La polémique sur le refus de la STEG de raccorder une station photovoltaïque à Tataouine à son réseau, fin prête depuis juin 2020, refait surface ces derniers jours, et vient aggraver, par l’effet de l’annonce de sa résurgence, le retard de la Tunisie en matière d’attraction d’investisseurs étrangers intéressés par les énergies vertes.
Abou SARRA
Au même moment, des pays concurrents comme le Maroc et l’Egypte avancent à grandes enjambées en la matière et réalisent des miracles dans ce domaine.
Pourtant, une déclaration optimiste faite récemment par Sami Ben Hamida, directeur commercial & marketing à la STEG, a suscité beaucoup d’espoir dans le milieu des investisseurs.
En effet, Ben Hamida a déclaré, vendredi 24 septembre 2021, que ce dossier sera résolu dans les jours qui viennent avec comme corollaire le raccordement de la station au réseau de la STEG.
Mieux, il a ajouté que cette solution a fait l’objet de discussions positives entre le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, et le PDG de la STEG, Hichem Anane.
Les syndicats s’opposent au raccordement
Réagissant à cette déclaration, la puissante Fédération générale de l’électricité et du gaz (FGEG) relevant de l’UGTT, qui s’est toujours opposée à ce raccordement sous prétexte que c’est un subterfuge pour entamer la privatisation de la STEG et la perte de milliers d’emplois, a démenti, dans les médias tout accord conclu dans ce sens.
Elle a rappelé, apparemment à l’intention de Taboubi, que la Commission administrative de la centrale s’était exprimée sur ce dossier et avalisé le refus dudit raccordement.
Globalement, pour justifier son attitude, la FGEG dit défendre les intérêts de la STEG. Elle trouve inadmissible que la production d’électricité par des privés, sa vente directe aux clients et son transport, gratis, par le réseau de la STEG même si cette dernière est le seul acheteur, est inacceptable. Elle réclame la révision de la loi de 2015 sur les énergies renouvelables et la prévention d’avantages substantiels pour le transport d’électricité par son réseau.
L’administration a perçu dans ce refus, par la voix de son ancien ministre de l’Energie, des Mines et de la Transition énergétique, de l’époque, le nahdhaoui Mongi Marzouk, « un acte de sabotage » qui vient entraver l’un des premiers projets d’énergie renouvelable. Elle a tablé sur l’avantage de la gratuité du transport de l’électricité produite à partir des énergies renouvelables pour attirer les investissements extérieurs et encourager la marche vers ce qu’elle appelle « la sécurité énergétique ».
Moralité : pour Mongi Marzouk, « la problématique du transport n’avait pas lieu d’être ».
Les pistes à explorer pour débloquer la situation
Dans la perspective de débloquer la situation et compte tenu des enjeux stratégiques que présentent les énergies renouvelables dans la réalisation de l’indépendance énergétique de la Tunisie, des bailleurs de fonds sont intervenus, chacun selon ses moyens, pour rapprocher les positions des syndicats et de l’administration.
A titre indicatif, la BERD a déroge à ses habitudes et décidé d’octroyer à une entreprise publique comme la STEG un prêt de 250 millions d’euros à la seule condition que cette dernière accepte de cohabiter avec des développeurs privés d’énergies vertes.
Pour leur part, le PNUD et la Banque mondiale ont proposé, par le biais d’un débat organisé dans le cadre de l’Economic Policy Dialogue (EPD) – séminaire dédié à l’examen de dossiers économiques tunisiens – un compromis en ce qui concerne la tarification du transport d’électricité à travers le réseau de la STEG. L’objectif étant d’opter pour « des tarifs raisonnables qui assureraient la rentabilité des projets sans pour autant faire supporter des surcoûts à la STEG.
L’EPD a également proposé des solutions à deux épineux problèmes rencontrés par les développeurs des énergies vertes, à savoir le stockage et l’intermittence.
Au nombre de ces solutions proposées figurent les stations de transfert d’énergies (STEP) pour lesquelles une étude-projet à Oued El Maleh d’une capacité de 400 à 500 MW est en cours de réalisation. Vient ensuite l’interconnexion électrique avec l’Europe qui serait une autre solution pour une meilleure intégration des énergies renouvelables. Il y a aussi le solaire à concentration (CSP) considéré comme une énergie pilotable grâce à son stockage thermique.
L’idéal demeure, cependant, d’opter pour la production de l’hydrogène (gaz) à partir des énergies renouvelables. Cette énergie stockable du futur et les perspectives de production risquent de mettre hors jeu les petits calculs des syndicats conservateurs.
Wait and see.
La Banque tuniso-koweitienne (BTK), qui s’apprête à se transformer entre autres en “banque verte“, est disposée, selon son président, Faouzi Elloumi, à financer tout projet de développement d’énergies vertes y compris les projets d’hydrogène.
Et pour ne rien oublier, un mot sur la centrale solaire à Tataouine. Elle est aménagée sur 20 hectares et a une capacité de production de dix mégawatts, pour un coût estimé à 25 millions de dinars. Le projet est réalisé par l’Entreprise d’hydrocarbures italienne (ENI) en partenariat avec l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP).