« Nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leur propre histoire, ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, de certaines visions intrinsèquement liées à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident. Soit la couverture idéologique utilisée pour faire passer le crime contre l’humanité qu’a été la colonisation de l’Algérie, du Mali et de tous les peuples africains », a déclaré Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, lors d’une visite récente au Mali.
Entre la France et le Mali, la tension n’a pas baissé depuis les déclarations du président français qui avait récemment appelé à ce que « l’Etat revienne, avec sa justice, son éducation, sa police partout au Mali, où des pans entiers du territoire restent livrés à eux-mêmes face aux djihadistes, aux tensions intercommunautaires et aux trafics ».
Le Mali a immédiatement convoqué son ambassadeur, et l’Algérie, choquée elle-même par les propos tenus par le président français et rapportés par le journal Le Monde, s’est rangée aux côtés de son voisin malien.
Emmanuel Macron avait exprimé des doutes quant à l’existence même d’une nation algérienne avant l’occupation française, déclarant : « la construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question…».
Une déclaration très peu diplomatique provenant d’un chef d’Etat qui, parlant de l’Algérie, avait déclaré au mois de mars 2021 qu’aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté et que le travail sur les archives relatant les temps de l’occupation française de l’Algérie sera prolongé et approfondi pour avancer vers l’apaisement et la réconciliation des mémoires. En guise d’apaisement, le président français a mis le feu au poudre suscitant une grande tension dans des relations qui n’ont jamais été sereines.
L’Algérie a d’ailleurs riposté en interdisant son espace aérien aux avions militaires français.
D’après le journal électronique algérien TSA, une source proche des centres de décision algériens aurait affirmé que le gouvernement algérien procèdera à une évaluation minutieuse des relations économiques et commerciales avec la France au terme de laquelle il pourrait réorienter « certains flux vers d’autres partenaires plus prévisibles, plus conséquents et surtout plus soucieux de l’égalité souveraine des nations ».
Ramtane Lamamra avait, lors de sa visite au Mali, insisté sur la nécessité d’un processus de décolonisation réelle pour mettre fin à la « faillite mémorielle » intergénérationnelle que trahissent les propos tenus à l’encontre de l’Algérie et du Mali. Il a souligné l’importance de partenariats fondés sur une base de stricte égalité et un respect mutuel inconditionnel. « Dans les relations entre Etats, il y a une logique de donner et de recevoir, il n’y a pas de cadeau et d’offrandes à sens unique ».
L’Afrique, indique Lamamra, est le berceau de l’humanité mais aussi le tombeau du colonialisme et du racisme.
Emmanuel Macron prône aujourd’hui l’apaisement dans les relations avec l’Algérie. Ses récentes déclarations à l’encontre de l’Algérie ou du Mali seraient-elles dictées par un impératif électoraliste dans une campagne présidentielle qui commence tôt et où l’extrême droite se trouve bien positionnée dans les sondages ?
Et si tel est le cas, le jeu en vaut-il la chandelle au vu des enjeux économiques importants entre la France et l’Afrique ?
A.B.A