Avec la crise de la Covid-19, dans plusieurs pays étrangers (chacun selon ses moyens) des aides multiples ont été accordées aux hommes d’affaires sous forme de subventions à fonds perdus ou de financements gratuits (taux d’intérêt nuls).
En dépit de la forte reprise de la croissance ces derniers mois et le regain de l’inflation, les autorités de ces pays n’ont pas encore songé à arrêter leur soutien à l’économie jugeant fragile cette croissance tant que la pandémie n’est pas définitivement contrôlée.
Souvent, la Tunisie fait l’exception mais pas toujours le bon choix. Au moment où le taux d’investissement est à son niveau le plus bas dans l’histoire de notre pays et que nos hommes d’affaires souffrent le martyr avec un TMM exagérément élevé, une bureaucratie extrêmement lente et corrompue et des frontières quasi fermées à cause de la crise sanitaire, au lieu de les aider, on compte poursuivre un bon nombre parmi eux sur des affaires de l’avant dernière décennie et pour lesquelles ils ont, pour la plupart, payé sous une forme ou une autre dont la confiscation de certains de leurs biens.
A mon avis, cette approche ne profiterait qu’aux avocats dont certains se sont largement engraissés depuis 2011 lorsqu’on a décidé de poursuivre en justice de pauvres collaborateurs de feu Ben Ali qui n’ont ni volé ni tué mais dont le seul tort était de ne pas avoir réussi à résister à la pression de l’entourage de leur président.
Désolé Monsieur le Président, si vous voulez sauver l’économie, nos hommes d’affaires ont besoin de stabilité et de visibilité ainsi que d’encouragements. Nous avons besoin d’eux pour faire évoluer notre économie, créer de la valeur ajoutée et des emplois. La construction des écoles et des hôpitaux est du ressort de l’Etat.
La mission des hommes d’affaires est de gérer, innover, introduire les nouvelles technologies, pénétrer de nouveaux marchés. La bataille de l’économie est rude et le soutien de l’Etat est vital.
Les pays les plus libéraux n’épargnent aucun effort pour soutenir leur économie, éliminer toutes les entraves au développement interne et externe de leurs entreprises, en les protégeant, voire en les dopant vis-à-vis de la concurrence étrangère. Nombreux sont les chefs d’Etat qui interviennent personnellement et usent de tous leurs pouvoirs pour que leurs entreprises accèdent à certains marchés à l’étranger.
Depuis son élection, le président américain Biden a tenté d’avoir la main sur les nouveaux maîtres de l’économie : Google, Apple, Microsoft, Facebook et Amazon (les bénéfices réalisés par les trois premiers au cours du deuxième trimestre 2021 a atteint un record de 57 milliards de dollars ($), soit 1,5 fois le PIB annuel de la Tunisie.
Mais, la seule raison qui l’a amené à faire machine arrière, du moins à réfléchir encore, est la déclaration de Jeff Bezos, le patron d’Amazon selon lequel il ne doit exister aucune limite aux affaires (le ciel n’est pas la limite – “the sky is not the limit”) et que toute intervention de l’Etat favoriserait la domination de la Chine dans leur secteur des technologies.
De son côté, la Chine s’est mise à prendre la main sur plusieurs secteurs (technologie, éducation, …) en décidant qu’il ne pouvait plus y avoir d’actionnaires étrangers dans ces branches d’activités.
Monsieur le président, votre décision du 25 juillet 2021 était salutaire pour l’avenir du pays. Elle a fait renaître une lueur d’espoir chez les jeunes et moins jeunes, mais le vieil adage dit que lorsque l’économie va tout va. A l’instar de l’état-major de la sécurité dont vous vous étiez doté, il est urgent également de vous doter d’un état-major de l’économie afin de réussir ce que vous avez amorcé ce 25 juillet.
Mohamed Ali Daoues
Ancien gouverneur de la BCT