L’Egypte et la Tunisie ont la même notation souveraine, avec une seule différence : l’Egypte peut lever des fonds à l’international dont les taux d’intérêt ne dépassent pas les 3 à 4%, contre 12% pour la Tunisie.
Alors question : qu’est-ce qui explique cette différence ? Il ne s’agit malheureusement pas d’un a priori démocratique ou de la prépondérance des droits de l’Homme dans l’absolu sur les impératifs économiques comme se plaisent à ressasser tout le temps les grandes démocraties du monde.
La première raison est bien évidemment la visibilité et un climat d’affaires propice à l’investissement. En Egypte, il y a un pouvoir central qui planifie et décide, et un gouvernement qui gère la chose économique. Les acteurs économiques sont identifiés, les exécutants aussi.
Le secteur public (lire ici) en Egypte occupe une place prépondérante dans l’économie, représentant 31% de l’activité et 56% des investissements (tous secteurs publics confondus). L’Armée est un acteur économique important, y compris dans le domaine civil.
Par ailleurs, l’inclusion du secteur informel, qui représente 50% de l’emploi total est assez significative dans l’augmentation du PIB.
En Tunisie, rien de cela n’a été fait. Aucune visibilité, seules sont visibles – et risibles tant elles sont absurdes et irréalisables – des déclarations qui ne rassurent aucun acteur économique sur place, qu’il s’agisse d’opérateurs publics ou privés. Une ambiance morose s’en suit avec une perte de confiance des citoyens dans le système.
Il a fallu 10 années de destruction massive de l’image des créateurs de richesses et des compétences nationales pour en arriver là .
Le président de la République, qui vient de désigner une femme pour former le prochain gouvernement, a donné un signal positif. Reste aujourd’hui – et c’est plus important que tout – le courage de décider, une feuille de route comprenant un plan d’action à moyen et long termes et surtout un plan de réformes pour convaincre les bailleurs de fonds internationaux.
Dans son dernier communiqué, la BCT a « réitéré ses profondes préoccupations face à la situation financière actuelle critique, soulignant la nécessité d’accélérer la transmission des signaux clairs aux investisseurs locaux et étrangers quant au rétablissement du rythme de l’activité économique et des équilibres globaux et financiers, la consolidation de la gouvernance du secteur public, l’amélioration du climat des affaires et l’intensification des efforts d’investissement ».
C’est la première fois que la BCT se montre alarmiste quant à la situation économique du pays.
Il faut espérer que les vœux de la BCT pour une relance rapide ne restent pas des vœux pieux et que dès l’annonce de son gouvernement, Najla Bouden Romdhane s’attaquera aux dossiers sérieux et surtout osera prendre les décisions qui s’imposent pour redynamiser l’économie.
Décisions qui doivent améliorer le climat d’affaires dans toutes ses dimensions, pousser vers « l’affranchissement » des grands projets publics en suspens et la réactivation des lignes financières bloquées par des procédures administratives titanesques.
Il s’agit aussi d’œuvrer à réduire les déficits énormes des entreprises publiques dont une grande partie menacée de faillite, redonner à la valeur travail ses lettres de noblesses et assurer une paix sociale qui doit s’étaler sur au moins 3 années.
La réconciliation pénale avec les acteurs économiques prônée par le président de la République est un bon signal adressé aux opérateurs privés, sauf que malgré la noblesse de l’idée, sa réalisation sera difficile au vu des conditions de mise en œuvre présentées par Kais Saied.
La relance de l’économie ne se limite pas à la construction d’une école primaire ou d’un petit dispensaire dans une petite délégation reculée. La relance économique passe par le redémarrage des grands projets, vecteurs importants de l’économie nationale et moteur de création d’emplois et la dynamisation du secteur privé. Il est important pour la Tunisie d’appuyer les partenariats entre secteurs privé et public pour développer des projets structurants qui peuvent profiter à toutes les régions du pays.
On s’attend à ce que, dans les quelques heures qui suivent, le gouvernement Bouden soit annoncé. Le fait que le seul vis-à -vis du nouveau Premier ministre soit le président de la République facilitera des prises de décisions rapides. L’adhésion des partenaires sociaux, UGTT et UTICA, à tout plan de relance économique est aussi importante.
Dans l’attente, les indicateurs positifs, telle la reprise de la production des hydrocarbures ou encore le rétablissement progressif du secteur des phosphates ne pourront pas aider à boucler le budget 2021 et un déficit de 8 à 9 milliards de dinars, à endiguer l’endettement de l’Etat ou encore à rassurer les bailleurs de fonds internationaux.
Il faut aujourd’hui et rapidement mettre en place un programme qui conforte les instances internationales.
Deux priorités : un plan de réforme réalisable et une rapide reprise du travail.
Amel Belhadj Ali