La décision du président de la République, Kaïs Saïed, de suspendre l’ARP et de limoger le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, pourrait retarder davantage la possibilité de parvenir à un accord avec le FMI qui atténuerait les fortes pressions financières sur le pays, et impacter négativement la volonté des partenaires occidentaux de soutenir la Tunisie, indique l’agence de notation Fitch Ratings, dans une note d’évaluation de la situation en Tunisie publiée lundi 26 juillet 2021,
L’agence indique que les perspectives de réformes qui réduiraient les déficits budgétaires, stabiliseraient la dette et limiteraient les pressions extérieures sur les liquidités étaient déjà faibles avant cette crise. “La fragile coalition au parlement, les tensions entre les principaux dirigeants politiques et l’opposition sociale enracinée – y compris l’opposition du mouvement syndical – aux mesures substantielles d’assainissement budgétaire ont compliqué les efforts visant à garantir l’assainissement budgétaire et le soutien du FMI”.
L’agence considère, par ailleurs, que “les dernières décisions du président de la République soulèvent de nouvelles incertitudes politiques. “Cependant, nous pensons qu’il est peu probable qu’il use de ses pouvoirs pour faire adopter des mesures difficiles, telles que des réductions de l’importante masse salariale du secteur public (17 % du PIB en 2020), car une telle action serait impopulaire et pourrait retourner la pression sociale contre lui “.
Fitch Ratings souligne, en outre, que les mesures prises par Saïed, pourraient réduire la volonté des partenaires occidentaux de soutenir la Tunisie. Néanmoins, poursuit-elle, les préoccupations européennes concernant les migrations à travers la Méditerranée resteront une motivation importante pour le soutien extérieur.
Elle rappelle avoir abaissé la note de la Tunisie à ” B- ” avec une perspective négative, en juillet 2021, en raison de risques accrus sur la liquidité budgétaire et extérieure face au retard accusé dans la négociation d’un nouvel accord avec le FMI.
Lequel accord constitue pour la plupart des créanciers officiels une condition préalable à un renouvellement de l’appui budgétaire. “La Tunisie prévoit de bénéficier d’une aide budgétaire des créanciers publics équivalant à environ 4,7% du PIB et d’accéder au marché des euro-obligations pour des fonds équivalant à environ 2,2% du PIB en 2021”.
Fitch pense que ces objectifs ne seront probablement pas atteints et que le gouvernement devra continuer à s’appuyer sur des financements locaux.
“Les pressions financières continueront de s’accentuer en l’absence de réformes solides et de soutien extérieur. Les créanciers pourraient envisager une restructuration de la dette via le Club de Paris, avec des répercussions potentielles pour les créanciers privés, avant qu’un soutien supplémentaire puisse être apporté, mais seraient réticents à se mettre d’accord sur une réduction de la dette sans réformes s’attaquant au déficit budgétaire élevé. Le gouvernement précédent avait déclaré qu’il n’envisageait pas une restructuration de la dette, et la Tunisie n’a jamais bénéficié d’un traitement du Club de Paris”.
Pour Fitch Ratings, ” un échec à conclure un accord avec le FMI, entraînant une forte dépendance continue à l’égard des financements nationaux, augmenterait les pressions sur les liquidités internationales. La Tunisie fait face à un amortissement important de la dette publique extérieure (équivalant à environ 4% du PIB par an en moyenne sur 2021-2023) et à d’importants déficits courants (prévus à environ 8% du PIB par an sur la même période en moyenne) “.
Les réserves de change sont tombées à 8,9 milliards de dollars à fin juin 2021, contre environ 9,8 milliards de dollars à fin 2020.
Dans son évaluation de juillet, l’agence avait indiqué qu’une aggravation des pressions externes sur la liquidité, illustrée par exemple par une baisse substantielle des réserves ou des pressions importantes sur le taux de change, pourrait conduire à une dégradation de la notation.