Les “Marchés de gros“ sur le territoire national approvisionnent les vendeurs du détail, les souks et les marchés municipaux, mais à hauteur de 30% seulement. Contrôle sanitaire et traçabilité ne concernent pas les 70% restants des denrées et produits écoulés sur le territoire national. Du coup, on ne parle plus de protection des consommateurs et de garantie d’aliments salubres et de qualité.
Qui approvisionne les marchés municipaux, puisque de toute évidence ce sont ceux à travers lesquels on écoule les 70% provenant des circuits parallèles ?
Ce ne sont certainement pas les petits agriculteurs, puisque l’UTAP, qui aurait dû penser à aménager des silos de stockage et des centres de distribution pour les petits agriculteurs à travers des mutuelles, a failli à sa mission de les protéger, eux et les consommateurs.
Aujourd’hui, des réseaux de distribution informels se fournissent illico auprès des agriculteurs légaux. Ils sont nantis de grands moyens, depuis les gros camions jusqu’à l’accès direct aux marchés municipaux en passant par les entrepôts frigorifiques. C’est ainsi que les spéculateurs trouvent leurs comptes.
Comment cerner les responsabilités des uns et des autres, l’enjeu étant la santé des consommateurs et la salubrité des aliments vendus ?
De quels moyens dispose-t-on pour préserver le pouvoir d’achat et comment identifier les circuits informels qui échappent à tout contrôle et à toute surveillance ?
Pour le ministère du Commerce, il faut impliquer nombre d’administrations publiques dans les opérations de contrôle des circuits de distribution et des centres de stockages. L’API, l’APIA, la STEG, les grandes surfaces ainsi que le ministère du Transport sont autant concernés. Factures électriques des sites énergivores, cartes grises de gros camions, patentes ou contrats de leasing sont autant de documents qui peuvent permettre un recoupement à même de faciliter l’identification de tous les intervenants, de l’agriculteur au marché municipal.
Le département du Commerce avait sommé, en août dernier, les personnes physiques et morales exploitant des entrepôts frigorifiques de s’inscrire sur la plateforme de contrôle informatique, ce qui permettrait de suivre le déroulement des activités des entrepôts frigorifiques. L’application a l’avantage de pourvoir suivre les mouvements des transactions relatives aux produits stockés et distribués en temps réel.
Mais à ce jour, seuls 447 des 1 500 propriétaires d’entrepôts frigorifiques ont intégré la plateforme. Le ministère, qui s’est montré tolérant à ce jour, prévient que d’ici peu tout exercice informel d’activité de stockage sans autorisation et déclaration via l’application exposera son auteur à des poursuites judiciaires et menace de saisir les marchandises stockées.
Les marchandises issues des circuits informels sont écoulées sur les marchés municipaux !
Le ministère du Commerce vient de finaliser un document comprenant son plan d’action pour la période 2021/2025, lequel prévoit, entre autres, d’impliquer, avec plus de fermeté, les municipalités dans le processus de régulation des marchés. Nombreuses sont les municipalités plus soucieuses de fidéliser les futurs électeurs que de préserver la santé des citoyens et leurs droits à des marchés municipaux organisés et salubres. Leurs administrations ne s’investissent plus dans le prélèvement des taxes, directes et indirectes. Du coup, on ne rénove pas les marchés existants et on n’aménage pas de nouveaux espaces répartis dans le respect des normes en vigueur. Les étals anarchiques s’étendent jusqu’à dans les rues, occupant les voieries dont certains vendent le m2 à 10 dinars et plus au vu et au su des agents municipaux et de la police environnementale.
Pire, c’est dans les marchés municipaux que les acteurs de la distribution informelle écoulent certaines marchandises d’origine inconnue pouvant représenter des menaces sérieuses pour la santé des consommateurs.
La logique électoraliste a prévalu ces dernières années, reléguant qualité des produits écoulés, santé et bien-être des citoyens à l’arrière-plan, et laissant libre voie à tous les abus – prix, occupation chaotique des lieux, etc.
Les efforts du ministère du Commerce sont aujourd’hui orientés vers la réhabilitation des circuits de distribution et démantèlement des chaînes de valeur de filières et de produits tels les poissons, les huiles végétales, les viandes rouges et les conserves en vue de déceler les possibilités de pression sur les coûts et de contrôler les prix finaux destinés à la consommation.
Aux dernières nouvelles et d’après l’INS (Institut national de la statistique), les prix à la consommation en septembre 2021 ont augmenté de 0,6% après une stabilité en août. Une hausse due essentiellement au renchérissement des prix de l’alimentation de 1,3%.
A titre d’exemple, les prix des volailles ont augmenté de 8,1%, de 2,2% pour l’huile d’olive, de 1,7% pour les fruits frais, 1,6% pour les poissons frais, et de 1,3% pour les légumes frais.
D’où l’importance du plan d’action du ministère du Commerce visant à agir sur toute la chaîne de valeurs des produits alimentaires pour réduire les coûts de production et baisser le prix de vente final.
La mise en œuvre de ce plan vient tout juste de commencer.
A.B.A