La pandémie de Covid-19 provoque une suite de crises, qui suivent chaque vague du virus. En Tunisie comme par ailleurs dans le monde, la crise se déclenche en 3 temps de manière immuable. 

La première crise est caractérisée par l’explosion du nombre de contaminations, ce qui donne un afflux énorme au niveau des urgences et de l’admission dans les centres hospitaliers.

On note donc une forte demande sur les lits que ce soit en hospitalisation ou en réanimation. Et très vite la capacité en lits se trouve dépassée avec son cortège de refus d’admission, ou une admission bâclée, sur des lits de fortune, dans les couloirs, ou carrément à l’air libre.

Pratiquement tous les pays du monde ont connu ce paysage, y compris les plus nantis comme la France, l’Allemagne et même les États-Unis d’Amérique.

Au bout de 2 semaines, la crise se déplace au niveau des lits de réanimation, car plusieurs personnes hospitalisées voient leur état de santé se dégrader, ce qui cause un afflux vers les services de réanimation et une augmentation de la mortalité.

Cette deuxième phase se caractérise par la saturation des lits en réanimation et par le déclin de la qualité des soins. Pour la simple raison qu’on peut augmenter le nombre de lits mais pas le nombre du personnel médical et particulièrement les médecins réanimateurs. Ce qui expliquerait en partie l’augmentation de la mortalité.

La 3 semaine se caractérise par une nouvelle crise qui se déclenche, car conjointement le nombre de personnes hospitalisées ou en réanimation augmente, ce qui provoque une sur consommation de l’oxygène et par voie de conséquence des ruptures cycliques. Et des paniques aussi bien du personnel soignant que des proches du malade.

Afin de comprendre pourquoi cette crise d’oxygène, je vous livre quelques données qui vous permettront de mieux cerner le pourquoi.

Premier producteur d’oxygène au Maghreb

La Tunisie compte 2 industriels pour la fabrication d’oxygène, et ce pour une consommation journalière hors Covid-19 de 100 000 litres.

Il faut comprendre que la production d’oxygène de la Tunisie dépasse et de loin celle du Maroc, d’Algérie ou de la Libye, pour la simple raison que la Tunisie est la première destination du tourisme médical en Afrique.

Juste une petite idée du poids de ce tourisme. En 2020 et pendant une année de crise caractérisée par la fermeture des frontières, la Tunisie a accueilli 500 000 patients dans le secteur privé, venant de l’étranger. Ce qui génère un chiffre d’affaires représentant, en pourcentage, 11 % du PIB, et en valeur l’équivalent du secteur des phosphates et du pétrole.

Or, avec la nouvelle donne de l’épidémie de Covid-19, la consommation journalière en oxygène triple voire se multiple parfois par un facteur de 6.

La consommation journalière au 18 juillet 2021 par exemple serait de l’ordre de 240 000 litres par jour, ce qui donne un déficit journalier de 140 000 litres par jour. Sachant qu’il s’agit d’une situation passagère et non structurelle. 

Deux solutions…

Pour pallier à ce déficit, il y a 2 solutions : soit des concentrateurs industriels dans les hôpitaux, cliniques et autres centres de soins, soit des concentrateurs d’oxygène individuels à domicile ou en hôpital.

Il existe en Tunisie 15 entreprises qui mettent en location des concentrateurs d’oxygène, à raison d’un prix pondéré de 75 DT TTC par jour. Et on note une rupture de l’offre de location ces derniers jours.

Toutefois, sur la toile on peut toujours acheter ou louer des concentrateurs neufs ou usagers et il y a même un marché noir qui se développe depuis une année, face à une offre structurée dépassée.

Plusieurs concentrateurs sont importés illégalement d’Algérie dans le marché parallèle et certains ne sont pas conformes aux normes. Et ce qu’il faut savoir c’est qu’un concentrateur d’oxygène certifié a un taux de productivité d’oxygène qui dépasse les 95 %, alors que pour certains appareils importés illégalement ce taux baisse autour de 50 %, ce qui expose la vie du malade au danger de saturation.

L’égoïsme des Tunisiens…

Il faudra aussi noter 2 points. Le premier a trait au fait que les personnes qui louent des appareils ne veulent plus les rendre et prolongent de ce fait la location, même en cas de non utilisation, et ce pour parer à une éventuelle maladie d’un membre de la famille, ce qui montre l’égoïsme de plusieurs Tunisiens.

Le deuxième point, c’est que les entreprises de vente ou location des appareils ne veulent pas se lancer dans de grandes opérations d’achat en équipements ou en investissement lourds, parce qu’elles considèrent qu’il agit d’une crise passagère et dont la rentabilité à moyen et long termes n’est pas au rendez-vous.

Le dernier problème qui aggrave la crise d’oxygène, c’est la capacité de stockage faible des hôpitaux et des cliniques, car elle est dimensionnée pour un usage normal hors Covid-19. Ce qui oblige les établissements à une opération d’approvisionnement en flux tendu, avec des risques de rupture, d’où les cris de détresse des directeurs et des responsable de centres hospitaliers. Et il s’agit beaucoup plus d’un problème de logistique que de production.

Maarouf