Une des décisions que la coalition parlementaire majoritaire – composée des partis Ennahdha, Qalb Tounès et Al-Karama – craint le plus consiste en l’examen par la justice, et ce depuis deux semaines, de plusieurs dossiers en lien avec des “contrats de lobbying” contractés lors des élections législatives de 2019 et dans lesquels ces partis et l’association Aich Tounsi seraient impliqués.
Abou SARRA
La Coalition au pouvoir dont l’activité est actuellement suspendue par l’effet de l’activation par le chef de l’Etat de l’article 80 de la Constitution, pour des raisons majeures, risque de perdre, légalement, certains de ses députés, et ce pour peu que la justice prononce un verdict invalidant les résultats des listes électorales de 2019.
L’argent sale en cause
Pour mémoire, les infractions commises par ces partis politiques pendant des législatives de 2019 ont été révélées le 10 novembre 2020, lors d’une conférence de presse tenue par la Cour des comptes.
Ces infractions sont du reste consignées dans un rapport de 300 pages disponible sur le site de cette institution (Cour des comptes).
Dans ce document présenté à l’époque par Néjib Ketari (premier président de la Cour des comptes) et Fadhila Gargouri (juge), la Cour signale tous les dysfonctionnements constatés par les contrôleurs, plus particulièrement concernant «l’argent étranger» qui aurait servi pour que les sièges du Parlement soient remportés frauduleusement.
Globalement, dans ce rapport, la Cour des comptes a énuméré les moyens détournés auxquels ont recouru Ennahdha (52 sièges), Qalb Tounès (38 sièges) et Aich Tounsi (un siège remporté par Olfa Terras) en engageant des sociétés étrangères de lobbying à coups de plusieurs centaines de milliers de dollars pour mobiliser un appui étranger.
L’objectif était de faire en sorte que cet appui puisse impacter, en leur faveur, les résultats des législatives.
Montant des contrats de lobbying
Par les chiffres, les contrats de lobbying signalés dans le rapport de la Cour des comptes font état, pour le cas de Nabil Karoui (président du parti Qalb Tounès), d’un contrat de l’ordre de 2,85 millions de dinars – au nom de son épouse – avec une société étrangère.
De son côté, Ennahdha a conclu, depuis 2014, un contrat avec une société étrangère et lui a réglé la somme de 187 215 dollars.
Quant à l’Association Aich Tounsi, elle a conclu un contrat d’une valeur de 15 000 dollars avec une partie étrangère.
La question qui se pose dès lors est de savoir ce que prévoit la loi électorale pour sanctionner ces infractions vérifiées, sinon la Cour des comptes, connue pour son sérieux, ne se serait pas aventurée pour les rendre à la portée du grand public.
L’article 163 du Code électoral, l’arme fatale ?
C’est l’article 163 du Code électoral qui pourrait être accablant pour les parties qui ont enfreint la loi. Il leur serait même fatal, puisqu’il stipule que « tous les membres élus d’une liste électorale qui a reçu un financement étranger pour sa campagne sont, automatiquement, éjectés du Parlement ».
En plus clair encore, si la justice, particulièrement la Cour de cassation, valide les révélations de la Cour des comptes, quelque 90 députés des listes électorales d’Ennahdha, de Qalb Tounes et de Aïch Tounsi seront priés de quitter non seulement le Parlement mais aussi de rendre des comptes, individuellement, à la justice.
Conséquence : si ce scénario se réalise, le Parlement sera d’office dissous et des législatives anticipées convoquées. Le tout dans le cadre de la légalité la plus totale.
Au nombre des effets collatéraux d’un tel scénario figure la dissolution de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) qui aurait fermé les yeux sur ses graves infractions et contribué ainsi à la fraude électorale.