L’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) aurait rejeté le recours déposé, le 19 juillet 2021, par l’opposition en vue de protester contre l’inconstitutionnalité de la loi de relance économique adoptée une semaine plus tôt (le 12 juillet 2021) par l’Assemblée des représentants (ARP).
Abou SARRA
Reproduite par plusieurs médias, l’information sur la validation de cette loi par l’IPCCPL – non encore confirmée officiellement – a été fournie par Samia Abbou, députée du parti Attayar.
Dans une déclaration accordée à un média de la place, Leila Chikhaoui, membre de l’IPCCPL a démenti cette information, avec une certaine nuance. Plus exactement, elle a indiqué que l’Instance « n’a ni infirmé ni confirmé la constitutionnalité du projet de loi de relance économique ».
Cette loi a peu de chances d’être ratifiée
Elle a ajouté que « la décision, qui sera prochainement publiée dans le JORT, prend en compte les mesures exceptionnelles » (entendre par-là l’activation de l’article 80 de la Constitution et son corollaire, le gel des activités du Parlement).
Dans tous les cas, selon la procédure en vigueur, si l’IPCCPL confirme l’inconstitutionnalité de cette loi, elle doit transférer le texte accompagné de sa décision au président de la République. Ce dernier le transmettra, par la suite, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en vue de son amendement, un scénario presque impossible au regard de l’évolution des choses. Et si le texte de cette loi est conforme à la Constitution, il sera également transmis au président de la République qui peut, soit le ratifier soit le rejeter.
Logiquement, adoptée en période de démobilisation totale (vacances estivales), dans un contexte sanitaire dramatique (Covid-19), et dans une conjoncture marquée par une forte animosité entre la présidence de la République et le Parlement, cette loi a peu de chances d’être promulguée par le chef de l’Etat. Ce scénario est probable d’autant plus que le chef de l’Etat a martelé à maintes reprises qu’il n’y aura jamais un retour en arrière.
Mais que dit cette loi ?
La loi sur la relance économique, qui touche à plusieurs domaines (change, fiscalité, infractions douanières, secteur informel, logement, entreprises affectées par la pandémie du corona virus…), a suscité lors de son adoption une vive polémique.
Si elle a été bien accueillie par certains acteurs économiques (…), cela n’a pas été le cas pour d’autres. C’est le cas l’opposition au Parlement et des monétaristes.
En effet, l’opposition estime que cette loi, adoptée à la faveur de la disponibilité, au sein de l’Assemblée d’une majorité parlementaire favorable, sert plus les contrebandiers et les personnes en fraude de fisc et de change. La Banque centrale de Tunisie (BCT), concernée par le volet « amnistie de change » de ladite loi, l’a carrément rejetée.
Lire aussi : Projet de loi sur la relance de l’économie : La BCT en alerte sur les graves conséquences de cette loi
Officiellement, la loi initiée par l’ex-ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Ali Kooli, a pour objectifs : redresser l’économie, attirer les investisseurs, alléger la pression fiscale et intégrer le secteur informel.
Concernant le foncier et l’immobilier, la loi prévoit trois mesures : la possibilité de réévaluer des terrains et constructions, l’opportunité pour tout Tunisien d’acheter, une fois dans sa vie, un logement d’un montant maximum de 500 000 dinars sans autofinancement moyennant un taux fixe bonifié (3%) sur une durée maximale de 40 ans, allègement de la pression fiscale sur les logements construits par les promoteurs immobiliers.
S’agissant de l’offshore, la loi autorise la déduction d’impôts les bénéfices et les revenus réinvestis dans le capital des entreprises totalement exportatrices.
La loi autorise également la régularisation des infractions à la réglementation de change, l’assouplissement des procédures de détention des comptes en devise pour tous les Tunisiens (sous conditions).
Elle comporte aussi un volet consacré au traitement des infractions douanières et de change, visant principalement à soutenir l’intégration du secteur informel dans l’économie formelle et à faciliter le rapatriement des capitaux, ce qui pourrait soulager la balance des paiements.
Au rayon du fisc, la nouvelle législation habilite les services de l’administration fiscale à octroyer d’office des immatriculations fiscales, à réduire la période de vérification fiscale approfondie basée sur la comptabilité de 6 mois à 4 mois et à mettre en place une plateforme électronique destinée à l’hébergement des certificats de retenue à la source. L’ultime objectif de l’ensemble de ces mesures étant de renflouer les recettes fiscales de l’Etat.
En ce qui concerne la dématérialisation de la monnaie et la réduction de la circulation du cash dans le secteur informel, la loi prévoit trois mesures : suppression de la possibilité d’achat et de vente d’immeubles et de véhicules avec paiement en cash, baisse du seuil maximum des paiements en espèces à 3 000 dinars et régularisation des infractions fiscales relatives aux revenus non déclarés dont la détention de cash.
Pour les entreprises affectées par la pandémie de Covid-9, la loi institue la mise en place d’une ligne de 3 milliards de dinars pour le financement des entreprises touchées. Les aides seront allouées sous forme de prêts garantis par l’Etat, à un taux de 3% et un délai de grâce de 2 ans.
Et comme un cheveu dans la soupe, la loi comporte un article encourageant les entreprises à financer les dépenses relatives à la recherche et au développement.
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