Le professeur de droit constitutionnel, Slim Laghmani, a estimé que la souveraineté du peuple a été évoquée dans le décret présidentiel n°2021-117 relatif aux mesures exceptionnelles pour légitimer le non-respect de la Constitution dans son volet relatif au référendum, étant le mécanisme d’exercice de la souveraineté du peuple.
Laghmani s’exprimait lors d’une conférence tenue vendredi 8 octobre 2021, à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, pour débattre sur le décret présidentiel en question. Cet évènement a été organisé par l’Association tunisienne de droit constitutionnel.
Selon lui, le président de la République, Kaïs Saïed, a utilisé le principe de la “souveraineté du peuple” comme prétexte pour sortir du cadre constitutionnel. Il s’est appuyé sur trois arguments : l’impossibilité pour le peuple, selon la Constitution actuelle, d’exercer sa souveraineté, le rejet, exprimé à maintes reprises par le peuple, des mécanismes relatifs à l’exercice de sa souveraineté et la primauté de la volonté populaire sur les textes.
Ces arguments traduisent une volonté de consacrer un régime politique spécifique, a-t-il déclaré, créant un écart entre ce que rejette Kaïs Saïed dans le régime actuel et les attentes du peuple.
Selon lui, cette démarche ne peut en aucun cas justifier le recours à l’article 80 de la Constitution.
Intervenant pour expliquer la nature de l’état d’exception dans lequel se trouve le pays depuis le 25 juillet 2021, l’universitaire Salsabil Klibi a indiqué que l’institution de l’état d’exception en Tunisie est entachée de violations des dispositions de l’article 80 de la Constitution, qui prévoit le maintien du statu quo institutionnel.
L’interdiction de la dissolution du Parlement et du renvoi du gouvernement représente une garantie permettant de sortir de l’état d’exception vers “un retour à la normale”, a-t-elle expliqué.
Et d’ajouter: A travers le décret présidentiel 117, Saïed a dévoilé son intention d’introduire des réformes politiques et des amendements sur les lois régissant la vie politique en Tunisie, ce qui va à l’encontre de l’article 80 de la Constitution.
Klibi a indiqué qu’en vertu de l’article 80 de la Constitution, le président de la République dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour protéger l’Etat et la Constitution et non pas pour modifier les textes de loi régissant les règles du jeu de la vie politique.
Par ailleurs, l’universitaire a tenu à souligner que la Tunisie connaît deux états différents à savoir l’état d’exception décrétée le 25 juillet 2021 et l’état d’urgence qui a été reconduit, le 23 juillet 2021, pour six mois.
Ont pris part à cette table ronde plusieurs constitutionnalistes, dont notamment Sadok Belaïd, Saloua Hamrouni et Ikbel Ben Moussa.
Pour rappel, le président de la République Kaïs Saïed a décidé, le 25 juillet dernier, après concertation avec le président du parlement et le chef du gouvernement, l’activation de l’article 80 de la Constitution. Il en a découlé la suspension de toutes les activités parlementaires et la révocation du chef du gouvernement.
Le 24 août 2021, le chef de l’Etat a décidé la reconduction, jusqu’à nouvel ordre des mesures exceptionnelles. Il a annoncé, le 22 septembre, une série de nouvelles mesures parues dans le décret présidentiel n°2021-117.