Jeudi 14 octobre 2021 à 18 h (heure locale), la Commission du Congrès américain consacre une séance de travail sur la Tunisie post-25 juillet, dont les « dérives présidentielles » inquiètent, semble-t-il, les grandes puissances. Puissances qui n’ont pas été inquiétées par une décennie de corruption politique qui a gangrené toutes les institutions de l’Etat tunisien. Une décennie de pratiques mafieuses où des personnalités économiques, médiatiques et politiques ont été rackettées et soumises à des chantages indignes. L’objectif étant de les mettre sous la coupe des partis qui régnaient sur la chose politique en Tunisie, en prime Ennahdha.

La Commission s’adossera sur des témoignages provenant de l’Institut américain pour la paix, USIP (United States Institute of Peace), Amnesty International Tunisie et le rapport du sous-comité US Région MENA et de lutte contre le terrorisme (Commission des affaires étrangères) de la Chambre des représentants.

Pour l’USIP, la Tunisie a été depuis 2011 l’un des rares pays dans la région MENA où le multipartisme existe et un allié important des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, d’où l’importance de préserver les relations US avec lui. L’USIP reconnaît que bien avant la décision du président Kaïs Saïd de suspendre le Parlement le 25 juillet, la Tunisie était confrontée à de sérieux facteurs qui menaçaient de la déstabiliser et qui, à terme, menaçaient les intérêts américains. Il s’agit des mouvements extrémistes violents, de vagues migratoires dangereuses sur l’Europe et de risques de bouleversements sociaux dangereux au vu de la crise économique endémique que traverse le pays.

L’USIP rappelle que depuis 2011, les États-Unis ont réalisé plusieurs investissements stratégiques en Tunisie, notamment dans les domaines de la réforme de la sécurité et de la justice, dans l’assistance militaire, l’appui financier à la croissance économique, la gouvernance démocratique et l’aide aux organisations de la société civile.

Les accords « gelés » jusqu’à nouvel ordre

Avant le 25 juillet, les États-Unis s’apprêtaient à signer avec la Tunisie un accord important : le Millennium Challenge Corporation dont la valeur est de 500 millions de dollars, ce qui aurait permis de moderniser les ports tunisiens afin qu’ils répondent aux normes internationales.

Une garantie de prêt souverain de la part des Etats-Unis était également en préparation avant le 25 juillet. Tout est aujourd’hui en attente. La peur de voir le président tunisien devenir un despote semble inquiéter les autorités américaines, ceci bien que Kaïs Saïed ait, à maintes reprises, assuré, y compris dans le décret 117, que les droits de l’Homme ne sont pas menacés et que la loi sera respectée.

L’USIP conseille à la fin de son rapport de continuer à appuyer la Tunisie dans sa transition politique et économique tout en étant vigilant et en surveillant de près le processus démocratique.

L’USIP exprime par ailleurs son appréciation par rapport à la performance et l’efficacité des institutions sécuritaires tunisiennes dans la lutte contre l’extrémisme et la prévention des actes violents en Libye.

L’une des questions que le sous-comité US Région MENA traite aujourd’hui est de savoir « si les récents développements en Tunisie minent ou renforcent les arguments en faveur de l’aide et de l’engagement américains et si un changement dans les relations USA/Tunisie aura lieu ».  En fait, il n’y a aucune raison pour que les relations entre les deux pays soient sérieusement impactées par les décisions du président tunisien et le décret 117.

Sauf qu’il faut relever que les membres de la Commission du Congrès seraient fortement influencés par les lobbies des Frères musulmans très présents dans les sphères politiques américaines. Du coup, certains Congressmen pourraient eux-mêmes devenir des “avocats du diable“.

Le président tunisien et son gouvernement sont dans l’obligation aujourd’hui de présenter au peuple tunisien et au monde une feuille de route claire, un plan réaliste et réalisable pour la relance économique et une vision politique rassurante.

Toutefois, il faut remarquer que malgré ses discours populistes et son ton inquisitoire, le diable en Tunisie n’est pas Kaïs Saïed, mais ce sont des diables et ce sont ceux qui ont mené le pays vers sa ruine. Ce sont des partis qui ont fragilisé les institutions et dont la voracité des dirigeants, des partisans et des alliés ont appauvri l’Etat et mis à mal ses équilibres financiers.

Pour conclure, nous ne le dirons jamais assez : la première préoccupation des Etats-Unis est la préservation de leurs intérêts dans la région, et à ce jour, la Tunisie considère les USA comme un allié majeur. Les deux pays, dont les relations datent de 1865, ne peuvent être rompus par des campagnes hideuses visant l’interventionnisme dans les affaires internes de la Tunisie.

Les Etats-Unis ont toujours été soucieux de leur souveraineté, quoi de plus naturel pour eux que de respecter la souveraineté des autres pays ?

A.B.A