Le Goethe-Institut Tunis invite à découvrir une exposition hors du commun qui se déroulera au jardin des plantes, au Parc du Belvédère. Elle s’intitule “Effet de serre” par l’artiste Farah Khelil et curatée par Clelia Coussonnet.
Du 30 octobre au 30 décembre 2021, de 10h à 17h, en entrée libre et gratuite, le public aura l’occasion de visiter l’espace dans lequel l’artiste interroge la définition de l’œuvre d’art, la place de l’artiste et les structures d’exposition, en s’appuyant sur l’histoire botanique de l’eucalyptus et du palmier, ainsi que sur des recherches sur le Palmarium de Tunis et son architecture.
Lors de l’ouverture de l’exposition samedi 30 octobre, une présentation du projet se fera par l’artiste Farah Khelil et la curatrice Clelia Coussonnet à 15h.
Endémiques d’Australie, les eucalyptus ont été importés aux quatre coins du globe à l’époque impériale, puis coloniale. La circulation de ces plantes a profondément bouleversé la physionomie de nombreux paysages en affectant les écosystèmes où ils étaient implantés. C’est en 2012 que cela saute aux yeux de Farah Khelil.
Dans les mois qui suivent la Révolution tunisienne, penchée activement sur l’actualité, mais à distance, elle lit notamment Orphelins de Bourguiba et héritiers du Prophète (2012) de Samy Ghorbal où l’auteur revient sur la dualité entre tradition et modernité, exprimant, dans sa conclusion, la tension entre ces deux notions à travers une analogie botanique originale.
D’une part, il évoque le palmier, arbre symbolique de la tradition coranique, de l’autre, l’eucalyptus, symbole de l’empreinte des colons. La plupart des milieux naturels apparaissent en réalité dessinés par l’action humaine.
Combien de strates historiques l’étude de la flore pourrait révéler ?
C’est en partant de ce constat que Farah Khelil se penche sur la présence des eucalyptus en Tunisie, cherchant ce qu’ils dévoilent du pays, de son passé colonial et de son approche de la modernité après l’indépendance.
Par le prisme botanique et du vivant, puis le dépassant, elle interroge ce qui est pris pour acquis, et fouille des archives convoquant le patrimoine architectural de Tunis à travers l’étude du Palmarium. Détournant une serre horticole dans le Parc du Belvédère, elle propose d’examiner les mécanismes de monstration occidentaux.
La superposition, l’oscillation entre visible et invisible deviennent des composantes clés du projet. Farah Khelil réalise que peu de recherches ont été effectuées sur le Palmarium et espère inciter des chercheurs à les entreprendre, d’autant qu’ayant constamment changé d’architecture au siècle dernier, son destin reflète l’évolution socio-politique du pays.
Sa quête sur le Palmarium vient flirter avec le spéculatif et la réinvention. Elle occupe le silence par touches minimes observant comment l’imaginaire et le regard s’emparent du réel, ou de l’historique, pour en faire autre chose. Sans porter de discours politique affiché, son projet explore la notion de possible, montrant que les choses sont rarement figées et plutôt en train de se faire.
Avec “Effet de Serre”, l’artiste sort des structures d’exposition et réinvente une autre expérience de rencontre avec ses œuvres, s’interrogeant sur le rôle de l’artiste et la place du public.
Partant de la relation existante entre les palmiers et les serres botaniques qui les ont souvent accueilli dans des visées d’acclimatation ou d’ornementation, elle décide dans une esthétique du don de financer la restauration de la serre du Parc du Belvédère en espérant, qu’au-delà de la présentation de ses recherches et d’une publication, elle redynamise cette zone du parc.
“En effet, la serre devrait ensuite accueillir des ateliers pédagogiques organisés pour les jeunes autour de questions environnementales. Pas d’œuvre pérenne, ni de sculpture portant une plaque ou indiquant le passage de l’artiste dans l’espace public une fois que tout sera terminé. L’éphémère et le durable s’entrecroisent avec poésie et humilité”, note Clelia Coussonnet.