Cents experts indépendants en matière de science et de politique du tabac et de la nicotine ont rédigé une lettre pour demander instamment aux Parties à la CCLAT d’encourager l’OMS à supporter et promouvoir l’inclusion de la réduction des méfaits du tabac dans la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.
Les cigarettes et autres produits du tabac fumé sont responsables de la grande majorité des décès causés par le tabagisme dans le monde. Les produits à nicotine sans fumée offrent une voie prometteuse pour réduire les méfaits du tabagisme. Bien qu’ils restent très prudents quant à l’implication de l’industrie du tabac, ils proposent de considérer et de prendre en compte le vaste ensemble de preuves scientifiques prouvant la réduction des risques des diverses alternatives à la cigarette et de ne pas permettre qu’une prudence excessive ou des incertitudes résiduelles privent les fumeurs d’options prometteuses pour abandonner les produits combustibles dont la mortalité n’est plus à prouver.
Tenir compte de la possibilité de transformer le marché du tabac en passant des produits à haut risque aux produits à faible risque pourrait éviter des millions de décès liés au tabagisme.
Les sept points évoqués sont comme suit :
1- La réduction des méfaits du tabac présente d’importantes possibilités en matière de santé publique
Society for Research on Nicotine and Tobacco a rédigé un essai scientifique plaidant pour un rééquilibrage de la politique en matière de tabac afin d’exploiter les possibilités offertes par les produits à risque réduit. Les auteurs, qui comptent parmi les experts les plus crédibles au monde, s’attaquent à de nombreuses idées fausses concernant les risques pour la santé, l’effet d’escalade, la consommation par les jeunes et la dépendance. Depuis la COP8, les preuves ne cessent de s’accumuler en faveur du rôle que jouent les cigarettes électroniques dans la réduction du tabagisme.
2- Les cigarettes électroniques stimulent le sevrage tabagique
Les cigarettes électroniques à base de nicotine aident probablement les gens à arrêter de fumer pendant au moins six mois. Elles fonctionnent probablement mieux que les substituts nicotiniques et les cigarettes électroniques sans nicotine.
3- La réduction des méfaits du tabac peut contribuer aux objectifs de développement durable (ODD)
Bien que les produits du tabac chauffé créent une plus grande exposition aux substances toxiques que les cigarettes électroniques, les sachets de nicotine ou le tabac sans fumée, ces produits peuvent constituer une alternative à la cigarette conventionnelle plus acceptable et à risque réduit pour certains fumeurs.
4- Les principales évaluations réglementaires et l’expérience appuient les produits du tabac chauffé
La Food and Drug Administration a procédé à une évaluation approfondie s’étalant sur plus de deux millions de pages de preuves concernant IQOS, un produit du tabac chauffé fabriqué par Philip Morris International. Les données du marché montrent une baisse sans précédent de plus de 40% du volume de cigarettes conventionnelles vendues au Japon entre 2015 et 2020.
Il est également clair que la baisse spectaculaire du tabagisme au Japon a suivi l’introduction des produits du tabac chauffé. Les régulateurs ne doivent pas se laisser distraire du potentiel de santé publique important des produits à risque réduit simplement parce que les entreprises du secteur du tabac les fabriquent ou en font la promotion.
5- Les décideurs politiques doivent reconnaître les conséquences involontaires des propositions de politiques
Il est de plus en plus évident que l’utilisation des cigarettes électroniques remplace le tabagisme et que les mesures visant à contrôler l’utilisation des cigarettes électroniques peuvent déclencher une augmentation du tabagisme.
Par exemple, il est prouvé que l’interdiction des arômes de e-liquides, l’augmentation des taxes sur les produits de vapotage, l’interdiction de la publicité pour les cigarettes électroniques et les restrictions d’accès peuvent augmenter le tabagisme.
Une réglementation excessive des produits sans fumée favorisera aussi injustement les grandes entreprises qui fabriquent ces produits, à savoir les entreprises du secteur du tabac. Il s’agit d’un appel en faveur d’une réglementation soigneusement conçue et proportionnée aux risques, qui tienne compte des risques de conséquences néfastes involontaires.
6- Placer l’utilisation des cigarettes électroniques par les adolescents dans le contexte approprié
Les décideurs politiques s’inquiètent de l’augmentation de l’utilisation des cigarettes électroniques par les jeunes, notamment aux États-Unis. Malgré l’augmentation de l’utilisation des cigarettes électroniques par les adolescents, il n’y a pas eu d’augmentation de la dépendance à la nicotine.
Certains jeunes utilisent les cigarettes électroniques pour arrêter de fumer des cigarettes conventionnelles ou comme alternative aux cigarettes conventionnelles. Bien qu’il existe des associations positives entre l’utilisation des cigarettes électroniques par les adolescents et le tabagisme ultérieur, il est peu probable qu’elles indiquent un « effet de passerelle ».
Ils sont plus susceptibles de découler de facteurs de risque communs – les caractéristiques de prise de risque de l’individu ou de ses circonstances qui l’incitent à fumer des cigarettes conventionnelles et à utiliser les cigarettes électroniques.
7- La santé publique soutient la réduction des risques dans la lutte contre le tabagisme
Le tabagisme est responsable de 98% de la charge mondiale de mortalité liée au tabac. Une grande partie des politiques de lutte contre le tabagisme présente la réduction des risques liés au tabac comme une stratégie de l’industrie visant à saper la lutte antitabac. Mais cela ignore le soutien substantiel des experts en faveur de la réduction des méfaits du tabac dans les domaines de la santé publique et de la lutte antitabac et l’expérience de millions de fumeurs qui ont réussi à changer de mode de vie et qui sont en meilleure condition physique, sociale et économique.
Les cent experts recommandent l’adoption d’une approche plus interrogative et plus ferme à l’égard du plaidoyer de l’OMS en faveur d’une alternative sans fumée au tabagisme et de prendre les mesures suivantes :
- Faire de la réduction des méfaits du tabac une composante de la stratégie mondiale visant à atteindre les objectifs de développement durable en matière de santé.
- Insister pour que toute analyse politique évalue correctement les avantages pour les fumeurs ou les fumeurs potentiels, y compris les adolescents, ainsi que les risques pour les utilisateurs et les non-utilisateurs de ces produits.
- Exiger que toute proposition de politique, en particulier les interdictions, reflète les risques de conséquences involontaires, y compris les augmentations potentielles du tabagisme et d’autres réactions négatives.
- Appliquer correctement l’article 5.3 de la CCLAT afin de lutter contre les véritables abus de l’industrie du tabac, mais pas pour créer un obstacle contre-productif aux produits à risque réduit qui présentent des avantages pour la santé publique ou pour empêcher l’évaluation critique des données de l’industrie sur la base stricte de leurs mérites scientifiques.
- Rendre les négociations de la CCLAT plus ouvertes aux parties prenantes ayant des perspectives de réduction des dommages, y compris les consommateurs, les experts en santé publique et certaines entreprises ayant des connaissances spécialisées importantes qui ne sont pas détenues par la communauté traditionnelle de la lutte antitabac.
- Lancer un examen indépendant sur la politique du tabac dans le contexte des objectifs de développement durable- ODD. Cet examen pourrait porter sur l’interprétation et l’utilisation de la science, la qualité des conseils politiques, l’engagement des parties prenantes, la responsabilité et la gouvernance.
Les cent signataires espèrent que les communautés de santé publique – scientifiques, experts en politique de santé publique, et praticiens – convergeront vers un objectif commun pour atteindre les ODD et réduire le fardeau mondial des maladies liées au tabac et de la mortalité prématurée aussi rapidement et entièrement que possible.