La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) vient de classer la Tunisie, sur le plan social, parmi les “pays à risque élevé“. Coface, spécialisée entre autres dans l’assurance crédit à l’exportation, et chargée de couvrir les risques d’insolvabilité, estime qu’un mouvement social de masse pourrait avoir lieu, prochainement, en Tunisie, et risquerait d’avoir des effets négatifs particulièrement prononcés et permanents sur les exportations.

Abou SARRA

Dans une étude intitulée « Nouvelle vague de mouvements sociaux post-pandémie : le commerce international en victime collatérale » et disponible sur le Net, Coface considère que « si les restrictions liées à la pandémie de la Covid-19 ont mis pendant un temps un coup d’arrêt à la recrudescence des mouvements sociaux, une nouvelle vague se profile désormais ».

A titre indicatif, la Compagnie relève qu’« en 2020, 88% des pays émergents ont vu leur niveau de risque associé aux pressions sociales augmenter. Il a notamment augmenté au sein de grands émergents asiatiques, comme la Malaisie, l’Inde, la Thaïlande ou les Philippines, mais aussi de certains pays du Maghreb, comme l’Algérie ou la Tunisie ».

Pour la Coface, la résurgence des contestations, principalement dans les pays émergents, devrait connaître un regain lié à la dégradation sans précédent des indicateurs socio-économiques.

Ces troubles sociaux auront des répercussions sur l’activité économique des pays émergents touchés, et notamment sur leur commerce extérieur.

Les facteurs de troubles

La compagnie explique cette résurgence des mouvements sociaux dans un pays comme la Tunisie par quatre facteurs : l’instabilité politique, la baisse de la confiance des agents économiques, la chute de l’activité industrielle et des services côté offre, ainsi que celle de la consommation côté demande.

Plus simplement, la hausse de la pression sociale s’explique, selon la Coface, par « la dégradation sans précédent des indicateurs socio-économiques dans l’écrasante majorité des pays analysés. En conséquence de la pandémie, les populations ont vu leurs niveaux de vie baisser, ce qui s’illustre par la chute du PIB par habitant, leur pouvoir d’achat se dégrader, comme en témoigne la hausse du chômage et de l’inflation, et les inégalités de revenu et de richesse se creuser ».

À cela s’ajoutent, en Tunisie particulièrement, un mécontentement grandissant face à la gestion de la crise sanitaire par les gouvernements et des restrictions des libertés civiles et politiques dans le contexte de crise parfois jugées abusives (passeport sanitaire).

Conséquence probable : l’ensemble de ces facteurs devrait impacter, d’après la Coface, le commerce extérieur, et en particulier les exportations qu’elle qualifie de potentielles «victimes collatérales».

Pour justifier leur thèse, les deux auteurs de cette étude, Samuel Adjutor et Ruben Nizard, économistes chez Coface, évoquent des cas précédents.  «Les expériences des précédentes épidémies ou pandémies montrent que les troubles sociaux font leur apparition, en moyenne, un an après les crises sanitaires », notent-ils.

Ils ajoutent que « cette résurgence du mécontentement social s’explique par les effets socio-économiques dévastateurs de ces crises. La magnitude de ceux engendrés par le Covid-19 étant sans égal, l’ampleur de la vague de mouvements sociaux qui s’annonce promet de l’être également. En effet, jamais le risque social et politique, mesuré par la Coface, n’a été aussi élevé au niveau mondial. En 2020, il a atteint un record de 51% au niveau mondial et de 55% dans les pays émergents », disent-t-ils.

Tout dépendra de la nature des revendications

Néanmoins, dans son analyse de l’impact de l’éventuelle résurgence de ces pressions sociales, la Coface évoque d’importantes nuances en ce sens où plusieurs facteurs peuvent amplifier ou limiter les effets sur les exportations. « Tout dépendra de la persistance, de l’intensité et de la nature politique ou socioéconomique des revendications des mouvements », relève la Compagnie d’assurance.

A ce sujet, la Coface prévoit deux scénarios : les mouvements dont les revendications sont purement politiques ont des effets transitoires et moins élevés sur les exportations et les importations.

Les manifestations qui intègrent des revendications socio-économiques, et qui ont donc le plus de chance d’émerger après la pandémie, ont des effets plus durables et plus sévères.

Pour toute l’année, la Coface prévoit une reprise mitigée

 

Pour les autres secteurs, dans un autre rapport antécédent, la Coface estime que « 2021 devrait amener une reprise significative, mais sans commune mesure avec la chute d’activité enregistrée l’année précédente ».

Dans le détail, on y lit : « la consommation des ménages (70% du PIB), déjà faiblarde, a été très affectée par la hausse du chômage et la baisse des revenus. Elle devrait reprendre modestement en 2021.

Les services commerciaux (près de 50% du PIB) seront à son image, au premier rang desquels le tourisme.

La chute en 2020 de 60% de ses recettes, qui concourent pour 14% au PIB et à l’emploi, ne devrait s’effacer que marginalement, ce qui dépendra, en tout état de cause, du contrôle de la pandémie. Hébergement et restauration, mais aussi transport et artisanat continueront donc de souffrir.

Les industries manufacturières (16% du PIB), avec notamment le textile, la confection, et les pièces automobiles et aéronautiques devraient progresser avec la demande européenne.

Par contre, les autres industries (hydrocarbures, phosphates et engrais dérivés, plâtre) pourraient encore souffrir de grèves et de blocages, comme en 2020, lorsque la production de pétrole et gaz a baissé de 8%. Cependant, les cours du pétrole en hausse, et la fermeté de ceux des engrais profiteront aux recettes d’exportation.

Plus largement, les exportations, passées de 50% à environ 40% du PIB entre 2019 et 2020, devront surtout leur embellie aux marchandises, même si la réouverture de la frontière avec la Libye en novembre 2020 aura un impact favorable sur le tourisme, notamment médical ».