration des pouvoirs, voire cette dictature newlook, va-t-elle confirmer cette belle définition que donne l’historien français Jean Tulard du parcours de toute révolution : «une révolution commence par germer dans les esprits, descend dans les rues et finit par une dictature» ?

A bon entendeur.